Et si gagner ces élections avaient été le pire scénario pour la gauche

Ce que je ne peux admettre comme plan initial de Macron et ses conseillers vu que je ne leur prête pas un tel génie. Je n’en prête même aucun à Macronul. A la sortie des élections européennes, le scénario semblait établi : Macron avait choisi de donner les clés du pouvoir au RN. On nous a chanté ce refrain pendant trois semaines et puis, finalement, le miracle. Et pourtant deux semaines après ce résultat inattendu, on se pose la question : est-ce que la gauche a vraiment gagné ? Parce que rien ne va dans ce sens.

Avoir le plus grand nombre de députés et aucun pouvoir

Sur le papier, ça paraît fou : le parti qui a le plus de députés n’a aucun levier de pouvoir. Alors je sais que ce n’est pas le parti qui a recueilli le plus de voix mais n’oublions pas que la gauche a tendance à se désister au nom du barrage Républicain. Ca a été le cas dès 2022 alors qu’au 1er tour, la liste de Borne et la NUPES avaient quasi le même nombre de voix. C’est pareil en 2024 avec un désistement systématique de la gauche dans les triangulaires où ils n’étaient pas en position de l’emporter, quelques “Ensemble !”, MODEM, Horizon… je ne sais plus comment appeler tout ce bordel ont également suivi. On sait également que les électeurs de ce gloubi-boulga macroniste s’est plus reporté sur le RN que sur le NFP. Mais après, on nous répètera que cet extrême-centre n’est ni de droite, ni de gauche. Clairement, je ne vois pas dans quel univers ce parti restera dans les annales comme ayant été du bon côté de l’Histoire.

Pour certains, le péril est reporté

Donc miracle, on l’a fait. Je répète miracle parce que pour certaines minorités, ça a été un vrai soulagement. Les médias ont plutôt caché ça sous le tapis, à quelques exceptions près. Elles sont recensées dans le Rhinocéros sur le sujet. On a eu le reportage sur Divine, une aide-soignante qui se fait agresser par ses voisins juste parce qu’elle est Noire et qu’elle existe. On pense au mec qui s’est mis à pleurer de soulagement à l’annonce des résultats sur la place Stalingrad. Moi-même, j’ai senti quelque chose se dénouer dans mon ventre à l’annonce des résultats. Alors même que je suis très loin d’être en première ligne de ceux qui vont morfler. Ce n’est pas de la parano, hein. Dans les pays où l’extrême-droite est passée, la violence des groupuscules fascistes explosent. On a même été prévenus par un fils d’un ex cadre RN “dans trois semaines, on pourra casser du PD”. Les électeurs RN, ils se font peur avec la France Orange Mécanique . Mais une fois de plus, ce ne sont pas eux qui sont en danger imminent. Vraiment pas.

Une gauche qui pédale dans la semoule

Depuis cette élection, c’est la débandade. D’abord le NFP qui ne me semble pas à la hauteur des enjeux. On est encore à se bagarrer sur le nom du futur ou de la future Première Ministre*, personne n’a l’air de faire confiance à l’autre. Ca se dispute, ça clashe. Ca me fatigue. L’enjeu est immense. La question n’est pas la carrière de tous ces gens-là. La question est la sécurité des minorités citées au paragraphe précédent. Ceux qui ont peur pour leur vie. Et la question est aussi celle d’incarner un rempart efficace. On le sait, les résultats de cette législative ne sont qu’un sursis. Cette victoire, c’était l’occasion de montrer ce qu’est un vrai gouvernement de gauche. Pas ceux sous Hollande, donc. Essayer de rebasculer les valeurs au bon endroit. Se rappeler que la solidarité est un pilier fondamental de la société française. Se souvenir de l’importance du collectif. Retrouver les acquis perdus ces dernières années. Replacer le débat sur les vrais dangers qui pèsent sur nous et pas sur des menaces fantômes. Revoir la répartition des richesses. Et cesser de menacer les minorités, évidemment. 

On n'a même pas eu droit à plus de deux jours d'espoir

Il faut sortir du narratif “la droite ou la gauche, c’est pareil de toute façon”. Et tous les délires sur la gauche qui est finalement plus raciste que les racistes, qu’elle est antisémite parce que critiquer la politique d’Israël, c’est forcément être antisémite, tu sais… Le problème, c’est que cet espoir, la tentative d’essayer de changer les choses a été tuée dans l’oeuf. Parce que la majorité n’est pas suffisante. Parce que la Macronie “ni de droite ni de gauche” haït violemment la gauche et s’alliera sans problème avec la droite institutionnelle voire l’extrême-droite pour ne pas lâcher ses prérogatives. 15 jours post-élections : non seulement rien n’a changé mais on récupère même l’atroce Braun-Pivet au Perchoir. Rien ne nous sera épargné. Surtout pas un nouveau crachat sur nos institutions.

La gauche a gagné et il va rien se passer

Alors voilà : on a gagné le scrutin mais on ne pourra rien en faire. L’échec de la gauche ne sera pas celui de sa politique mais celui de n’avoir rien pu faire. Celui où quelque soit le nom du prochain Premier Ministre… ou de la parce qu’il y a quand même un peu de colonne vertébrale par là, on part sur une impossibilité. Un verrouillage qui bloquera toute volonté d’appliquer le programme sur lequel le parti a été élu. Et ce sera utilisé comme “ah vous voyez comme la gauche est nulle, elle ment…”. Et ne me dites pas que les gens ne tomberont pas dans un piège aussi grossier. J’ai longtemps été partisane du “mais non mais les gens ne sont pas si cons”. Même dans un pays qui a élu un produit marketing comme Macron. Deux fois. Bon, ok, la deuxième fois, j’ai vraiment eu du mal à trouver des explications autres que “les gens sont cons et avalent la soupe qu’on leur sert”. Mais avec les Européennes, j'ai pas pu continuer à me mentir.

La pire victoire

Finalement, est-ce que gagner ces élections n’a pas été le pire piège ? J’ai la sensation que si. Mais une fois de plus, c’est la preuve qu’on ne peut pas laisser le destin de notre société aux mains des seuls politiciens. Déjà parce que leurs ambitions passent trop souvent avant nos vies. Alors le militantisme, sous quelque forme que ce soit, devient primordiale. Parler, éduquer, agir. On ne pourra compter que sur nous-mêmes. Ceux qui ont pleuré de soulagement le soir des résultats comptent sur nous. 

* J'ai écrit cet article avant que le nom de Lucie Castets ne sorte. Et donc, la preuve que Macron se torche le cul avec la démocratie, il a dit qu'il en voulait pas. Il va falloir mettre le feu