Je suis ce genre de personnes qui déteste téléphoner. Si vous regardez mon historique d’appels, vous trouverez mes parents, une fois par semaine, le dimanche. Le portail du bureau que je dois appeler pour qu’il s’ouvre en dehors des heures d’ouverture. Parfois mon mec. Et c’est tout. Moi, le délire de s’appeler pour raconter sa vie, c’est pas ma came. Mais genre pas du tout. J’ai un souvenir très vif d’un appel d’une copine sur mon fixe, à l’époque où il n’y avait pas de portable. Elle m’avait cueillie à la sortie de la douche et je me suis gelée, enroulée dans une serviette humide, pendant une heure. Je déteste le téléphone parce que je ne peux rien faire pendant ce temps là, et qu’en plus, les échanges sont vite bizarres. Surtout les silences, où tu ne sais plus si la personne est toujours là ou pas. Mais le pire, c’est quand le pro envahit ton téléphone perso.
Un téléphone intégré à mon ordinateur
2018, en arrivant chez Vinyl, je perds un téléphone fixe avec le fil qui faisait toujours des noeuds, là, pour un téléphone intégré à teams. A ce moment-là de l’histoire, je bénéficiais royalement d’un jour de télétravail par semaine et je me sentais Reine. C’était fantastique : que je sois au bureau ou chez moi, on peut me téléphoner avec un numéro dédié. Bon, c’était surtout mis en place pour suivre la tendance du sharing desk : si personne ne se met à une place assignée, comment gérer la flotte de téléphone ?
Et puis démerde-toi
Puis par la suite… fail. Chez Sunlight, je me heurte dès le départ à un problème. Le client “le roi de la fenêtre” ne veut communiquer que par téléphone. Ok, du coup, peut-on m’installer un logiciel pour que je puisse l’appeler ? “Ah euh oui, non, je sais pas… bah appelle le en privé”. Sauf qu’il ne répond pas non plus aux numéros privés, comme le commun des mortels. Et c’est ainsi que j’ai fini par l’appeler avec mon numéro. Numéro qu’il utilisa pour me harceler le seul jour off que j’ai pris durant mon contrat chez Sunlight à savoir, mon anniversaire. Pour l’anecdote, le client a fini par quitter l’agence avec perte et fracas car tout le monde l’appelait en numéro privé et qu’il ne savait pas comment joindre ses account managers. Autant on peut se dire que le client est con mais ça faisait des années qu’il était client de l’agence et jamais ce point n’avait été traité.
Donner son numéro à tout le monde
Et là, c’est reparti pour un tour. Un client m’a posé un lapin pour une réunion, ma cheffe “bah pourquoi tu l’as pas appelé ?”. Parce que je n’ai pas de téléphone pro et je n’ai pas envie que mon numéro perso traîne dans tous les annuaires de mes clients ? Oui parce qu’aujourd’hui, plus personne ne répond aux numéros privés, moi la première. Fut un temps où j’envisageais même de me prendre une deuxième SIM pour avoir un numéro pro à couper les week-ends et jours fériés. Mais je ne vais pas payer, moi, pour un outil que devrait me fournir mon employeur.
Depuis le temps, faudrait trouver une solution...
Si les échanges se font de moins en moins par téléphone, passant soit par mail, soit par teams ou équivalent, il reste que le client a besoin de pouvoir nous joindre urgemment s’il se passe quelque chose. Et il me paraît fou de constater que mes derniers employeurs n’aient pas prévu un logiciel permettant d’avoir un système téléphonique sur mon ordinateur ou un téléphone pro alors que je suis censée être joignable. Ca me turlupine un peu. Je veux dire, le premier confinement, c’était il y a quatre ans… Quatre ans que le téléphone fixe de bureau n’a plus de sens. Le sharing desk, je suis censée l’avoir adopté il y a 7 ans. Censé parce que dans les faits, je l’ai assez peu vu fonctionner. Tout ça pour que des années plus tard, ma cheffe m’explique qu’elle a un canal whatsapp avec une de ses clientes très sympa mais très chronophage. Pardon mais non. J’ai déjà un compte instagram d’un des clients qui m’envoie des notifs, mes notifs Facebook sont liées aux pages dont je suis admin. Alors que moi, je vais sur Facebook pour rire sur les neurchis et voir les voisins faire la bagarre sur le groupe du quartier.
Ah, tu veux bosser de chez toi ? Bah assume
Parfois, je me demande si cette porosité entre outils pro et perso n’est pas un discret backlash lié au télétravail. Déjà, le télétravail a un peu brouillé les lignes entre le pro et le perso, surtout quand on habite dans de petites surfaces. J’ai commencé le télétravail, mon bureau était dans mon salon. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir un bureau propre et c’est plus le perso qui s’invite dans mon pro avec des interventions impromptues de mon chat qui crie en réunion. Des “je mets pas ma cam, mauvais réseau” pour cacher mon autre chat qui dort sur mon épaule. Je tourne le siège et j’ai mon bureau créatif juste derrière, ma table à puzzle juste à ma droite. Oui, j’ai acheté une table à puzzle, super investissement. Toujours est-il que les limites entre les deux sont de plus en plus poreuses. Déjà, depuis que je bosse sur un ordi portable, soit depuis dix ans, il m’arrive souvent de passer du temps perso sur du travail. Ensuite, il m’arrive de dépasser mon heure de débauche. Par exemple, le vendredi, je suis censée débaucher à 17h, c’est rare que je coupe avant 18h, maintenant. Bon, ça compense les mardis où je me barre à 17h pour aller chez l’orthoptiste ou faire régler mes oreilles. Et de toute façon, on va bientôt déménager plus proche de chez moi donc je lorgne sur un 8h30-17h30. Mais quand je télétravaille, je donne toujours du rab. Parce que là, j’ai une heure de trajet donc les jours de télétravail, même si je déborde de 30 mn, je gagne toujours 30 mn de temps libre en plus vs les jours où je vais au travail. Et les patrons veulent supprimer ça. Quel but marqué contre leur camp…
Non, je ne donnerai pas mon numéro perso
Bref, si ma boite actuelle n’a pas l’air d’aimer le concept de déconnexion, je ne suis vraiment pas pour donner mon numéro de téléphone perso. Déjà parce que je déteste le téléphone mais surtout parce que je n’aime pas ce brouillage des limites, ce laisser-aller, volontaire ou non, de la part des employeurs qui se disent qu’on va se débrouiller. Parce qu’après tout, on est dévoués, on peut créer un whatsapp pro… Alors que moi, le seul whatsapp pro que j’ai, il est avec mes (ex) collègues d’amour et on s’en sert pour s’organiser des verres et se moquer de Robert. Pour mes clients, je vais normaliser les teams dédiés et basta. Parce que je n’ai pas envie de faire des listes sur mon téléphone à bloquer pendant les heures off. Et que je ne veux plus jamais qu’un de mes moments privilégiés soit gachés par un client nerveux.