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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Le sucre est-il mauvais pour bébé ?

Publié le 27 Février 2025 par Nina in Sociologie de comptoir, Phénomène de société, Les injonctions

Vous devez vous dire que je pète un câble. Quoi, à l’heure où les saluts nazis pleuvent sur le monde, elle nous parle diététique du nourrisson alors qu’elle n’a même pas d’enfants ? Alors sur les saluts nazis, je suis pas sûre d’être capable d’en parler autrement qu’en insultant beaucoup trop de gens pour le moment. Et sur la diététique des bébés, c’est pas tant de ça que je veux parler mais des injonctions médiatiques parfois pétées. Et du fait, aussi, qu’on aime beaucoup trop traiter les femmes de folles. Comme si un comportement individuel naissait forcément de l’Ether. Donc le sucre et les bébés, ça dit quoi de la société ?

Le sucre dans l'alimentation de bébé

Un mec qui a un avis sur la nutrition des nourrissons...

L’autre jour, je glande un peu sur Threads quand je vois un mec balancer des “ah les mères folles de Tiktok qui disent interdire tous les sucres à leur bébé, gros délire”. Je vais passer sur le mansplaining d’un mec qui estime savoir mieux que l’ensemble des femmes comment nourrir un gosse. Alors qu’il est fort probable que s’il se reproduit un jour, il ne s’occupera pas de l’équilibre alimentaire de son rejeton. 68% des femmes déclarent être responsables des menus de la semaine, c’est pas moi qui fais les stats. Enfin, concernant le sucre, ici, il était question de sucre raffiné. Cependant, certains pédiatres alertent sur des alimentations déséquilibrées des nourrissons, cassant leur courbe de croissance. En cause, une absence de matières grasses, féculents et sucres rapides. 

Bébé mange une pomme

Forcément, c'est la faute des femmes

Voilà pour le tableau de départ. Va-t-on donc jeter la pierre aux mères qui mettent leur gosse à la diète dès le berceau. Ce serait un peu trop rapide, ça, non ? Bon, je sais qu’on ne passe jamais rien aux femmes, qu’on adore les traiter de folles. Déjà, dosez votre choix de vocabulaire. Un peu hâte qu’on sorte de cette ère où tout le monde se ramasse l’étiquette du “fou/folle du bus” un peu gratos. Cette histoire de sucre va surtout me servir à démontrer certaines dynamiques systémiques qu’on aime bien ne pas voir alors que…

Le sucre tue

Oui, notre société est grossophobe

Déjà, point un : on vit dans une société grossophobe. Déso, pas déso. Je vois parfois popper des témoignages de personnes, souvent des femmes mais ça peut être lié à mes bulles de filtre, qui racontent avoir été interpellé par des inconnu·es dans la rue rapport à leur poids. Outre le famoso “vous seriez tellement plus jolie si vous perdiez du poids”, j’ai lu l’histoire d’une meuf qui s’était fait rabrouer par une dame car elle était en crop-top. La dame lui avait montré son ventre en commentant “personne ne veut voir ça”. Ou des personnes grosses racontant que si elles mangent dans la rue, quelqu’un va venir leur expliquer que c’est pas bon pour eux. Mais mêlez-vous de votre cul, je sais pas ? Evidemment, si tu es gros·se, c’est forcément de ta faute. Parce que tu passes ta vie sur ton canap’ à manger des chips, c’est bien connu. D’ailleurs, il faudra qu’on parle un jour de cet archétype, il a l’air très présent dans les vidéo de motivation. Le poids, c’est juste une question de se bouger. La génétique, le métabolisme, la prise de médicaments, la santé mentale… Tout ça, c’est des excuses. Tu sais, comme quand un Arabe te parle de racisme systémique et qu’on lui répond que c’est pas en se victimisant qu’il va trouver du taf.

Grossophobie

Si mon enfant est gros, il va souffrir

Bref, la société est grossophobe, les gros·ses sont tellement pas respectés que tout le monde se permet de les trasher. Genre un·e gros·se poste une photo d’ellui sur les réseaux ? “Han promotion de l’obésité”. L’existence d’une personne n’est la promotion de rien, hein. Une personne grosse a le droit d’avoir une visibilité sur les réseaux, surtout si elle bosse dans un milieu artistique. Comme Mathilde, par exemple. Une personne grosse a le droit d’aimer la mode et de partager des looks et une personne grosse a le droit de se trouver fraîche et jolie. Si ça vous pose un problème, c’est que vous êtes grossophobe, point. Mais la grossophobie est souvent tellement intériorisée, y a qu’à voir les chiffres de l’industrie de la minceur, qu’on a peur que son enfant soit gros. Pas parce qu’on a peur de moins l’aimer, enfin j’espère, mais parce qu’on a peur que la vie soit plus difficile pour lui. 

