On va tous mourir. Bon, c’est un fait, hein. C’est la finalité de la vie, la mort. Néanmoins, je me questionne. Pourquoi précipiter les choses ? Pourquoi, alors qu’on connaît très bien l’Epée de Damoclès qui plane au-dessus de nous, on ne fait rien pour s’en éloigner ? Pire, j’ai parfois l’impression qu’on y rajoute du lest, histoire de. C’est quoi le but ? Tout brûler jusqu’à ce qu’il ne reste plus que nos yeux pour pleurer ?
Le changement, ça coûte
Le changement, c’est difficile. Ca coûte. Je pense qu’on a tous expérimenté ça. Perso, je suis la reine pour faire traîner les choses. Les nouvelles choses, j’entends. Quand je veux ou dois intégrer un changement à ma vie, ça se passe souvent comme ça. D’abord, je le conçois dans ma tête. Ensuite, je me fixe une date et généralement, je multiplie les faux départs. Typiquement, les régimes que je commençais tous les lundis et qui se terminaient dès le mardi, voyez le genre ? Selon les bouquins de développement personnel, un changement de rythme, d’habitude, s’ancre au bout de 21 jours de répétition. C’est peu, 21 jours, quand on y pense. Et surtout, ce qui coûte, c’est le premier pas. C’est peut-être pour ça que, collectivement, personne ne se lance ?
Et si on favorisait vraiment les mobilités douces
Depuis que je vis à Bordeaux, je fais du vélo. Pas énormément, hein, c’est vraiment mon mode de transport vu que je ne vais pas si loin. Je fais de l’urbain pour l’essentiel et force est de constater que même une ville comme Bordeaux qui se veut cyclable, c’est… pas encore ça. Les pistes cyclables, là où il y en a, sont soit sur la route, juste séparées par une petite bande de peinture des voitures, soit sur le trottoir. Des cohabitations souvent difficiles vu que les voitures confondent souvent piste cyclable et arrêt minute ou se tiennent un peu trop à droite, rendant le passage difficile. Quant aux piétons, s’ils se baladent parfois sur des pistes cyclables sans que je comprenne pourquoi, j’ai du mal à leur en vouloir quand le trottoir fait une taille standard et que les ⅔ sont réservés au vélo. On pourrait leur reprocher de marcher sur le côté de la bande cyclable où les vélos risquent de leur arriver dans le dos mais le problème, de base, c’est qu’il me paraît peu pertinent de faire cohabiter des usagers qui vont à une vitesse moyenne de 5 km/h et d’autres qui vont à 15 km/h. Les voitures, qui sont limitées à 30 ou 50 en centre-ville, ne veulent pas d’usagers qui vont deux à trois fois moins vite qu’eux, pourquoi ce serait différent entre piétons et cyclistes. Bref, je rêve d’un monde où chacun aurait sa voie, bien délimitée. A partir de là, l’usage du vélo irait croissant. Parce que l’un des freins à l’adoption du vélo, ce n’est pas la flemme. Non. C’est la crainte des voitures. Moi-même…
Le train, la grande désertion
Il y a quelques années, je regardais une vidéo d’un système de parking révolutionnaire, un truc qui s’enfonçait dans le sol, je crois. A cette époque, je me disais “c’est une hérésie de réfléchir à des solutions pour la voiture individuelle, elle est vouée à disparaître”. Bien des années plus tard, je réalise que j’étais bien optimiste. Et je ne vais pas jeter la pierre gratos aux automobilistes parce que pour le coup, rien n’est fait pour nous encourager à abandonner la bagnole. Les pistes cyclables, j’en ai parlé. Parlons trains, à présent. Le train, c’est un formidable moyen de transport sur le plan écologique et ce fut un transport révolutionnaire dans son temps. Plusieurs de nos voisins européens misent sur le rail, c’est un transport très puissant au Japon, par exemple. Mais non, en France, les nouvelles lignes, ce sont juste des voies grande vitesse construites à côté des voies traditionnelles. Je n’exagère pas. Ils sont en train de construire la LGV Bordeaux-Toulouse : ce sera le même tracé que celui qui existe actuellement mais pas sur les mêmes voies. Et pendant ce temps, je réalise que si je veux aller à Clermont-Ferrand de Bordeaux, je devrais passer par… Paris. C’est le chemin le plus rapide. En gros, j’ai le choix entre 6h30 de train ou… 4h de voiture. Et encore, moi, je vis en ville, je peux me contenter du tram et du vélo mais pour certains, sans voiture, c’est juste mort. Parce qu’il n’existe pas d’infrastructure permettant de faire autrement. Même les bus. A Bordeaux, ils ont refait tous les plans de bus. Résultat : j’avais trois lignes de bus à côté de chez moi, je n’en ai plus que deux dont une ligne qui est passée d’un rythme d’un bus toutes les 10 à 15 mn à deux bus par heure.
