Vaste question. J’ai donc annoncé que cette semaine, j’allais pérorer un peu sur le bonheur suite à la lecture d’Happycratie. La fausse utopie, pas l’essai que je dois lire aussi. J’ai déjà parlé du développement personnel comme prétendue source de bonheur… alors qu’elle rend in fine plus malheureux si la stricte application de la méthode n’aboutit pas au résultat escompté. Troisième volet ici sur le bonheur comme arme politique pour faire taire la contestation. Pas du tout la méthode utilisée par notre gouvernement, au passage.
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Asservir les gens par le bonheur
Cette idée vient de la lecture de la BD Happytech. BD qui n’a pas encore sorti son tome 2 donc je ne vais pas la recommander dans l’absolu vu que je ne sais pas où ça va et que j’ai trouvé le héros plutôt antipathique. Mais dans cette BD, il y a une réflexion qui m’a plue. L’histoire rapidement : Xavier vit ce que l’on appelle une mauvaise passe. Irrascible et malheureux, il fait exploser son couple et perd son boulot. Alors qu’il est au bout du roul’, il décide de postuler à Happytech, la société qui a réussi à rendre sa cousine heureuse. Mais sous la promesse de bonheur d’Happytech se cache une volonté d’asservir les citoyens en les rendant heureux.
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Ce serait une répression pas si pire, certes
Je sais ce que vous allez me dire. “Bah d’un autre côté, si l’arme du gouvernement pour nous faire taire, c’est le bonheur, on s’en sort mieux qu’avec les matraques !”. Ce qui est absolument vrai. Surtout au vu de l’actualité de ce week-end. Dans Happycratie, c’est sur ce point que j’ai eu un peu de mal à suspendre avec consentement mon incrédulité. Je veux dire y a pire comme politique que de rendre les chips très chères parce que c’est pas bon pour la santé. Sauf que bon, déjà, dans la vraie vie, c’est pas du tout l’angle choisi par les politiciens, du moins en France. Ici, les Présidents aiment prendre un ton grave et un visage fermé pour nous dire que l’année qui vient de s’écouler était nase et que celle qui vient sera celle des défis. Travailler toujours plus pour moins de pouvoir d’achat sur une planète où les espèces vivantes sont de plus en plus menacées, waouh, l’éclate. Mais là, on en arrive à un stade où ils essaient même plus de nous empapaouter avec une ou deux lois sympas qui permettrait de faire passer la pilule. Non, tu fais ce qu’on te dit et tu fermes ta gueule. On a menti sur la dimension sociale de la loi en inventant des dizaines de milliers de bénéficiaires d’un dispositif… Non mais on a été élus alors taisez-vous et puis c’est tout.
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Petite recette pour atteindre le bonheur
Donc repartons sur ma fiction où la sphère politico-industrialo-libérale est un peu moins con que la vraie vie. Et mise tout sur le bonheur. Ok mais c’est quoi le bonheur ? Comment y accède-t-on ? Dans Happytech, Xavier et les autres suiveurs du programme doivent énoncer leur problème pour que les petits génies d’Happytech leur concocte un programme sur mesure. Oui, ok, en gros, c’est un peu comme un régime. Bonjour, tu veux perdre du bidou ? Alors suis ce régime de 6 semaines à base de soupe aux choux qui fait puer de la bouche et va courir tous les jours, merci. Sauf que là, tu remplaces la soupe aux choux par de la méditation et la course par du yoga, par exemple. Ou par le famoso miracle morning.
