Ou comment prouver encore une fois que la présomption d’innocence n’est qu’une astuce bâillon pour protéger les puissants. Il y a bientôt deux semaines, un nouveau scandale sexuel est tombé dans la presse. C’est désormais au tour de Gérard Miller d’être accusé de viol. Et pas qu’un peu puisqu’au moment où j’écris ces lignes, on frôle la cinquantaine de victimes. Violent. Après le dégoût initial, vient un pressentiment, vite confirmé : personne n’en appelle à la présomption d’innocence. Au bûcher direct. Car Gérard, il est de gauche.
Miller à la poubelle
Avant de poursuivre, pour éviter toute ambiguïté dans mes propos. Enfin, ambiguïté qui n’existe pas mais que les tarés de droite vont s’empresser de bricoler pour “prouver” l’hypocrisie à gauche. Sur cette affaire comme sur les autres : je crois inconditionnellement les victimes et je ne veux plus voir Miller nulle part. La justice fera son travail de son côté mais n’offrons aucune tribune médiatique aux prétendus bourreaux. Surtout que, là encore, le système de prédation a l’air parfaitement au point. Les témoignages qui sont sortis sont glaçants de similarité. Donc Miller, à la benne avec les autres.
Se réjouir d'histoires de viol, vraiment ?
Mais là où je veux en venir, c’est dans la différence de traitement face au tribunal populaire. Ceux qui beuglent à la présomption d’innocence pour les puissants, notamment Depardieu, sont les premiers à enfoncer l’autre Gérard. “Ah ben voilà, ça fait la morale et ça vaut pas mieux, ahahah.” Et bah je suis ravie que tu trouves ça drôle, Jean-Connard. Que tu te réjouisses qu’un mec de gauche qui s’était publiquement exprimé contre les violences faites aux femmes soit pas si innocent que toi. Outre le fait que tu aies l’air de penser que tous les hommes sont des ordures, y compris les “donneurs de leçon”, ta joie doit faire vachement plaisir aux victimes. C’est fou comme elles sont toujours oubliées. Elles sont soit de grosses menteuses en mal de notoriété, soit de la chair à canon pour défoncer un gauchiste. Classe, vraiment.
Les puissants protégés par le système dont on est les rouages
A travers cette présomption d’innocence de Shrödinger, je perçois un système. Un système assez facile à dessiner, je ne suis pas suprêmement intelligente. Il y a les Puissants. Ceux à qui tant de gens prêtent allégeance sans que je comprenne bien pourquoi puisque ça ne leur rapporte rien. Tu crois que Depardieu va t’envoyer une bonne bouteille de vin parce que tu l’as défendu comme s’il était ton daron ? Le pire, ce sont les gens qui ont trois euros en épargne qui vont défendre bec et ongle des Pinault, Arnault et tutti quanti… Geeeeenre on est dans le même bateau, moi et mes trois euros et lui et ses milliards. Mais le système, ce n’est pas quelque chose qui se perçoit consciemment. Ca se perçoit à partir du moment où on s’y intéresse un peu. Qu’on perçoit les discours dominants. Défendre les Puissants est un réflexe qu’on te pousse à acquérir en t’expliquant que ceux qui n’aiment pas la réussite, c’est juste des jaloux. Pauvreté de l’analyse.
Etre à gauche annule l'appartenance à la caste des dominants
Vous allez me dire que Miller, c’est quand même plutôt un Puissant. J’imagine sans peine son appartement bourgeois dans les beaux quartiers de Paris. Enfin son hôtel particulier, selon les récits. On apprend dans un témoignage d’Anna Mouglalis qu’il a un home cinema chez lui. Sauf que Miller est de gauche et que le discours gauchiste ne reconnaît pas trop la prédominance des Puissants. Surtout ceux qui ont pour principal mérite d’être bien nés.
Tous violeurs ?
Mais surtout, on aime quand un gauchiste est pris la main dans le pot à confitures parce que “ahah, les donneurs de leçon, vous ne valez pas mieux que les autres". Ok, mais… Dans cette affaire, dois-je donc comprendre que tous les mecs sont des violeurs en puissance puisque les gens de gauche ne valent “pas mieux que les autres”. Je veux dire… on parle de viols. Viols très au pluriel quand même. Que l’on soit agacés par des gens qui adoptent des comportements sains parce qu’on n’a pas la motiv' d’en faire autant et qu’on se réjouit quand un vegan affirmé est pris le Big mac dans la bouche, ok. C’est mesquin mais le “crime” est léger. Mais là, d’où vous vous sentez à l’aise de ricaner sur le sujet “ahah, lui aussi, il tape dans le pot de confiture”. Lui aussi ? Bon sang, vous menacez de violences physiques toute féministe qui rappelle que 96% des violeurs sont des hommes. Mais quand il s’agit de taper sur un gaucho, aucun souci à sous-entendre que tous les mecs sont des violeurs en puissance ?
Et respecter la douleur des victimes, un peu ?
Alors voilà la leçon à retenir. Mettre de côté un violeur potentiel tant qu’il n’y a pas eu de procédure, c’est oui. Tout le monde n’a pas besoin d’une vie publique. Je ne veux plus voir Miller nulle part. Je ne veux pas entendre sa défense. Par contre, se réjouir de viols juste parce que vous n’aimez pas l’accusé, c’est la crasse ultime. En fait, que vous hurliez à la présomption d’innocence ou que vous jubiliez qu’un mec soit accusé de viol, vous êtes toujours dans le même comportement discutable : vous méprisez les victimes et le mal que vos réactions de connards. L’empathie, c’est pas une maladie. Faut y penser…