Article écrit et programmé avant le second tour des législatives, je ne sais pas quelles dingueries auront lieu d’ici là. On sort donc d’une campagne éclair de 3 semaines qui nous a tous mis sur les rotules. Mais a permis de révéler pas mal de choses qui n’allaient pas dans notre système politico-médiatique. Surtout quand on a le coeur et la tête à gauche. J’ai parlé des médias que nous avons perdus mais y a un autre sujet qui m’a piqué durant la campagne : ce besoin d’avoir des noms, des figures. Constater encore et toujours que les idées ne pèsent pas lourd face à un charisme, réel ou supposé, de machin ou bidule.
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On veut le nom du Premier Ministre !
Vous savez quelle est la question qui m’a le plus saoulée pendant les trois semaines ? “Ce sera qui le Premier Ministre si vous gagnez ?”. On s’en fout. Je m’en fous, tout du moins. Mélenchon ? Bof. Ruffin ? Bof. Glucksman ? Ah non, pitié. Non parce que si on en est là, c’est en graaaaande partie grâce à la social-traîtrise de Hollande, c’est pas la peine de repartir avec le même profil. A la limite Faure si on doit partir sur un socialiste. Tondelier qui a fait une campagne impeccable malgré ses quelques casseroles, notamment sa décision de faire cavalière seule pour les Européennes. Mais d’un autre côté, qu’est-ce que je pinaille alors qu’en face, on a eu Borne ou Attal et qu’on risque de se taper Bardella, le plus crétin d’entre nous. Ne me parlez plus jamais de méritocratie, cette campagne prouve que l’intelligence n’est pas du tout une qualité requise pour se faire élire. Il y a quand même des candidats du RN qui sont arrivés en tête au premier tour alors qu’ils n’ont participé à aucun débat ni même mis leur tête sur leur affiche. S’il le faut, ils n’existent même pas.
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Un programme et une droiture
“Ah mais oui mais tu râles parce qu’on personnifie trop et après, tu te plains de candidats fantômes”. Il faut différencier les choses. Ce qui compte, c’est le programme avant tout, certes. Les idées, la vision, appelez ça comme vous voulez. Cependant, il faut s’assurer d’une certaine colonne vertébrale de la personne qui va porter notre voix. Les députés aux ordres, on a vécu ça pendant sept ans et on a tous trouvé ça insupportable. Surtout quand le camp présidentiel nous pondait des lois et orientations hors programme. Ah ça, les belles promesses sociales de campagne, quelle belle arnaque. Quand j’ai voté Hollande en 2012, j’avais bien capté que c’était pas un gros radical mais j’attendais juste de lui qu’il stoppe la droitisation galopante de notre société. Alors oui, il a fait passer le mariage pour tous mais paie ta belle histoire pour faire genre qu’on est de gauche. D’ailleurs, je suis pas la seule à le dire. A côté de ça : la loi travail, la mutilation de manifestants, l’état d’urgence, la répression des manifestations lors de la cop 21, lois créées pour “lutter contre le terrorisme” et qui donnent toujours plus de pouvoir aux autorités, Manuel Valls, le débat sur la déchéance de nationalité. Tuez-moi. Grâce à lui, la police peut convoquer en audition une des principales porte-parole de l’opposition pour “apologie du terrorisme”. Hollande a ouvert des portes qui n’auraient jamais dû être ouvertes. En plus de renforcer la ritournelle “de toute façon, droite ou gauche, c’est pareil, allons voter pour le RN”.

