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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Tu dessers ta cause

Publié le 1 Septembre 2020 par Nina in militantisme, débattre, féminisme

Alors que la rentrée est là, j’ai envie de vous parler aujourd’hui de la phrase qui me fait le plus hurler dès que j’essaie de militer un tout petit peu. J’ai nommé l’éternel “tu dessers ta cause”, comme indiqué dans le titre. Parce que niveau argument fallacieux de la part de ceux qui n’ont de toute façon aucune envie d’être conquis, ça se pose là. Penchons-nous donc sur les vices du dessers ta cause. Avec un S, oui. Sinon, on va virer plus sur de la pâtisserie ou de la glace.

Tu dessers ta cause
L'obligation de garder ses nerfs

Ce qui est difficile quand on défend une cause, un propos, c’est de toujours garder son calme. Ce qui n’est pas nécessairement un mal en soi. Je pense qu’une des très rares fois où j’ai été d’accord avec Ségolène Royal, c’est quand elle parlait de colère saine. D’autant plus qu’on était dans le proverbial et incroyablement sexiste “les femmes ne savent pas garder leurs nerfs”. De la part du plus colérique des présidents de la Ve République, c’est quand même follement ironique. Bref, on n’a pas toujours la patience, d’autant que neuf fois sur dix, la convo au débat est juste pour nous humilier avec des stats fausses et arguments fallacieux mais t’as beau le souligner, la personne ne veut pas t’écouter. Donc à un moment, perdre patience, c’est legit. Tant qu’on ne glisse pas dans des “ftg pd”, ça se comprend. Bon même, le ferme ta gueule, je peux le tolérer. Le PD par contre, non, jamais. Et nous pousser à bout est une stratégie car plus on va s’énerver, plus on va perdre en nuance et on va atterrir sur un “non mais t’es trop extrémiste/énervée, tu dessers ta cause”. Et là, j’ai envie de dire “ferme ta gueule”.

Tais toi

 

Parce que si la forme l’emporte sur le fond, c’est que t’en as rien à foutre de la cause, à la base. Oui, pardon de ne pas parler avec amour et douceur quand je parle féminicide, violences conjugales, pédophilie. C’est dégueulasse et je veux pas entendre que je dessers ma cause quand je parle agressivement de ces sujets. “Ah moi, à la base, je suis pas trop pour les hommes qui tuent leur femme mais vu comme tu en parles, bah du coup, je trouve que c’est pas si grave.” Sérieusement ? L’audace du truc. J’ai eu le même truc sur mon article sur le féminisme qui rend misandre, véritable appeau à mascus qui pensent que j’ai pas capté que le lien tournait entre eux… vu qu’ils ont tous débarqué six mois plus tard. Là, un mec me sort sans pression “oui, ok, les hommes tuent les femmes mais tes mots font aussi mal”. Pardon ? Est-ce que l’on met vraiment ma colère de personne sensibilisée au féminisme et le meurtre de femmes par conjoint ou ex conjoint ? Vraiiiiiiiiiment ? Tu trouves vraiiiiiiment que le froissement de ton ridicule ego est à mettre sur le même plan qu’un décès ? Un décès d’une personne qui a souvent des enfants ? 

Fragilité des egos mâles
Allégorie de la fragilité des egos des petits mascus
La politesse n'est PAS une alliée

Car c’est là tout le vice du “tu dessers ta cause”. Si la personne est plus heurtée par mon ton que par ce que je défends, c’est que la cause ne l’intéressait pas au départ. Si je dois parler avec mille politesses et faire trois révérences pour que la personne daigne écouter ce que j’ai à lui dire, c’est pas la peine. Alors oui, des fois, on va pouvoir m’objecter “non mais la personne émet un avis peu éclairé et toi, tu lui tombes dessus avec violence, normal qu’il réagisse mal”. Car le “tu dessers ta cause” arrive souvent quand tu expliques à une personne qu’elle ne sait pas de quoi elle parle et qu’elle ferait mieux de se renseigner un peu, lien à l’appui. J’avoue que le style n’y est pas toujours mais quand tu le fais avec politesse et gentillesse, la personne à qui tu signales qu’elle se fourvoie :

  • Ne lira jamais les ressources que tu lui partages
  • Va te prendre à parti sur les “autres extrémistes qui parlent mal”, les féministes extrémistes qui “desservent leur cause” et le débat va s’arrêter là.

Non seulement tu n’auras pas tourné la personne à la cause mais en plus, elle t’aura utilisé pour dénigrer celleux de ton “camp”. On ne gagne jamais à ça.

Comment militer quand on est féministe

 

On ne débat pas, on plante des graines

Alors je dis pas d’être systématiquement agressif car, devinez quoi, ça fatigue de ouf. Vraiment. Faites tout simplement comme vous le sentez et le jour où vous perdez votre chill, c’est pas grave. Parce qu’on ne peut pas convaincre une personne qui ne veut pas l’être. Et puis, l’essentiel n’est pas de “remporter le débat” ou je ne sais quoi mais de planter une graine. Dans l’esprit de votre contradicteur ou de quelqu’un qui lit en silence. Ca m’est arrivé d’avoir des échanges durs par le passé où je ne comprenais pas les arguments, je n’étais pas d’accord. Puis en y repensant quelques temps plus tard, en lisant des chiffres, des articles, en regardant des reportages… peut-être que la personne adhèrera d’elle-même à la cause. Elle ne vous le dira jamais mais peu importe, au fond. Bref, prendre la parole sur une cause, c’est jamais la desservir, même si vous enroulez vos arguments de “putain” et de “FTG”. 

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