Sidérée par l’actualité

Ca y est, j’y suis. Le point de rupture. Je n’arrive plus à réagir face à l’actualité. Dès que je vois le compteur de morts défiler à toute vitesse, j’ai juste envie de me rouler en boule sous une table, les mains sur la tête, en attendant que ça passe. C’est pas tant cette actualité précise qui me fait vriller, c’est l’accumulation de toutes ces informations qui donnent l’impression qu’on ne peut plus rien faire. Que les gens mourront quoi qu’il arrive. La sensation d’un effroyable gâchis et d’une humanité qui court à sa perte. Je suis sidérée et désemparée.

Ca ne date pas d'aujourd'hui

Ce n’est pas tout à fait nouveau, cette sensation. D’un côté, le dérèglement climatique. A l’heure où j’écris cet article, c’est la tempête chez moi. Littéralement. C’est juste la quatrième en quelques jours, tout va bien. On s’en est pas trop mal sortis sur Ciaran mais Domingos, on se la prend bien de plein fouet. On a même battu le record de vent pour un mois de novembre. Après tout, on bat tous les mois le record de chaleur, faut varier les plaisirs un peu. Mais mon éco-dépression, j’en ai déjà parlé, passons.

Le fond de l'air est nauséabond

Voyons l’état du pays. On glisse peinardos vers un état autoritaire qui ne fait même plus semblant de débattre ses lois, qui interdit des manifs péperlito. Celles de gauche, hein. Les fachos et néo-nazis, eux, ils peuvent tendre le bras dans la rue en toute décontraction. On colle des amendes à des gens qui ont un drapeau palestinien, c’est vraiment détente. Pendant ce temps-là, la paupérisation est galopante. Des gens en CDI qui sautent des repas car ils n’ont pas les moyens de s’acheter à manger, d’autres qui vivent dans leur caisse car ils n’ont pas les moyens de louer un appart. Les restos du coeur pris à la gorge, des files d’attente toujours plus longues pour les étudiants à l’aide alimentaire. Le tout saupoudrés de commentaires de Jean-Michel Connard à base de “ah ouais, ils font la queue à la banque alimentaire mais ils ont tous des iPhones, hein !”. J’ai vraiment lu ce commentaire. Certains semblent s’être donné pour mission d’étaler leur manque total d’empathie sous chaque article du genre. Les “ah ben ils avaient qu’à pas faire de gosses, on fait pas d’enfants quand on n’a pas les moyens de les élever”. Ce qui pourrait être drôle, c’est que ce sont environ les mêmes qui sont plutôt contre l’avortement, surtout “l’avortement de confort”. Ce serait rigolo si ce n’était pas aussi dramatique. 

Rappeler que l'on méprise "ceux qui ne sont rien" en permanence

On déteste les pauvres à qui on reproche toujours tout. Les pauvres, ils savent pas gérer leur argent, gna gna gna. De la part de gens qui dépensent des fortunes en NFT et autres conneries, c’est cocasse. Mais on déteste aussi les Arabes. Et les Noirs mais aujourd’hui, dans le cadre de mon article sur l’actualité, ce sont surtout les Arabes qui m’intéressent. Je ne vous refais pas le topo sur l’extermination en cours à Gaza. Soit ça vous intéresse et vous savez déjà. Soit vous n’avez pas envie de vous pencher sur la question et ce n’est pas moi qui vais vous intéresser au sujet. Et très clairement, le défile des éditorialistes te fait réaliser à quel point on s’en fout des Arabes. Et je dis bien Arabe, pas musulman, c’est un choix. Quand tu les vois dire très calmement que oui, les enfants palestiniens crèvent par centaine mais que c’est au nom de la guerre contre le terrorisme donc c’est pas grave. Et qu’à côté de ça, on en est toujours à débattre de savoir si des bébés israéliens ont été décapités ou pas pour susciter l’effroi… Très clairement, oui, je trouve effroyable de tuer des enfants. J’ai pas forcément besoin de débattre de ce qui est pire ou pas. Mais venir dire sur un plateau qu’une mort d’enfants n’est pas si grave, que “ça fait partie des dommages collatéraux” sans trembler, on a encore passé un cap dans notre inhumanité. Et je parle d’enfants parce que les médias se focalisent beaucoup dessus mais je considère que chaque mort est regrettable, dans ce contexte. 

