Tout ça. Le monde d’après ne cesse de s’effondrer telle la douce utopie qu’on ne nous laissera jamais vivre. Moi, j’ai rêvé. Oui, même à 40 ans, je reste une incurable rêveuse, laissez-moi. Et j’ai imaginé ce lendemain où nous bosserions tous en télétravail, passant au bureau une fois par semaine faire coucou. Parce que perso, j’aime pas trop ça l’open space. En plus, je suis en couple donc je peux même pas me consoler en allant flirter avec le joli collègue. Tous les jolis collègues sont partis, de toute façon. Et la photocopieuse n'est pas open du tout. Elle a même refusé mon badge la semaine dernière, pour dire. J’y ai cru à cette histoire de perpétuel télétravail, surtout que ma boîte avait dit “restez chez vous jusqu’en septembre”. J’y ai cru, j’y ai cru. Et en vrai, ça pue la croquette.
Mardi dernier, je me suis donc rendue au bureau. Outre la photocopieuse qui m’a bien cherchée, le service informatique n’avait pas préparé mon nouveau pc réclamé depuis trois semaines et au bout de cinq minutes, tout le monde a lâché son masque. Même la DG qui n’arrêtait pas de nous dire qu’elle serait intraitable avec les consignes. Pourtant, quand on a pris l’ascenseur ensemble, tu me faisais face sans ton masque, madame. Et le soir, je suis rentrée, j’étais décédée. Le métro. Même si j’avoue que les gens sont fort respectueux de la consigne dans le métro, tout le monde avec son masque. Bref, autant j’étais contente de récupérer mon thé peppermint et mon casque-micro, autant je me suis rappelée à quel point tout ceci n’était qu’une perte de temps. Malheureusement, certains sont déjà contraints de revenir trois jours par semaine. En été alors qu’il n’y a personne ? Ah oui, ok, le full remote, c’est pas pour demain.
En ce moment, je cherche du travail. Ou je cherchais, je ne sais plus. Parce que bon, je voudrais partir à Toulouse et pour le moment, c’est fort décevant. Passant du temps à scruter les annonces, j’ai développé deux triggers : le babyfoot et l’afterwork. Et la mutuelle et le remboursement de 50% du navigo en avantage alors que vous êtes juste obligés. Alors que moi, ça me saoule de changer de mutuelle à chaque fois que je change de taf. Ou quand ma boîte cède aux sirènes d’un nouvel assureur. Je vous jure, je pense être passée par une dizaine de mutuelles différentes. Tu veux pas mettre le fait que j’aurai une chaise pour m’asseoir, aussi ? Du savon et du papier toilette aux WC ? Quels avantages ! Mais pourquoi le baby-foot ou les afterworks, ça me trigge ?
Alors déjà les afterworks. J’ai une vie. Et comme vous l’avez compris, moins je traîne au taf, mieux je me porte. Ne croyez pas que je n’aime pas prendre des verres avec des collègues mais j’aime choisir quand je le fais et avec qui. Quand je vois une annonce qui explique que waaaaaah, c’est afterwork tous les jeudis, j’ai envie d’opposer un énorme non. Je veux être libre de sortir ou non avec mes collègues, je veux pouvoir programmer des loisirs après le travail ou juste chiller avec mon mec. Je veux rappeler que ma vie ne se limite pas à mon boulot et les lien que j’y tisse, laissez-moi ! Et je ne vais pas m’attarder sur le fait que l’alcool et collègues m’a toujours paru une idée de merde.
Mais en fait, tout ça participe au fait que j’ai l’impression qu’on fait tout pour que ma vie se limite au boulot. On m’y propose des divertissements comme le babyfoot, des consoles, parfois ou des tables de ping-pong ou encore des terrains de pétanque, de l’alcool et même, potentiellement des relations sexuelles. Sans doute que si j’étais célibataire, je serais moins agacée par cette volonté de disrupter ma vie pour y prendre toute la place. Avec un babyfoot ? Oui. Alors déjà, j’ai quand même l’impression que c’est un loisir essentiellement masculin, du moins dans ce que j’ai pu voir dans mes différentes expériences professionnelles. Tout comme la table de ping-pong ou la console où le seul jeu dispo est FIFA. Un jour d’avant le confinement, je passe dans la salle détente et je croise une équipe de mon open space réparti comme suit : les hommes à jouer au ping-pong, les femmes au cartes sur une petite table. Mais surtout, animer l’open space avec des jeux en tout genre, c’est nous faire oublier qu’on est au bureau et donc nous encourager à ne pas compter ses heures.
Non mais quand on y pense, c’est fou. Je déteste les nerfs et ballons dans l’open space parce que je suis pas une meuf ultra chanceuse et que je vais finir par me ramasser un truc dans la tête. Alors que moi, je veux juste avancer au mieux mon taf pour partir chez moi dès que possible. Ohlala, comme tu n’es pas corporate ! Et en plus, tu finis tôt, tu vas pas aller bien loin. Oui, clairement, il est souvent mieux vu de foutre le bordel la journée en open space et écluser le bar les soirs d’afterworks que juste faire son taf. Je connais les règles du jeu et je les refuse, ok. Mais c’est quand même fou de passer pour la pisse-froid de service parce que tu n’as pas envie d’avoir des projectiles, même en mousse, qui volent à distance non raisonnable de ton matériel informatique. Et parfois, ce sont carrément des ballons de foot. C’est quoi votre souci, sérieusement ? Vous jouez au foot dans votre salon ? Alors quoi ? Mais surtout, comment vous acceptez de vous faire pigeonner de la sorte ? Finir à 22h parce que vous avez passé l’après-midi à jouer avec des pistolets en plastique ?
Moi, je dis non. Je dis que ma vie, c’est pas mon boulot. Que si j’aime bien mes collègues, je préfère les voir en dehors de toute sauterie organisée par la direction qui me file des cocktails pour me payer moins cher. Déjà qu’ils me paient la mutuelle. Non, filez-moi la tune, je me paierai des cocktails si j’en veux. Surtout que moi, à choisir, mon cocktail, je préfère le boire sur la plage lors de vacances loin de vous.