Je suis piétonne et j’aime ça. Enfin, la plupart du temps vu que quand même, les autres usagers n’étant pas attentifs, ils mettent régulièrement ma vie en danger. Ou me hérissent les nerfs en faisant strictement n’importe quoi. Genre depuis quelques temps : les gens qui font de la trottinette pour 3m de couloirs de métro. Ah mais vous êtes devenus incapables de marcher à ce point ?
Je crois n’avoir jamais fait de trottinette de ma vie. Essentiellement parce que je n’en ai pas eu l’occasion enfant et une fois adulte, je n’ai jamais adopté ce moyen de transport. Je ne suis pas vraiment capable de l’expliquer, je suppose que ça ne me parle juste pas. J’ai une mythologie sur les moyens de locomotion plus rapides. Par exemple, j’ai peur de me mettre au vélo au quotidien parce que je me pense trop rêveuse et étourdie pour ne pas me foutre par terre à la première racine venue. Ah et autre point essentiel : j’ai une peur quasi panique de la chute. Donc je me déplace à pieds ou en transports en commun, j’ai aussi eu une voiture quand je vivais en province mais je l’utilisais peu. Mais en général, je marche. J’ai pris cette habitude dans je vivais à Toulouse. J’habitais à côté de la place du Puits (pour ceux qui connaissent) et j’étudiais à l’UT1 et Science Po. A l’époque, il n’y avait que la ligne A du métro donc le seul moyen de transports que j’avais pour relier les deux points, c’était le bus. Moyen que j’ai vite abandonné car avec l’attente et les embouteillages, j’avais souvent plus vite fait à pieds. Et franchement, traverser la place St George vide au petit matin avec son ipod qui diffuse sa musique préférée dans les oreilles, ça reste encore un souvenir heureux.
Arrivée à Paris, je n’ai plus eu besoin de prendre les transports pendant quasi quatre ans pour aller travailler car j’habitais à 35 mn à pied maximum de mon bureau. J’ai toujours considéré ça comme du luxe et aujourd’hui que je DOIS prendre les transports, je confirme, ça l’était. Et encore, quand tout va bien, je ne prends qu’un RER pas trop blindé et le train donc c’est moins pire que prendre le métro. Marcher est de l’ordre du réflexe pour moi. Alors c’est peut-être pour ça que je comprends pas la haine de mes concitoyens pour la marche. Sans rapport aucun avec Macron, hein. Une scène réelle croisée cette semaine pour me faire comprendre. Je sors du RER et je m’enfile quelques couloirs. A un moment, je me fais dépasser par une fille en trottinette. Je la regarde progresser, elle galère car il y a du monde donc elle est en roue libre la plupart du temps. Elle a dû gagner 15 secondes si je considère qu’elle marchait à mon allure… mais surtout elle en a perdu 30 à plier son engin et est montée deux personnes après moi sur l’escalator. Avantage de la trottinette dans cette histoire : négatif. Bon, ok, en général, les trottineurs de métro, en grands nombrilistes qu’ils sont, ils ne replient pas leur engin.
C’est quoi cette flemme de marcher ? Quand ces trottinettes en “free floating”, comme on dit au pays de Molière (parce que ça veut rien dire dans la langue de Shakespeare), ont poppé de façon BEAUCOUP TROP anarchique. Et pour des usages assez limités puisque le trajet moyen fait 19 mn (mais la plupart des usagers sont des touristes étrangers). 47% des utilisateurs auraient d’ailleurs utilisé leurs pieds pour se déplacer si la trottinette électrique n’était pas disponible. D’ailleurs, Google map me pollue désormais mes itinéraires de piétonne en me mettant le trajet Lime si je voulais bien utiliser une trottinette. Non merci ! D’ailleurs si quelqu’un sait comment supprimer cette putain d’option, n’hésitez pas à laisser un commentaire… Ca me tape sur les nerfs.
Alors je parle trottinettes mais ça marche pour les hoverboards, les skates électriques, la monoroue et n’importe quel moyen de transport individuel que l’on utilise pour un trajet que l’on pourrait faire à pied. J’entends régulièrement, à raison, que nous devenons dramatiquement sédentaire. C’est à dire qu’actuellement, si je ne fais pas l’effort de me rajouter un peu de marche, je ne parviens pas à faire 10 000 pas par jour. Je suis une personne qui adore marcher mais le strict minimum, c’est 4000 à 5000 pas. Je le sais parce que j’ai un compteur de pas. Alors si on commence tous à utiliser des appareils dont on n’a pas besoin, ça va finir comment ? Oui, parce que personne n’a besoin de ces engins. Ca fait gagner du temps, quelques minutes de ci, de là. A la limite, c’est une expérience amusante pour les touristes, comme les segways. Mais ça ne répond à aucun besoin et ça nuit à tous car :
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Ca accélère notre sédentarité
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Ca réduit encore plus l’espace réservé aux piétons, les mettant de facto en danger
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On est dans une vie encore plus stressante puisque le moindre trajet doit être réduit de moitié par des engins qui peuvent nous mettre en danger.
Oui parce que dans l’enquête que j’ai liée plus haut et que je remets ici, la plupart des usagers de ces trottinettes affirment qu’ils les utiliseraient moins s’ils devaient suivre quelques règles de sécurité et de civilité comme une vitesse bridée à 15 km/h ou de devoir garer sa trottinette à des endroits dédiés (j’ai tellement envie de lâcher quelques gros mots quand je lis ça).
Bref, est-ce que j’ai envie de vivre dans une société qui refuse le moindre effort, la moindre compromission, la moindre marge de 5 mn ? Une société qui jouit d’une certaine vitesse et de l’absence de contrainte sans prendre le temps de juste souffler, regarder autour d’elle. J’aime marcher parce que ça me donne l’illusion d’avoir le temps. J’aime marcher parce que je peux regarder le décor et même prendre une photo si j’en ai envie. Et j’ai de la pitié pour ceux qui dégainent leur trottinette pour parcourir 50 mètres (j’en ai vraiment vu faire ça) parce que je me dis qu’il faut vraiment avoir une vie de merde pour tenter de gratter 15 secondes absolument.