Et nous, on se retrouve au milieu

Et à mon niveau, je fais quoi ? Déjà, partager des informations pour essayer d’éveiller des consciences ou je ne sais quoi, c’est un véritable terrain miné sur ce sujet. Enfin sur les guerres en général, je pourrais écrire la même chose mot pour mot concernant l’Ukraine. C’est le bal des fake news. Des deux côtés. Chaque récit de massacre est sujet à caution, chaque photo ou vidéo est potentiellement un fake issu d’un autre conflit. Du coup, en plus de s’agresser pour chaque mot prononcé, chaque camp va jeter au visage de l’autre la diffusion d’une fake new. Ne restent guère que les infos à propos de journalistes tués. Non pas que la vie des journalistes ait plus de valeur que celui d’un paysan palestinien tué alors qu’il ramassait ses olives. Juste qu’à un moment, difficile de garder son calme quand son correspondant est tué alors qu’il était clairement identifié comme journaliste. Ce sont à peu près les seules news qui ne sont pas tirées de rumeurs. Ca et les déclarations de nos dirigeants… On est gâtés, là encore. 

L'union ne bloque pas les missiles

La manif alors ? Manif ou marche, je regroupe tout sous le même terme par praticité. Je trouve intéressant, voire important, ce qu’il se passe en ce moment sur le conflit israélo-palestinien. Alors que les dirigeants occidentaux soutiennent leur pote Bibi pour la plupart, les peuples indiquent clairement qu’ils ne suivent pas ce chemin là. Notamment de très nombreux Juifs qui s’indignent de la politique israélienne et ce n’est pas si évident comme posture. Il y a un mouvement de fond important, un mouvement mondial sur lequel chacun peut amener sa petite pierre. Déjà ça de pris. Sauf que je me demande à qui ça envoie un message, finalement. Oui, ça me fait du bien de voir que la Palestine bénéficie d’un soutien massif à travers le monde. Ou que la politique israélienne d’extrême-droite est fortement critiquée, c’est selon le point de vue. Mais le fait qu’on soit nombreux et déterminés à faire entendre notre voix ne change rien. Ca n’arrête pas les missiles. Ca ne sauve ni les enfants, ni les parents, ni les journalistes, ni les médecins. Ca ne sauve personne. Le massacre continue malgré nos banderoles.

Et la tête s'en fout

Y a plus rien à faire, alors ? C’est tout le vice de notre système. On vit en démocratie mais finalement, une fois qu’on a donné nos voix dans des scrutins bien précis, on est pieds et poings liés. Surtout en France, ce pays à la démocratie malade, quoi qu’on en dise. Les mobilisations, ça peut marcher mais pas chez nous. Chez nous, ils s’en branlent complet des gens. Alors déjà, une première chose à faire serait peut-être de convaincre les réfractaires au vote de limiter les dégâts en votant pour le moins pire d’entre eux. Je ne suis pas convaincue que ça change tout. Il y a des logiques supranationales qui bloquent beaucoup la marge de manœuvre des uns et des autres, même des Présidents démocratiquement élus. Je ne sais pas ce qu’aurait pu faire Mélenchon s’il avait été élu sur ce dossier précis. Il y a des intérêts capitalistes bien plus puissants que certains discours et postures. Mais en attendant, ça aurait pu améliorer le quotidien de certains Français, les plus précaires et les plus fragiles. Mais quoi qu’il en soit, le système est vicié. On n’a accès à aucun cercle de décision à part un scrutin tous les quatre ou cinq ans. Et encore, en France, dans ce pays merveilleusement centralisé, les contre-pouvoirs sont ultra-faibles. La LREM n’a rien ramassé durant le premier mandat de Macron, se pétant la gueule à chaque scrutin local. Et pourtant… 

Massacre en direct

Et pendant ce temps, les missiles continuent de tomber, un peuple est littéralement massacré sous nos yeux, pendant que nos représentants ou les gens nommés par eux pérorent dans des salons dorés. Pendant que des éditorialistes racontent que la mort d’enfants arabes n’est qu’anecdote. Voire qu’elle est nécessaire pour éradiquer le terrorisme. Il y a des jours comme ça où je me dis que le réchauffement climatique, finalement, il ne fait pas suffisamment rapidement son œuvre.