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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Ma vie sous virus pandémique

Publié le 30 Avril 2020 par Nina in coronavirus, santé, pandémie

 

Bien le bonjour. Aujourd'hui, j'avais envie de vous partager une pensée, une réflexion. J'avoue qu'au moment où je commence à taper ces modestes lignes, je n'ai pas trop idée d'où je vais ni de comment je vais atterrir mais voilà. Je suis de cette génération qui a eu 20 ans en l'an 2000, quarante ans en quarantaine. Et surtout une adolescence sous le spectre effrayant du SIDA. Car oui, j’ai vécu toute ma vie consciente sous la menace d’un virus pandémique. Même s’ils n’ont rien à voir, la peur est peu ou prou la même.

Le virus du SIDA
Peur panique du SIDA

Je me souviens, quand j’étais gosse et suffisamment grande pour capter deux ou trois trucs, il existait deux menaces majeures : le cancer et le sida. Surtout que le SIDA, j’ai commencé à percuter l’actualité à peu près au moment de l’affaire du sang contaminé. Je me souviens notamment de deux petits garçons hémophiles qui devaient à peu près avoir mon âge qui avaient été contaminés. J’ai un souvenir très flou de l’époque mais j’avais l’impression d’avoir une menace permanente au-dessus de la tête. Alors que je ne peux pas être hémophile puisque femme et que je devais avoir à peine dix ans à l’époque donc pas de relations sexuelles ni prises de drogue. Mais les médias + personne impressionnable et assez peu informée, bonjour le cocktail.

Les enfants effrayés par la télé
Pas de sexe sans capote

Bref, j’avais à peine notion de ce que c’était le sexe que je savais qu’il fallait utiliser des préservatifs. Alors qu’on s’émoustillait à faire des bisous avec la langue, on nous montrait comment enfiler une capote. J’avais 13 ans quand Act Up a déroulé une capote géante sur l’obélisque de la Concorde. Ma sexualité s’épanouirait forcément sous latex, il n’y avait pas d’alternative. Ah oui, moi, les débats de mon adolescence, c’était l’installation de capotes dans les toilettes du lycée. Débat très théorique vu que j’étais dans le privé… même si la premier préservatif que j’ai eu m’a été remis au collège par un groupe d’une de nos paroisses qui avait bien compris qu’il valait mieux apprendre à des ados à se protéger en leur filant un peu de matos plutôt que de les encourager à l’abstinence. Oui, au collège privé, une figure d’autorité m’a donné une capote. 

Act Up déroule un préservatif sur l'obélisque de la Concorde
De la peur au relâchement ?

Le cerveau a des réactions un peu étranges face au virus. Il y a la conscience aiguë, la peur… et le relâchement, parfois. Evidemment, la comparaison entre SIDA et Covid est un peu compliquée. Le SIDA a une contagiosité moins élevée. C’est plus pervers comme virus car y a toujours le fond de “ah ben oui mais si tu l’as attrapé, c’est que tu l’as un peu cherché”. Est-ce parce que ça ne concerne que les gens avec une vie un peu dissolue (NON) que la recherche a mis tant de temps à trouver une thérapie ? Je ne sais pas. Mais c’est curieux de voir que les premières guérisons officielles du SIDA interviennent pile au moment où le covid débarque

Guérir le sida
Une prévention à apprendre

Sauf que le Covid, c’est la version Cthulhu de la pandémie. Quand cette histoire a commencé, j’ai pensé SRAS, j’ai pensé grippe aviaire et j’ai haussé les épaules. Oupsie… Et là, c’est le grand désemparement. L’idée est quelque part similaire. Se couvrir pour éviter la maladie. Adopter certains gestes barrière. C’est un certain art de vivre qui disparaît. Avant le SIDA, le sexe était libre. il y a eu ces quelques années, entre la légalisation de la contraception et l’apparition du SIDA, où le sexe était soudainement devenu joyeux, sans entraves, sans conséquences. Là, on va sans doute devoir apprendre à interagir différemment. Si je suis assez satisfaite de me passer de la bise, surtout en milieu professionnel, on ne sait plus se saluer. Il faut toujours qu’on se papouille, c’est dingue. Quelques jours avant le confinement, j’ai reçu des prestas à l’agence et il y a eu comme une gêne au moment de se dire bonjour. Pas de bise, pas de serrage de main, juste une distance un peu étrange. On va devoir s’habituer aux messages masqués. Quand nous sommes allés au Japon, les personnes masquées me mettaient un peu mal à l’aise. Bientôt, ce sera mon quotidien.

Le masque Playmobil
J'ai opté pour ce modèle-ci. Hâte de le mettre au boulot
De la peur au déni ?

Mais il reste la peur. Si ma peur du SIDA avait un fond irrationnel à l’époque où je n’avais aucune vie sexuelle (ni transfusion, ni drogue), là, c’est plus opaque. On vit la naissance d’une pandémie avec toutes ses incertitudes, les remèdes hasardeux, prétendus miracles pendant quelques jours avant que tout le monde se rende compte de l’arnaque. Des stars qui vont se mobiliser. Des albums à qualité relative, bientôt. Est-ce juste une fatalité ? Une fatalité à laquelle on finit par s’habituer, où la menace devient presque abstraite, où l’on se relâche. Du déni, sans doute. J’en sais rien, je suis pas voyante. Mais vivra-t-on un jour une vie sans virus ? C’est peut-être là, l’illusion. 

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