Un titre tauromachique de la part de quelqu’un qui n’ira jamais voir une corrida car elle est contre toute cruauté animale, je suppose que ça ne manque pas de sel. Mais j’ai pris une décision, les amis. J’ai bloqué le mot « Zemmour » de mon Twitter. J’en ai ma claque de l’autre épouvantail malsain de l’extrême-droite. De toute façon, ça sert à quoi que je sois au courant de sa dernière sortie merdeuse, hein ? Je ne pense pas avoir une seule personne sur mes réseaux sociaux en sa faveur donc à part me joindre au concert des indignations, je n’aiderai personne. Mais surtout, en y pensant bien, Zemmour n’est-il pas une muleta bien pratique pour les fachos bien bruns qui se font de plus en plus présents dans nos rues ?
S'énerver sur le roquet et ne pas voir le bouledogue
C’est la sensation que j’en ai. Zemmour et consorts, pas que lui. Ces derniers temps, je commence à flipper ma race rapport à la violence d’extrême-droite. Je ne suis pas directement menacée, étant blanche et pas connue pour mon militantisme. Je sais que quelques liens de mes articles traînent sur des communautés mascus. Y a qu’à voir le nombre de commentaires sous mes articles féministes pour trouver étrange que six mois après leur publication, des mecs « sans liens les uns aux autres » viennent m’insulter. Curieux, curieux. Rien de grave, j’ai pas peur pour mon intégrité physique pour ça. Cependant, je vois de plus en plus d’attentats d’extrême-droite démantelés in extremis par la police et, ouais, j’ai peur. Parce que ça va finir par tomber et que j’ai pas envie que l’on vive ça, collectivement. Surtout que ça fait des années que l’on prévient de la violence de plus en plus importante de ces groupes et qu’il ne se passe rien. Pire, on finit par légitimer ces gens là en invitant sur les plateaux télés l’une de leurs porte-paroles, juste parce qu’elle est télégénique. Je vous jure, je rêve d’un grand procès des médias sur la légitimation de l’extrême-droite et du fascisme. Et il n’y aura pas que Bolloré et son pantin Hanouna sur le banc des accusés. On t’oublie pas, Ruquier…
Zemmour concentre toute l'attention mais les autres ?
On s’excite tous sur Zemmour en ce moment. Précisément la réaction que ce monsieur attend, si vous voulez mon avis. Moi la première, je pense avoir presque autant parlé de lui que de Macron… et je suis pas certaine de pouvoir définir lequel je déteste le plus. Pour de vrai. Mais est-ce qu’on ne fait pas une immense erreur. D’abord, en s’énervant sur lui, on oublie un peu la famille Le Pen. Je rappelle qu’au moment où j’écris cet article, Marine Le Pen est la seule candidate déclarée à l’extrême-droite. Et puis y a tous les autres. Y a une course à la dégueulasserie en ce moment, j’en peux vraiment plus de cette campagne. Alors oui, on peut pas laisser dire n’importe quoi non plus. C’est compliqué de laisser dire que les immigrés, définition floue pour dire « Arabes et Noirs », ce sont tous des profiteurs, violeurs ou je ne sais quoi, sans protester. Déjà pour eux. Dans un pays pas toujours très clean avec ses minorités, je suppose qu’il y a un devoir de dire que non, cette parole crade n’est pas la norme, elle n’est pas tolérable. Je ne sais pas vraiment quelle est la meilleure façon de procéder sur le sujet. Cependant, j’ai l’impression qu’on dépense notre énergie sur celui envoyé précisément au combat pour ça. Pendant qu’il fait diversion, le menu fretin s’agite et agit.
Une couverture médiatique démesurée
C’est peut-être moi. Je suis peut-être victime d’un biais de confirmation, je ne dis pas. Mais il me semble que chaque sortie provoc de Zemmour fait l’objet de nombreux articles, la couverture médiatique est immense. Alors que sur les attentats déjoués de l’extrême-droite, moyen bof. Suffisamment pour que j’en ai entendu parler alors que je n’ai aucune alerte sur le sujet, certes. Mais si l’attentat déjoué avait été organisé par des islamistes radicaux, j’ai tendance à penser que ça aurait fait la une des journaux. Même si la ligne est poreuse entre les terroristes d’extrême-droite et ceux de l’Islam radical, notez. Et je vais pas m’attarder sur les agressions et harcèlements des militants de gauche par les nervis d’extrême-droite, là, c’est carrément silence radio. Si je devais écrire une dystopie sur le basculement de la France dans l’extrême-droite, je peux vous dire que ce genre de signaux faibles ignorés par les médias figureraient en bonne place…
Ca va mal finir
Et c’est précisément là où je veux en venir. Sans rentrer dans le parallèle « ohlala les années 20-30 du XXe siècle étaient bien crados et l’histoire se répète », il y a de quoi flipper. La société française glisse tranquillement vers l’extrême-droite, c’est un fait. Y a qu’à voir les sondages. Ok, je sais qu’ils ont la valeur qu’ils ont mais quand tu vois les premiers dans les intentions de vote, t’as que du raciste assumé. Dont Macron, oui, arrêtez de vous raconter des histoires sur le sujet. En gros, en France, pour être élu, faut dire que les Arabes, ça suffit et que les Musulmans, on les accepte que s’ils sont moins Musulmans. Et qu’ils s’appellent Jean, aussi. Bientôt, on va exiger qu’ils mangent de la tartiflette. Ca fait quoi, 40 ans qu’on est sur ce sujet ? Ah ouais, on a vu comme ça a bien marché, on vit super bien dans l’Hexagone, youhou. On va finir par croire qu’on les a fait venir exprès pour reconstruire la France post-guerre puis pour les détester. Parce que bon, la haine du voisin, on a vu le résultat, on va changer de stratégie pour être une nation unie. Sauf qu’à force de secouer les muletas pour « unifier la nation », ça va forcément mal finir, ça finit toujours mal. Sauf que ce n’est pas Zemmour qui frappera, lui ne fera que rajouter de l’excitation à des esprits déjà bien échaudés.
Dénoncer la violence d'extrême-droite, pas son bouffon
Alors quitte à s’épuiser dans une lutte déjà perdue contre la vague brune, essayons au moins de ne pas nous disperser. Zemmour n’est pas la main armée. Et c’est elle que nous devons arrêter à tout prix. En dénonçant, en ne laissant pas la violence d’extrême-droite sous silence. Empêchons-les de tourner en rond. Ce sera déjà pas si mal.