Un nouveau smartphone par an
Je parle transports parce que c’est facile à illustrer mais on pourrait parler de l’obsolescence des objets. Je ne parle même plus d’obsolescence programmée mais d’obsolescence technologique. Voire d’obsolescence de la hype. Prenons par exemple l’iPhone. Bon, je considère souvent les utilisateurs d’iPhone comme des pigeons, surtout ceux qui changent de modèle dès qu’il y en a un nouveau qui sort. Je me souviens d’une soirée où une fille a sorti fièrement son iPhone 14 avant de nous expliquer que c’était son père qui lui avait donné car le 15 était sorti. Alors je sais que je n’ai pas une grande passion pour les smartphones. Moi, je veux juste pouvoir écrire dessus et faire des photos pour que mon téléphone me les ressorte à date anniversaire histoire que je me dise “ah oui, y a deux ans, j’étais là”. D’ailleurs, en ce moment, il me rejoue mes premières vacances à Bordeaux, celles qui ont lancé le projet. Je n’utilise pas beaucoup d’applis donc changer de téléphone tous les ans est pour moi une aberration. Déjà que j’étais ultra dégoûtée de changer le mien qui n’avait que trois ans juste parce que je l’ai fait tomber dans les toilettes… Mais bref, si tu es prêt à investir un smic tous les ans pour avoir le dernier téléphone à la mode, je n’ai pas d’estime pour toi. Déso, pas déso.
Consommer, consommer
Il y a la consommation à outrance, le besoin de posséder. Et c’est difficile dans l’absolu de résister, maintenant que tout est à un clic. Typiquement, les fringues. Dès que je surfe sur mon mobile, j’ai droit à des tas de pubs de fringues chatoyantes et je m’imagine porter cette belle robe ou cette jolie tenue. Sauf que. Je vais même pas parler de dropshipping ici mais souvent, je réalise que les fringues sont bien peu chères et qu’il doit y avoir un loup. Alors on tombe souvent sur des Shein ou Temu et leurs amis. Ah, oui, elle est bien jolie ta fringue mais on est d’accord que c’est de la basse qualité ? Des fringues qui puent le plastique, qui ressemblent à des chiffons informes au bout de deux lavages et qui se trouent ou décousent très vite, devenant de facto vite importables. On me propose en permanence des trucs à acheter. Des fringues, des téléphones, des accessoires de téléphone. Là, j’ai pour client une marque de produits pour bébés, évidemment que je suis reciblée. Cependant, ils ont un robot cuisinier qui me fait grave de l’oeil. Je l’ai signalé l’air de rien aux clientes, je ne désespère pas de choper une réduction. Ah, voilà, je veux acheter. Des produits pour manger mieux, être plus jolie, mieux habillée, plus mince, avec de jolis cheveux et un bidou en pleine santé grâce à une foule de compléments alimentaires. C’est Invasion Los Angeles mais sans plus aucune subtilité dans le plan des extraterrestres ultra-capitalistes.
On nourrit le monstre
Evidemment que cette société est mortifère puisqu’il faut consommer. Tout le temps. Le cycle de la mode est devenu fou avec des collections qui sortent toutes les deux semaines. Le fait qu’il faut posséder le dernier cri de la technologie pour rester au sommet de la pyramide. Le vélo, c’est mignon mais ça rapporte moins qu’une voiture. En plus, la voiture, elle fait marcher les sociétés autoroutières, les parkings… enfin, Vinci quoi. Moi, mon vélo, l’achat le plus fou que j’ai fait pour lui, c’est un casque à 100 balles. Tout se monnaie. Les restes des restos ou des supermarchés. Bah attend, non, on va pas les filer gratos aux pauvres, on va faire une appli et revendre ça aux bobos écolos. Je suis une bobo écolo et avant de lire le bouquin de Denis Colombi sur l'argent des pauvres, je n’avais jamais pensé que ces applis “anti-gaspi” étaient autant de moins dans le circuit de la solidarité. On doit posséder pour être. Le monstre grossit, jour après jour, bouffant toutes les ressources. Et personne ne l’arrête. Personne n’a vraiment envie de l’arrêter. Dès que quelqu’un dit que, peut-être, il faudrait manger moins de viande ou arrêter de prendre la voiture pour de petits trajets, c’est un extrêmiste bien-pensant. Nous sommes les victimes consentantes, voire volontaires, d’un système qui ne peut mener qu’à l’effondrement. On le sait mais chacun se cache derrière son petit doigt en mode “pourquoi je ferai mon effort alors que mon voisin n’en fait pas ?”.
Courir vers le mur
Bref, je ne crois plus qu’il soit possible de changer à temps. Déjà, le “à temps” est déjà passé, on n’en est plus à empêcher les dégâts mais à les limiter tant que faire se peut. Enfin, on essaie d’expliquer qu’il faudrait limiter les dégâts mais vu que personne ne fait rien, à commencer par ceux qui auraient les moyens de juguler cet ultra-capitalisme mortifère, on fonce juste tête la première dans le mur en prenant toujours plus de vitesse. On pensait que l’effondrement, ce serait à nos enfants de gérer mais rassurez-vous : à la vitesse où ça va, on devra gérer nous-mêmes. Youpi.