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Travaille ta résilience
Car oui, le bonheur, ça ne tombe pas tout cuit dans la bouche, ça se travaille à coup de développement personnel. Et si je suis un peu dubitative sur le premier tome d’Happytech, cette idée de quête du bonheur comme façon de doucher les revendications résonne fort en moi. Car bien avant de lire cette BD, j’avais déjà parlé du fait que “l’acceptation” de ce qui nous arrive me gonflait pas mal. J’ai la même sur la notion de résilience, je dois écrire un article dessus, d’ailleurs. Il y a quelques années, j’avais lu dans un magazine de développement personnel un article sur la résilience qui disait ceci. “Oui, si Trump était élu, au début, beaucoup d’Américains seraient choqués mais ils finiraient par vivre avec et oublier. Ca s’appelle la résilience”. Alors manifestement, la résilience est un privilège de mec blanc cis friqué, à peu près la seule catégorie à ne pas avoir pris cher sous Trump et depuis. Oui, on parle aussi de genre puisque dans cette splendide démocratie avant-gardiste que sont les Etats-Unis, l’avortement est désormais interdit dans certains Etats. J’ai même lu qu’ils envisageaient la peine de mort pour avortement. Oui, les pro-vies défendent celles d’un foetus, pas celui de la femme qui a le-dit foetus dans le ventre. Tout ça pour laisser des gosses crever de faim après parce que l’important, c’est qu’il naisse, pas qu’il vive correctement. Grml grml.
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On ne renoncera pas à nos colères
Et tout est là. Toutes ces notions de résilience, de faire taire les sentiments négatifs comme la colère. Mais la colère n’est pas un sentiment si négatif que ça. Ca peut carrément être un moteur. Personnellement, je dois à la colère pas mal de mes pas en avant dans la vie. Surtout que ces piapias sur la résilience et être toujours super positifs car le positif engendre le positif, faut pas avoir grand chose à perdre pour le sortir sans trembler. Par exemple, là, il est hors de question que je perde encore deux ans de ma vie au travail juste pour pas taxer plus les riches ou les entreprises. Alors que ceux-ci ne m’ont jamais rien donné à part de l’hypertension et certainement un ulcère d’ici quelques temps. Et si vous, vous avez envie de continuer à bosser après 62 ans, personne ne vous en empêche. Lâchez la grappe aux autres. On dirait un écolier de bande-dessinée que tout le monde déteste qui se réjouit d’un surplus de devoirs parce qu’il adore ça, les devoirs. Bah va t’acheter le livre d’exos de maths que ton instituteurice n’a pas choisi et éclate-toi, qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Surtout que tout le monde n’a pas les mêmes facilités et ce qui prend 10 minutes à l’un peut prendre 30 minutes à l’autre. C’est une métaphore de la pénibilité du travail.
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Accepte ce que tu as pour être heureux
En fait, c’est là où je pense qu’est le génie du concept d’Happytech. Le développement personnel, il t’explique en gros que tu dois déjà avoir de la gratitude pour ce que tu as et que si tu veux plus, tu es le seul artisan de ton bonheur. Sauf que non, pas trop en fait. De un, il y a tout un tas d’éléments que tu ne maîtrises pas dans la vie. Genre ta santé ou celle de tes proches. Les contextes économiques, aussi. C’est tabou en France de déclarer que ce qui nous rendrait plus heureux, c’est l’argent. Mais avoir de l’argent, c’est se débarrasser d’une incroyable charge mentale. Ce n’est pas compliqué d’imaginer l’espace de disque dur mental récupéré quand tu n’as pas à faire de savants calculs pour trouver comment tu vas faire pour payer ton loyer et ta bouffe, en priant pour qu’aucune dépense non prévue ne tombe. C’est facile d’être zen quand tu n’as pas de grande préoccupations. Que tu sais que, peu importe le nom du leader du pays, ça ne t’impactera pas directement. Mais le développement personnel, il s’en fout du contexte. Tu es le seul artisan de ton bonheur. Si tu es malheureux, c’est de ton unique faute, pas de celle de Macron.
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Le bonheur, c'est de droite ?
Ah oui, le côté all by myself, je mérite mon bonheur, tout ça… Ca sonne comme un air connu, vous ne trouvez pas ? Et bien, jeudi, on va se demander si le bonheur, c’est pas un peu un concept de droite.