Un candidat explose en plein vol
On pourrait rigoler sur le fait que pas mal de gens qui beuglaient sur les “Playmobils” de En marche/Renaissance/Ensemble… votent pour des candidats fantoches parce que… bah parce qu’ils sont racistes car ils ont vu à la télé que les Arabes allaient nous remplacer. Cependant, si je veux être sûre que mon candidat n’est pas une girouette qui changera de ligne à la première occasion, je ne supporte plus cette idée d’un espoir incarné par une personne. Souvent un homme. Et faites pas genre “ah mais tu vois, le RN, ils sont progressistes, ils sont dirigés par une femme et ça pourrait être la première présidente française”. Avant d’être une femme, Marine est surtout une Le Pen. Elle aurait eu un chromosome Y, ça aurait été la même histoire. Il y a trois semaines, un nom a commencé à circuler à gauche pour notre potentiel futur Premier Ministre : François Ruffin. Alors j’ai quelques réserves sur ce monsieur, notamment sa volonté de ne pas parler de sujets sociétaux autre que la paupérisation de la ruralité. Je n’ai pas de soucis en soi avec le fait qu’un député ait un domaine où il est plus à l’aise et il est même légitime sur la ruralité. Mais ce serait sympathique de ne pas jeter sous le bus les minorités de genre parce que ça pourrait “effrayer les fâchés pas fachos”. Résultat : il est en difficulté sur une circo normalement acquise. En pleine crise d’adolescence, il massacre le père. Bravo, plus personne ne veut de lui comme Premier Ministre. Le mec était quand même pressenti pour être le prochain candidat LFI aux Présidentielles. L’explosion en plein vol.
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L'homme providentiel n'existe pas
Ruffin est un excellent exemple de pourquoi il faut arrêter de personnifier la politique. D’arrêter de rêver à un homme providentiel. Après, on se retrouve avec des narcissiques façon Macron ou des benêts façon Bardella. Ou des social-traîtres. Je rêve d’un groupe, d’un collectif. Avec quelques figures de proue, certes, mais personne en lead absolu. C’était bien cette idée de faire tourner les leaders du NFP pour les débats. Bon, dommage pour Tondelier qui n’a pas eu l’occasion d’éparpiller Bardella alors qu’elle était dans une forme olympique. La force de la gauche, aujourd’hui, c’est que nous avons un paquet de gens compétents, bien à l’aise sur leurs prés carrés. Un certain amour de la punchline un peu agaçante parfois mais on avance mieux en étant groupé. La traîtrise est plus compliquée. Et ça évite que le leader entraîne tout le monde dans le ravin, aussi; N’est-ce pas, Macron ? C’est dommage que la NUPES, et sans doute le NFP à l’heure où cet article sera publié, soient infoutus de garder cette ligne. Bien sûr que, dans un parti, il y a des divergences. Encore plus dans un groupe de partis. Mais en avançant groupés, on est plus forts. Moins de Mélenchon, plus de Guetté, Autain, Guiraud, Delogu, Legrain, Dufour… Et on n’envoie pas juste les troupes pour défendre le vieux. On s’en fout de Mélenchon, on s’en fout de Ruffin, de Faure, Tondelier… La carrière personnelle de tous ces gens ne me concernent pas. Je ne suis pas leur conseillère d’orientation.

La personnification nous a coûté cher
Et je pense vraiment que cette personnification est ce qui nous nuit aujourd’hui. La figure clivante de Mélenchon, certes, mais au-delà de ça. A gauche, nous sommes intransigeants. On se méfie des ambitieux, à juste titre sans doute. On n'oublie pas les faux pas. Toutes les fois où les valeurs ont été compromises pour séduire le plus grand nombre. Alors, oui, vous n’aimez pas Mélenchon parce qu’il crie. Parce qu’il n’est pas bon sur l’international, parce qu’il est provocateur. Y en a qui l’aiment précisément pour ça à l’inverse. Le souci, c’est que ça a été le seul sujet sur lequel on a tendu le micro à la gauche pendant ces législatives. Ca et l’antisémitisme supposé du NFP. C’est vrai que le NFP soutient la Palestine, je suppose que c’est plus grave que : les casquettes de nazis, les propos ouvertement antisémites, le passé SS, les tatouages de croix gammées du RN. Franchement, la rédemption du RN sur le sujet est un pur scandale.
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Ne pas avoir un seul dauphin pour éviter le naufrage
Bref, on a mal géré. La NUPES puis le NFP montrent la voix d’un groupe qui avance. De figures au pluriel qui permet de ne pas se retrouver enfermé avec une figure détestée par les médias. Que si un dauphin du Roi disparaît, genre Quatennens ou Ruffin, on en a d’autres, qu’ils sont connus du public et qu’ils font du bon taf. Il faut travailler ça maintenant.