Télétravail édition. La vie citoyenne est une succession de hauts et de bas. Selon le côté de l’échiquier politique où l’on se trouve, les bonnes et mauvaises nouvelles ne sont pas forcément les mêmes. Pour moi, tout ce qui va vers plus d’équité et de solidarité est une bonne nouvelle. Chaque acquis social devrait être célébré parce que… déjà, ils sont rares mais surtout, il est faux d’appeler ça des acquis. Ce sont des conquêtes et parfois, ça a même le goût de “concessions temporaires”. Comme le télétravail, par exemple.
Mon rythme idéal en 3-2
J’ai déjà pas mal écrit sur le télétravail et j’estime qu’aujourd’hui, le format qui me convient le mieux, c’est un format hybride en 3-2. Le deux, c’est pour les jours à la maison. Mais ce mix me va parce que j’ai trouvé une boîte que j’aime bien. Chez Sunlight, c’était le même rythme et je ne supportais pas d’y aller. Essentiellement parce qu’il n’y avait plus de place pour moi dans l’open space quand j’arrivais donc quitte à rester dans mon coin sans parler à personne, autant le faire chez moi. Enfin, chez moi, je peux parler à mon mec ou mes chats, c’est toujours plus agréable. Bref, le rapport au télétravail varie énormément d’une personne à une autre, d’une situation à une autre et dans un monde idéal, un peu souplesse sur le sujet ne nuit pas.
Fin de la récré, retour au bureau
Mais voilà : le patronat trouve que ça suffit les conneries, il est temps de retourner au bureau. En dépit du bon sens pour nombre de sujets. De un : un télétravail bien organisé permet de faire des économies sur les locaux en prenant des lieux plus petits. De deux : le Covid, c’est pas fini. Sans parler de la grippe et autres petits rhumes. Le présentiel comporte des désavantages, surtout dans une société qui n’a pas l’air très intéressée par la question de l’aération des lieux. Assurer un certain espace pour chaque salarié, c’est la garantie d’une productivité accrue. De toute façon, la plupart des études s’accordent à dire que le télétravail est un bénéfice pour tous mais voilà. Les patrons ne veulent pas. Un côté control freak, je suppose. Même si j’ai tendance à bosser plus à la maison qu’au bureau mais passons.
Pourquoi ce retour en arrière ?
En vrai, je me pose la question de ce retour en arrière. Pourquoi ? Oui, ok, on aime surveiller ses salariés mais au-delà de ça ? J’ai l’impression que ça fait partie du backlash en cours sur les salariés “de plus en plus exigeants”. Aka “on n’a pas envie d’accepter n’importe quel job payé au lance-pierre”. Il y a aujourd’hui un réel bras de fer qui s’est engagé entre les dirigeants et les salariés. Surtout les plus jeunes qui ont bien compris la leçon. On a eu droit à cinquante articles sur les jeunes qui ne veulent plus travailler, bla bla bla. Ce sifflement de fin de récré à ce goût là. On vous rappelle que le bras de fer n’est pas égalitaire, vous partez avec un handicap. Les règles sont dictées par ceux qui ont le pouvoir et il faudra faire avec. Si plus personne ne propose de télétravail, va falloir renoncer à ce droit. Tant pis pour vos deux heures de transport par jour qui vous fatiguent, les microbes de vos collègues qui vous fileront grippe et gastro. De toute façon, si ceux qui avaient le pouvoir prenaient des décisions éclairées, depuis le temps, ça se saurait.
Rien n'est jamais gagné
Est-ce que le télétravail mérite qu’on se batte pour lui ? Oui mais ce n’est pas tant le but de l’article. Cet exemple très prosaïque sert à rappeller que, une fois de plus, c’est une erreur d’appeler chaque conquête sociale un “acquis”. Déjà parce que c’est oublier ceux qui se sont battus pour obtenir ce droit. Bon, dans le cas du télétravail, il y a certes le fait que ça a été instauré à marche forcée avec le Covid. Ca a pu être une sorte de but contre son camp. Bref, parler de conquête sociale, c’est rappeler que les droits peuvent se perdre et qu’en plus, quand des gens se sont levés pour réclamer ces droits, ça n’avait rien d’évident. Même des conquêtes comme Le mariage pour tous. Je veux dire, sur le papier, l’équation était simple : donner le droit aux homosexuel·les de se marier, ça ne nuit à strictement personne et de toute façon, avec le pacs, on sait déjà que des LGBT se mettent en concubinage. Le mariage pour tous n’était qu’une suite logique, finalement. Et bah non. Même pour entériner un état de fait, état de fait déjà reconnu dans des pays limitrophes, il a fallu batailler ferme. Tout ce que nous possédons en terme de droit, c’est parce que des gens se sont battus.
Rien n'est jamais tout à fait acquis
Et rien n’est définitif ou immuable. Même en France. Surtout que vous la voyez venir, la peste brune ? On n’est à l’abri de rien. Matez ce qui a pu se passer aux Etats-Unis sous Trump et les conséquences encore aujourd’hui avec des Etats qui ont tout simplement interdit l’avortement. Prenez The handmaid’s tale, enlevez la secte religieuse et vous avez peu ou prou ce qu’il se passe dans certains Etats américains aujourd’hui. Sans le viol institutionnalisé des domestiques, certes, mais allez porter plainte quand vous êtes une femme noire pauvre face à un riche. Même avec des preuves, on refusera de vous croire et on vous stigmatisera. Ce que les puissants ont consenti à vous donner, ils vous le reprendront quand ça ne les arrangera plus. Télétravail, avortement, sécurité sociale, même assurance chômage pour laquelle vous avez cotisée. Vous voulez mon avis ? Leur fronde contre le télétravail est un test. Et il passe plutôt crème de ce que je vois. A votre avis, sur quoi ils vont taper au prochain tour ? Les 35 heures ? Après tout, ça fait 23 ans qu’ils menacent de revenir dessus. Ils ont réussi à nous rajouter des années de travail, ils peuvent revenir sur le télétravail sans qu’il ne se passe rien. Tous les feux sont au vert...