Les remarques grossophobes dès l'enfance

Les coachs adorent nous interdire des aliments

En parallèle, on est inondés de messages sur l’équilibre alimentaire et surtout sur les aliments tabous. Prenez n’importe quel réseau social d’un influenceur sport, santé et/ou nutrition, vous aurez régulièrement des vidéos “les 10 aliments que j’ai banni de mon alimentation”. Avec le ou la coach en train de faire la croix avec ses bras. Ah oui, diaboliser des familles d’aliments, la voie royale pour les TCA. Bravo les coaches. Surtout que bon, j’ai pas besoin d’un coach à la gomme pour savoir que les sodas n’ont aucun intérêt nutritionnel. La star de ces vidéos, c’est inévitablement le sucre. Raffiné, certes. Même si pas mal de coachs te disent de pas boire de jus de fruit parce que c’est trop sucré. Même ceux sans sucre ajouté. Alors oui, il est vrai que c’est mieux de faire ses propres jus, “on sait ce qu’il y a dedans” si ça vous fait plaisir. Mais tout le monde n’a pas le temps ou les moyens de s’acheter la super extractrice. Et je ne pense pas que boire un verre de jus le matin vous condamne au diabète.

Trop sucré le jus de fruit ?

On veut donner le meilleur à son petit

Seulement, à évoluer dans ce bain des aliments interdits, comment tu veux ne pas appliquer ces préceptes à ton gosse ? L’être à qui tu veux absolument donner le meilleur dans la limite de tes moyens. Même si on ne shame pas les mères qui achètent des petits pots pour bébés. Donc forcément, si tu as des croyances alimentaires, surtout celles qu’on te martèle H24, comment tu veux ne pas les appliquer à ton gosse ? Quand on te dit que le sucre est plus addictif que la cocaïne (c’est faux), oui, tu hésites avant de filer un truc sucré à ton gosse. Même si le pédiatre t’a dit ok pour cette diversification alimentaire là. On vit quand même dans une société où des gens publient des contenus en mettant leur casquette de professionnel de la santé (genre naturopathes, ok) pour te dire que le jus d’orange donne le cancer. Si tu adhères à ça, forcément que tu ne donneras pas de jus d’orange à ton gosse. C’est mathématique.

Le jus d'orange dangereux pour la santé ?

On ne sait plus quoi manger

Alors plutôt que de blâmer les mères et de se foutre de leur gueule gratos pour ramasser des likes et des commentaires du type “ah oui, trop connes, lol”, réfléchissons. On ne parle pas ici d’une femme isolée aux convictions bizarres, non. On parle d’un phénomène significatif. Et quand il y a phénomène significatif, on ne peut pas sortir une pratique de son contexte sociétal. Comprendre ce que cette prise de position partagée dit de notre société. Ici que la société est grossophobe et que plus personne ne sait manger de façon équilibrée tant des créateurs de contenus nous farcissent la tête d’interdits alimentaires souvent claqués au sol. Il faudrait régulièrement se souvenir des “modes” des aliments tabous pour réaliser que ce qui était banni hier est hyper encouragé aujourd’hui. Et que le sucre, y compris raffiné, n’est pas le diable. C’est comme tout : à consommer avec modération. 

Le joli sucre

C'est pas juste des "folles"

Mais ça dit surtout qu’encore une fois, tout est de la faute des femmes et, surtout, des mères qui sont des “folles”. Tellement plus facile de limiter un discours à un individu quand il y a tout un système qu’on refuse de voir. Parce qu’en parallèle de cette moquerie sur les “daronnes folles”, combien de créateurs de contenus qui se prétendent coachs sports et nutrition vont vous sortir des conneries monumentales sur le sujet sans qu’on aille les traiter de fous ? Parce que les croyances alimentaires ou sanitaires ne naissent pas de l’Ether. Ca marche de la même façon pour les antivax, les antichimio, les adeptes du jeûne (supplément grossophobie ici, les gens y vont surtout pour perdre du poids), du régime céto… On pourra les traiter de fou ou de ce que l’on veut, ça démontrera juste notre propre bêtise. Car on manquera juste un énorme pan d’explication systémique et on ne pourra pas proposer un contre-discours cohérent et crédible. Traiter les gens de fou, ici, c’est juste enlever les feuilles mortes d’un arbre et soupirer de satisfaction en se disant qu’il va mieux. 

 

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