En ces temps troublés en France, je me pose des questions. C’est à peu près tout ce qui va nous rester, à la fin de ce quinquennat. Alors que la grève contre la réforme des grèves tient bien [article commencé la semaine dernière], alors que le gouvernement s’en bat les steaks, alors que les flics tapent tellement sur les gens que même les bourgeois commencent à tiquer, il ne se passe rien. Alors je sais pas, je réfléchis mais je ne trouve pas. Comment on bouge les lignes aujourd’hui ?
De mémoire de moi, jamais contestation n’a duré aussi longtemps. Alors, oui, je n’ai “que” 39 ans mais si on cumule les gilets jaunes puis les manifestations contre la réforme des retraites, on peut dire que les ⅔ du mandat Macron sont placés sous le signe de la contestation. Et on en est à la moitié ! J’en veux tellement à tout ceux qui ont voté pour ce mec… Dès qu’il est apparu dans le paysage politique, le pays a été à feu et à sang, remember les manifestations contre la loi travail. Et le côté feu et sang n’est pas exagéré puisque la France se fait de plus en plus souvent épingler pour ses violences policières, cocorico ! Ce qui a quand même une conséquence : on flippe un peu de manifester. Je vous cache pas que je n’ai pas su quelle conduite tenir à ce sujet. J’étais en télétravail pendant le gros des grèves et j’avais un peu envie de me joindre au cortège MAIS n’étant pas officiellement en grève et qu’il m’arrivait un petit malheur… j’aurais été bien dans la merde. Ah oui, j’aurais pu me mettre en grève sauf que vu que je n’ai plus de client depuis quatre mois, c’est le fait que je continue de travailler… enfin “travailler” qui les emmerde. Bref, si on manifeste pas, on fait quoi ?
On a eu de nombreux symboles sur cette contestation, des orchestres aux danseurs étoiles en passant par les avocats jetant leur robe, des professeurs jetant des livres. Je n’ai pas un avis clair sur la chose. Je suis plutôt pour l’exploration de différents modes de contestation et ça fait parler… mais est-ce que ça fait parler comme il faut ? Je veux dire, on va avoir d’un côté “ohlala, trop bien, trop beau les prestations sauvages !” ou “non mais jeter des livres, quelle honte !”. Ok alors je comprends ces deux réactions primaires (même si sur la deuxième, les programmes changeant tous les trois matins… bon bah je vous dis pas les kilotonnes de livres plus vraiment utiles accumulés par les profs). Seulement, est-ce qu’on peut poursuivre la conversation ? Ce ne sont pas des flashmobs, c’est une contestation, il y a un message ? Est-il audible ? C’est la même avec les coupures d’électricité. Moi, je suis toujours un peu fascinée par l’incroyable drama que ça provoque alors que moi, Engie va le couper l’électricité pendant 5 heures pour une intervention dans quelques semaines et j’ai zéro moyen de contester. Et quand je dis “je”, je veux dire moi et l’ensemble du quartier, apparemment. Et on est tous bien convaincus d’y survivre, hein… Donc finalement, une fois de plus, est-ce qu’il n’est pas *légèrement* exagéré de parler de prise d’otage ? Non parce que je comprends parfaitement l’inconfort que ça peut générer mais quand on a moyen de faire vraiment pression… ?
Cette question de la contestation m’obsède. Faire grève, moi, je veux bien mais quel serait mon impact ? Imaginez, tous les pubeux qui s’arrêtent de bosser 24h, un jour entier où il n’y aurait pas de bannière de pub sur vos sites préférés, pas de vidéo à la musique insupportable juste avant le nouveau sketch ou podcast de votre Youtubeur préféré. Pas de mail intempestif de l’e shop où vous avez acheté des bas de contention il y a huit ans, pas d’affichage vidéo dans vos gares pour le dernier jeu vidéo qui déclenchera une crise à tous les épileptiques qui passeraient par là, plus de page entière en papier glacé avec une femme tellement étirée qu’elle peut faire un noeud avec ses bras dans son dos… mais enfin, tout le monde veut ça ! C’est un peu le souci d’une société qui a beaucoup trop de gens qui travaillent dans des secteurs qui ne servent à rien. On fait comment pour être solidaire si les manifs ne servent plus qu’à crever les yeux et casser des dents ? On est arrivés à un tel point de répression qu’on ne parle même plus des vitrines cassées, dites donc. Non, la police tape du manifestant, parce que. Point.
J’aimerais trouver. Arrêter de consommer ? Retirer en liquide tout l’argent dans les banques ? Coder un message subliminal dans les vidéos de pub vu qu’il devient de plus en plus compliqué de mater quoi que ce soit sans s’en goinfrer une ? Parler, écrire, répondre aux sondages du Point pour dire qu’on est pour la grève, ok, mais c’est quoi le point de bascule ? Le point “y a que les fonctionnaires qui font grève parce que ce sont des privilégiés !”. Non, y a qu’eux qui font grève parce qu’ils sont utiles et que ça a un impact. Bon puis y a pas qu’eux mais eux on les voit puisque… puisqu’ils sont utiles, oui !
Quelque part, ça me rend triste cette contestation que je ne sais pas rejoindre. Parce que je suis concernée même si je suis pas la plus “menacée” par la misère des retraités, je suppose. Parce que ça me dégoûte, ça me met en colère. Je réfléchis très fort à tout ce qui est désobéissance civile car je crois aux gestes forts… essentiellement pour faire parler, on va pas se leurrer. Mais c’est déjà ça.