Bon, on est partis sur cette histoire de législatives et tout ça. Parce que ça me travaille, pensez bien. Je n’arrive pas bien à saisir comment la gauche est devenue la méchante de l’Histoire avec un programme plus modéré que celui de Mitterrand en 81. Méconnaissance politique des uns, gigantesque brainwashing bolloréen… Ca me fait chier de l’admettre car j’aime croire en l’intelligence des individus et qu’ils ne peuvent pas tomber dans des pièges aussi grossiers que la diarrhée verbale d’un Hanouna ou les Tiktok cools d’un Bardella. Et pourtant… Bref, si on part du postulat que la gauche a totalement perdu la bataille médiatique, c’est quoi la next step ?
Tomber dans les pièges médiatiques
Alorsavant de poursuivre, on va quand même distribuer de mauvais points à la gauche parce que c’est pas juste “bouh, la gauche est victiiiiime de Bolloré”. Parce que je trouve qu’ils tombent un peu facilement dans les pièges tendus. Avec Méluche en tête qui ne peut résister à la moindre provoc. Bon, même si là, il reste calme sur cette campagne. Tiens la ligne, Jean-Luc, on compte sur toi. Puis il y a cet amour de la punchline commune à pas mal de personnalités de gauche. C’est sympa la punchline, je dis pas, mais à un moment, ça ne reste pas. Bref, on en est là aussi parce que la gauche n’a pas su déjouer certains pièges, a persisté sur des sujets où il aurait fallu faire un mea culpa. Typiquement, pour en finir sur la FI, défendre les dingueries du vieux, pfff. Je me souviens de l’histoire un peu nase d’un tweet sur la défaite de l’Allemagne à un Euro ou un mondial de foot, éliminé au 1er tour. Méluche part en “ahah, bien fait, dans ta gueule Merkel”. Et sa garde rapprochée qui part en explication de texte en mode thèse, antithèse, synthèse pour justifier cette crétinerie. A noter cependant qu’en général, je trouve les intervenantes NFP plus malines sur un plateau télé.
La gauche, condamnée aux questions nulles ?
Mais voilà, on ne maîtrise plus les bails. Dès qu’un NFP débarque sur un plateau télé, on va varier entre “Mais Mélenchon” et “mais vous les qualifiez comment les événements du 07 octobre, vous ?”. Alors qu’à Marine, on va lui demander si elle embarquera ses chats à Matignon et Jordan son livre de chevet. Il va y avoir de la matière à étudier pour ceux qui se passionnent d’analyse médiatique, je vous le dis. Mais bon puisque les micros se tendent vers la gauche pour de mauvaises raisons “dites que Mélenchon veut être président du monde, siouplé”, comment reprendre la parole ?
Se créer des espaces dédiés
Je crois qu’il est temps de se saisir d’autres espaces, d’autres opportunités. Bien entendu, une émission Twitch ou Youtube n’aura pas la même audience qu’une émission de radio ou de télé mais il faut multiplier les sources. Pour toucher les jeunes mais pas que. Quand Aymeric Lompret a annoncé son départ de France Inter suite au licenciement de son camarade Meurice, il a dit dans une interview “ça me fait chier que ça tombe maintenant parce que j’ai beaucoup à dire au vu de l’actu”. On en parle avec mon mec et je lui dis “qu’il se crée son média. Une chaîne Youtube, un podcast… Qu’il crée son espace de parole”. Pas mal d’humoristes font des capsules sur Youtube, parfois entre deux contrats. Je pense à Verino, Nicole Ferroni, Pierre-Emmanuel Barré pendant le confinement. Confinement durant lequel la bande à Charline avait lancé Par Jupidémie. Le fait qu’il y a déjà un public sur cette plateforme n’est pas une hypothèse, c’est un fait.
Pourquoi toujours cet impératif de contradiction pour la gauche ?
Alors j’entends déjà les esprits chagrins “gna gna gna et la contradiction si on reste dans l'entre soi ?”. Alors déjà, la contradiction dans les médias mainstream, je la trouve relative. Si on écoute la nouvelle émission d’Hanouna, monsieur “je ne mords pas la main qui me nourrit”, il doit pas être très mordant avec l’extrême droite. J’exagère ? Le mec a mis en scène sur son plateau une tentative d’alliance entre le RN et Reconquête! . A l’inverse, il a tellement insulté un député de gauche qu’il a reçu une amende pour ça. L’ARCOM a de suite émis une alerte sur le respect de la pluralité sur l’émission. A partir du moment où l’on admet que certains médias de droite voire d’extrême-droite sont partisans, pourquoi la gauche devrait s’empêcher la même ? D’ailleurs, elle ne se l’empêche pas. Outre les médias alternatifs de type Mediapart, Blast, L’actu réfractaire, Lundi Matin, Street press ou des émissions comme Backseat. Des streams qui commentent l’actu comme Ost, Viktorovich, Linguisticae, Nat_Ali... Ou comme Le média, organe proche de la FI qui avait pour postulat de base de parler de sujets qui intéressent ses auditeurs et se différencier des médias mainstream “aux ordres”. On peut ne pas être d’accord avec ce positionnement mais au moins, ils ne font pas semblant d’être neutres, comme d’autres. Kof kof C News.
Parler sans être interrompu par des questions nulles
Ok, multiplions ces espaces de parole où une personnalité de gauche ne sera pas interrompu par une question sur Mélenchon. Mais ensuite ? Bon, déjà, point un : en tant que citoyens concernés, si on peut soutenir un peu, ce sera pas mal. Evidemment, tout dépend de vos moyens, il n’y a pas d’obligation de donner. Personnellement, en revenant de vacances, je vais un peu m’organiser pour donner ma part à quelques médias dont je consomme les contenus. Ok. Mais faut-il boycotter les médias mainstreams ? Evidemment que non. Même si la télé a un peu perdu de sa superbe depuis une ou deux décennies, ça reste un média trop puissant pour le contourner. Pour le coup, y a pas le choix : être ferme et recentrer le débat. “Et Mélenchon ?””Je ne suis pas Jean-Luc Mélenchon donc si vous voulez l’avis de M. Mélenchon sur ce sujet, invitez-le”. “Mais vous êtes d’accord quand il dit…”, “vous m’avez invité.e à parler de tel sujet, je souhaite que nous restions sur ce sujet”. Si un journaliste interrompt trop, on arrête. On ne répond plus. Est-ce que vous imaginez la terreur d’un journaliste si la personne en face se réfugie dans le silence. Juste quelques secondes de silence sur un plateau, c’est looooong. Après, tout ça se teste, s’analyse… Il doit y avoir des techniques tout aussi intéressantes qui ne me viennent pas comme ça. Mais on renverse le pouvoir, on arrête de se faire malmener.
Re régler la boussole
J’imagine qu’il faudrait aussi réfléchir à des task forces réseaux sociaux, des armées de bots qui vont faire contre-poids à ceux de la fachosphère. Oui, il y a des fermes de bots à la droite et à l’extrême droite, on le sait. C’est documenté. A quoi ça servirait des contre-bots ? A faire redescendre les montées en épingle du moindre fait divers impliquant une personne racisée. Casser la normalisation du racisme, portée par des milliers de voix de gens qui n’existent pas. Rappeler que la solidarité est finalement la seule valeur qui devrait faire société. Rappeler que la gauche, ce n’est pas du fanatisme wokiste. Tellement pas que les “anti-woke” sont obligés de créer de faux comptes wokes pour incarner une menace fantôme. Bref, on a du travail pour aider la boussole à repointer vers le nord.