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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

On ne peut plus rien dire alors taisez-vous !

Publié le 9 Mars 2023 par Nina in On ne peut plus rien dire, Oppressions imaginaires, Humour oppressif, Débats en ligne

Taisez-vous !!” Alain Finkelkraut, 2013. Oh, dix ans déjà et ça n’a pas pris une ride, dis donc. Je suis fascinée par les excités du “on ne peut plus rien dire”. Essentiellement par le paradoxe total de leur propos. Déjà, pleurer qu’on ne peut plus rien dire tout en le disant et en ne risquant absolument rien, c’est une posture pour le moins acrobatique. Mais certains adorent s’inventer des oppressions, que voulez-vous. Surtout que ce qui est très drôle, c’est que leur “on ne peut plus rien dire” est limite une confiscation de la parole des autres. Hé oui.

On ne peut plus rien dire !

Humour oppressif interdit

Anecdote ! Il y a quelques mois, un de mes contacts Facebook partage une polémique sur des visuels jugés sexistes. Et voilà Jo "mon avis est plus important que toutes vos oppressions" déboule. "Oui, roh, ça suffit de s'indigner pour rien". En mode "on ne peut plus rien dire, l'humour est mort". Alors déjà pourquoi parler d'humour sur des visuels qui ne le sont pas ? Ah bah oui, il doit encore pleurer sur tous les joyeux sketchs de notre enfance qui présentaient les Asiatiques comme des bouffeurs de riz un peu stupides, les Arabes voleurs ou les Noirs cannibales. Ahlala, que c'était drôle ! Un pote m'a expliqué "oui bah avant, on riait de sketchs racistes et y avait moins d'agressions". De ? Ah, tu veux dire que les racisés trouvaient ça hilarant de se faire rabaisser, qu'on les fasse passer pour des incultes barbares. Alors non, déjà, à l'époque, ça les faisait chier. Mais les espaces d'expression étaient autrement plus restreints. 

Leeb, l'apôtre de l'humour raciste

Complainte et whataboutisme

Bon, j'ai essayé de faire de la pédagogie en expliquant en quoi les représentations sexistes, surtout dans des communications institutionnelles, étaient problématiques. J'ai dû un peu trop bien argumenter vu qu'il a donc choisi le what aboutisme en réponse. Je dois faire un article dessus d'ailleurs. “Moi,ce qui me préoccupe, ce sont les enfants qui souffrent”. Ah bah très bien Jo, fais un ou plusieurs posts sur le sujet. Non ? Ah. Ah oui, tu es du genre à te dire préoccupé par les enfants pour mettre ça en balance avec un autre sujet. Comme quand les racistes hurlent qu’il faut s’occuper de nos SDF plutôt que des migrants. Avant de cramer les centres d’accueil pour SDF parce qu’en vrai, on ne va rien faire. 

What aboutisme

Moi, je trouve qu'on s'en fout donc taisez-vous

Donc résumons. Un post sur le sexisme. Un mec arrive et pond un pavé expliquant que ce post n’a aucun intérêt, que la société va plus mal à cause de ça, qu’on ne peut plus rien dire, gna gna gna. Et quand on lui explique pourquoi ce n’est pas inutile de se pencher sur les clichés sexistes, il botte en touche en décrétant que ce n'est pas un vrai sujet. Donc question : qui, de la personne qui a posté le contenu sexiste pour l’interroger ou Jo s’est retrouvé limité dans sa liberté d’expression ? Qui risque de se censurer dans ses prochaines prises de parole ? Et puisqu’on parle de crispation de la société, qui a foutu de la négativité et de l’agressivité dans cette conversation ? Surtout que Jo n’a strictement rien argumenté sur le sexisme ou non des visuels. Des visuels de sport où les hommes étaient représentés en activité tandis que la seule femme était occupée à mesure une pomme. Ah oui, choisir des visuels où des hommes font du sport pour la performance ou la santé et les femmes pour la minceur, y a zéro sexisme. Ni injonction à la minceur, non, non.

Régime et perte de poids

Je n'arrête pas de dire qu'on ne peut plus rien dire

Les tenants du “on ne peut plus rien dire” sont des putains de casse-couilles totalement crétins. C’est dit. Déjà parce que dire sur un réseau que tu ne peux plus rien dire, c’est paradoxal… Mais surtout vous confisquer la parole des gens qui veulent discuter du sujet. Un chien dans un jeu de quilles, un pigeon dans un jeu d’échec. Que le sujet ne vous paraisse pas important, pourquoi pas. Moi, il y a des tas de débats que je trouve pas mal osef… et je me contente de ne pas intervenir. Ou si, vraiment, j’ai du mal à comprendre quelle serait l’offense de tel ou tel média, je n’arrive pas en mode “MOI, je vois pas le mal donc y en a pas”. Non, je demande ce qui cloche. Surtout si je ne suis pas concernée… Vous savez pourquoi la société est crispée ? Parce que quand des concerné·es s’expriment sur un malaise ressenti face à une représentation de leur orientation sexuelle, genre ou ethnie, des connards arrivent en mode “OHLALA mais arrêtez ! C’est parce que vous voulez plus vous laisser insulter que tout va mal”. Les mêmes qui vrillent dès que tu leur mets le nez dans leur caca. Sur le Jo de mon histoire,  je suis arrivée à expliquer quel était le souci du visuel, il m’a répondu “mais les enfants”. Donc clairement, il n’a pas été capable de contre-argumenter  mais pour se  sauver la face, hop what aboutisme. Les algorithmes de Facebook vont mettre en avant le comm de Jo en premier avec notre débat. Ce qui éteint totalement le sujet de base.

Un pigeon sur un échiquier

Qui enjoint au silence ?

Mais surtout, surtout… Comment tu peux dire sans trembler “oh fermez-la, on ne peut plus rien dire”. Comment tu peux balancer une injonction au silence en lançant la litanie de la liberté d’expression ? C’est quand même vertigineux… Surtout qu’on parle quand même d’une remarque sur un visuel qui ne dénigre personne. Ni une personne ni un groupe. Ou alors c’est Jo qui a réalisé ces visuels et était très vexé, allez savoir ? Mais en vrai, j’ai vraiment du mal avec ces tenants du “on ne peut plus rien dire” qui capture un débat avec des arguments pétés et, pour le coup, limitent la liberté d’expression d’une personne en s’inventant une oppression. Non parce qu’on finit tous par se censurer sur certains sujets vu que sur certains sujets, tu sais que tu vas avoir des troupeaux de Jo qui vont débarquer t’expliquer que tu as tort sans répondre au fond mais en pérorant sur des oppressions imaginaires. Un peu comme 90% des commentaires ici. Heureusement, moi, je suis une passionnée de recyclage donc tous les délires du genre, je mets direct à la poubelle.

Sac poubelle

Arrêtez de dire de la merde

Mais retenez ceci : si vous ne pouviez vraiment plus rien dire, vous ne pourriez pas le faire à longueur de journée. Si vous trouvez qu’un combat n’est pas important, fermez-là. Je veux dire si ça ne fait de mal à personne, vraiment, comprenez que vous n’êtes pas obligé de réagir à tout. Surtout si vos avis sont tous pétés. La société et l’intelligence collective vous en remercieront.

 

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