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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Génération enfants gâtés ?

Publié le 22 Février 2022 par Nina in Le travail, Evolution de la société, Revenu minimum

C'est mardi et le mardi, je vous écris pour vous dire que j'aime pas le travail. Pas tous les mardis mais souvent. Il y a deux semaines, je vous parlais de cet enthousiasme collectif pour le vendredi. En écrivant avec allégresse et une pointe de mesquinerie, je me suis posée cette question : est-ce que je suis pas un peu trop enfant gâtée pour le coup ? Car après tout, je ne suis pas si mal lotie que ça. On se plaint souvent que la nouvelle génération ne veut plus rien faire, qu'ils ne savent pas la valeur du travail, que ce sont de vrais enfants gâtés. Alors que finalement, ne sont-ils pas plus dans le sens de l'histoire que nous ? Surtout les gens comme moi, les forçats du vide ? 

Travailler dur

Le monde du travail n'épanouit pas

Le travail ne m'épanouit qu'à la marge. Mille fois, j'ai rêvé de reconversion mais en rien, rien ne me convient vraiment. Mon boulot est inutile à la société, voire nuisible. Mais il offre quelques avantages, notamment des horaires à peu près normaux, une peine physique nulle et un salaire confortable. Même en ayant perdu en arrivant sur Bordeaux et pas qu'un peu, je reste pas mal placée. Surtout que j'ai pas d'enfants donc je ne ressens aucune privation de rien. Parfois, je me suis imaginée des carrières parallèles et y avait toujours un truc. Je voulais être instit mais j'ai du mal avec le bruit donc déjà, mal barré. Et je vais juste évoquer le salaire pour poser cette question : comment pouvez-vous accepter de confier une partie de l'éducation de vos enfants à des personnes si mal payées ? Je veux dire les professeurs et instituteurs sont des artisans de la société de demain, ils donnent des billes aux enfants pour se construire. A minima un bagage intellectuel. Et on n'a aucun respect pour les personnes qui assument cette mission ? Et bah… C’était un point intéressant de Bullshit jobs de David Graeber : si ton métier a du sens (institutrice, infirmière, par exemple), tu seras mal payé.e. Ou tu crèves dans le non-sens, ou tu vis dans le rouge. C’est tout.

Quand tu t'en fous de ton job

Automatiser les boulots peu épanouissants, une voie à suivre

Le jour où j’ai admis que je n’aimais pas évoluer dans ce monde du travail parfaitement absurde, j’ai vu les choses autrement. Les boulots utiles sont mal payés. Il existe tout un tas de boulots ne nécessitant que peu de qualifications qui sont un enfer. Vous avez déjà pensé trente seconde à la journée type de votre caissier.e ? Toute la journée dans un brouhaha constant, avec de la lumière très crue à ne plus savoir s’il fait jour ou nuit. Le tout sur des chaises qui me semblent peu confortables, une cadence qui peut vite se révéler infernale. Et vous servez de défouloir à des gens de mauvais poil. Ceux qui diront à leur gosse “si tu travailles pas l’école, tu finiras comme la dame”. Mais ouais, vas-y, la caissière, elle dit même pas bonjour, quelle connasse. Et dans un même mouvement, on nous raconte que les caisses automatiques, c’est triste parce que ça vole le travail des caissières. Mais… est-ce que vraiment, ce boulot est un travail que l’on souhaite à qui que ce soit ? Est-ce qu’on ne gagnerait pas tous à ce que ces jobs peu épanouissants et peu rémunérateurs soient automatisés ? 

Le blues de la caissière

Beaucoup de travailleurs ne servent à rien

Le monde du travail est absurde car il crée des emplois qui, objectivement, ne servent à rien et nous placent sur une échelle de valeur créée par ceux qui sont au sommet. Dans la dystopie Trepalium qui tourne justement autour de la thématique du travail, il n’y a quasiment plus de travail, être employé est un privilège. Et on découvre que l’emploi d’un des personnages consistent à recopier des lignes de carrés colorés. Un travail que pourrait faire un enfant de trois ou quatre ans, certainement. Autant je n’ai pas apprécié cette série pour de nombreuses raisons, autant cet aspect-là me paraissait cruellement réaliste. La société nourrit toute une caste de travailleurs qui ne servent à rien. Nos métiers n’ont pas de sens pour la plupart. Je ne peux pas m’épanouir uniquement par le travail car, vraiment, on s’en fout. Je n’ai sauvé personne à la fin de ma journée de taf, je n’ai même pas un peu amélioré le quotidien de qui que ce soit. Au “mieux”, j’ai délesté votre portemonnaie de quelques deniers. Peut-être aurez-vous acheté un truc un peu utile…

L'ennui au travail, volume 2

Le travail devient un non-sens historique

Alors on veut des vies multiples. Parce que le travail seul  ne nous suffit pas à donner du sens. On veut respirer en fin de journée. S’adonner à quelques loisirs, s’engager dans une cause ou je ne sais quoi. Ne pas se contenter d’un stupide métro-boulot-dodo qui nous fait demander ce qu’on fout là. Evidemment que nos vies professionnelles sont physiquement moins pénibles que celles de nos parents. On travaille normalement sur des chaises plus ergonomiques, nos écrans nous crèvent moins les yeux. Le clapotis des claviers est bien plus discret que les orages métalliques des machines à écrire. Beaucoup de tâches physiquement pénibles ont été automatisées. On va vers un mieux en terme de confort, c’est certainement indéniable. Même si on peut s’interroger sur le confort de l’open space vs les petits bureaux d’antan. Du coup, on pourrait penser que notre mécontentement n’est que pur caprice d’enfant gâté. Sauf que je ne suis pas certaine que le travail aille dans le sens de l’histoire.

Open space

Vive le revenu minimum et l'oisiveté

On maintient le travail parce qu’on n’est pas encore prêts à tous nous installer dans l’oisiveté. Une douce oisiveté, j’entends. Et pourtant, mon travail, des algos seraient capables de le faire. Littéralement. Je travaille désormais sur les annonces Google et il existe de plus en plus d’annonces générées automatiquement avec le contenu du site. Et je me pose la question de jusqu’à quel niveau on peut automatiser les tâches. Je suis à peu près persuadée que dans le tertiaire, tu pourrais facilement diviser la masse salariale par deux à partir du moment où tu assumes que certaines tâches n’ont pas besoin de jus de cerveau humain. Sans même parler des gens qui n’ont pas de réelles fonctions. Vous savez, là, le collègue là depuis toujours et que personne ne sait vraiment à quoi il sert. J’ai envie de croire que nous sommes la dernière génération qui a pour seule source de revenus le travail. Que si l’Humanité n’est pas annihilé avant, la génération de ma nièce de un an ne travaillera que très peu ou aura le choix de se contenter de son revenu minimum assez élevé pour vivre correctement. Cela devrait être le sens de l’histoire. Oui, nos vies sont moins pénibles que lorsqu’on allait à la mine, évidemment. Ce n’est pas une raison pour se contenter de l’absurdité qu’est devenue le monde du travail.

 

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