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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Une esthétique de la guerre

Publié le 15 Mars 2022 par Nina in Ukraine, Journalisme de guerre, Médias

J’aurais pu écrire un article sur ce qu’il se passe en Ukraine mais à quoi bon ? Je n’ai rien d’inédit à apporter et mon sentiment de petite Française qui a peur d’une guerre lointaine, je ne vois pas l’intérêt. Je suis comme tout un chacun face à cet énième conflit : jusqu’où ira l’escalade ? Va-t-on mourir du réchauffement climatique, d’un variant ultra-vénère du Covid ou d’une bombe atomique russe ? Les jours se suivent sans se ressembler, on oublie les dramas d’hier pour la menace du jour. Il y a cependant un sujet qui m’interroge et je suis très loin d’être la seule à tiquer : la perception des réfugiés Ukrainiens. Mais aussi cette esthétique de la guerre.

Photos de la guerre en Ukraine

Beauté de guerre

Il y a quelques semaines, je vais prendre le train. On va s’acheter un petit grignotage et une bouteille d’eau manifestement enrichie en or au vu du prix et là, je tombe sur la couverture de Match. Une belle femme Ukrainienne, de profil, en tenue militaire, affichée sur la Une. Jolie photo, indéniablement. Mais y a comme un truc qui me gêne. Je repense immédiatement à cette enfant afghane aux immenses yeux clairs des années 80. Je me pose une première question : faut-il être beau ou belle pour susciter la compassion ? Un être beau doit-il, par essence, être préservé des affres de la vie. Parce que oui, la guerre, c’est affreux. Mais est-ce plus affreux quand la victime est belle ?

Paris Match, numéro sur l'Ukraine

 

Un besoin de s'identifier

Et puis les éditorialistes sont venus nourrir ma réflexion un peu plus profondément. Il y a certes la beauté mais surtout… les Ukrainiens sont majoritairement blancs. « Comme nous », disent les éditorialistes en cœur. Elle est là, la sidération. Ce n’est pas tant que ça touche des gens beaux mais surtout que ça touche des gens « comme nous ». Pourquoi la petite fille afghane est un tel symbole ? Certes, c’est une enfant. On pourrait parler de l’enfant Vietnamienne hurlant de douleur car brûlée au napalm. Mais en prime celle-ci est claire de peau aux yeux clairs. On dirait presque une Occidentale, une « comme nous ».

Enfant fuyant le guerre en Ukraine

On tremble pour les Blancs

On pourrait penser que j’exagère. Un excès de zèle wokiste. Mais absolument pas. Le discours des éditorialistes est sibyllin. Cette guerre nous horrifie parce que les Ukrainiens sont des Blancs Chrétiens. On ne s’est pas autant ému pour la Tchétchénie ou même la Georgie, il me semble. Tout le monde crie que Poutine a pété les plombs mais ce n’est qu’une suite logique. Et puis on n’avait pas dit grand-chose pour la Crimée en 2014... Ah si, y a eu des sanctions économiques. Ca montre que c'est efficace. Même quand un missile russe a shooté un avion de ligne plein de Néerlandais, des « comme nous », il s'est rien passé. Récemment, le Yémen a encore été bombardé par l’Arabie Saoudite. On s’en fout. Parce que ce sont des Arabes, des « pas comme nous ». Des qu’on ne veut pas chez nous. Des qui n’ont pas le droit de fuir l’Ukraine car la Pologne n’en veut pas. L’empathie se limite à ceux qui nous ressemblent. A ceux qui sont beaux, qui permettent d’avoir de belles photos.

Les enfants réfugiés

On a réappris avec violence que les Humains ne se valent pas. On a regardé les éditorialistes expliquer, mains croisés devant eux, qu’il faut séparer le bon réfugié du mauvais immigré. On a vu des Ukrainiens noirs ou arabes ne pas avoir le droit de fuir ce pays désormais en guerre car la Pologne ne veut pas d’eux. Et si la Pologne est certes très à droite, il ne faut pas oublier le sort indigne réservé aux réfugiés par les garde-côtes grecs  ou les forces de l’ordre françaises. Le bon réfugié est blond, blanc, chrétien. Pour lui, les médias auront de l’empathie. Pour lui, il faut se mobiliser. Evidemment, l’Ukraine est plus proche que l’Afghanistan ou l’Irak. Evidemment que ça joue. Mais je pense qu’humainement, on gagnerait tous à ne pas hiérarchiser les réfugiés de guerre. Ou assumer le racisme global des sociétés occidentales mais on va encore me dire que je suis woke.  

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