Ou manager rend-il toxique ? Je finis par me poser sérieusement la question. Je vous parle de management toxique en long, large et travers depuis la création de ce blog et longtemps, je me suis dit “oh mais j’ai pas de chance, quand même, de tomber que sur des managers toxiques”. Et puis j’ai compris qu’il y avait comme une fatalité, les chatons sont rarement mis à un poste de hyène impitoyable. Ou alors on leur met la pression jusqu’à ce qu’ils commencent à mordre ?
Un jour comme un autre, j’écoute un petit reportage de France X sur le management avec une femme qui témoigne que le fait d’être devenue manager l’avait transformée en monstre agressif et méprisant avec ses équipes. Oh, pauvre chérie, me direz-vous. Sur le coup, j’ai écouté ça avec les sourcils très relevés, habitée par le doute et la suspicion. T’as pas un peu kiffé ça, humilier tes collaborateurs ? Devient-on vraiment vilain du jour au lendemain en laissant couler sur vos subordonnés la tonne de stress que vos propres managers vous versent sur la tête. Ok, ce n’est pas impossible. Surtout que le chef toxique et vachard est adulé dans la pop culture. Et ça pourrait expliquer deux ou trois trucs.
Retour sur Vanessa la manipulatrice. Une de mes anciennes collègues avait bossé avec elle et avait allumé tous les warnings. Attention, grosse manipulatrice, ne fais pas confiance ! Un jour, je déjeune avec cette ex collègue et je lui explique qu’être managée par Vanessa, c’est un enfer au quotidien. Qu’elle multiplie piques et agressions, notamment sur l’orthographe. Ce qui ne peut pas fonctionner avec moi et pour le coup, elle n’essaie même pas. Et là, révélation “c’est ouf, elle fait exactement comme faisait notre ancien chef”. En gros, Vanessa nous racontait à l’envie à quel point, elle était la petite chouchou de son ex boss. Ma pote me disait que c’était à peu près l’inverse : humiliations permanentes et quand elle se disait bras droit, elle gérait en vérité un petit pool de deux stagiaires. Et il la harcelait sur son orthographe. Sujet que je savais sensible car elle avait eu une vive réaction sur le sujet un jour alors que je parlais d’une pres réalisée par quelqu’un d’autre. Vu qu’elle n’en a jamais réalisé une seule.
Du coup, je m’interroge. Vanessa était-elle une manipulatrice perverse ou reproduisait-elle juste un comportement, pensant que c’était comme ça que l’on manageait ? Alors dans son cas, clairement, ça reste de la manipulation. Mais dans la plupart des cas, les mauvais managers que j’ai pu rencontrés (et Dieu seu sait que… bon…) tentaient de masquer leur incompétence par les cris. J’en avais eu une dans un éphémère poste qui m’avait clairement pris en grippe. Essentiellement parce que je voulais pas lui raconter ma vie personnelle, je crois. Alors que j’étais désemparée parce que je m’en prenais toujours plein la gueule quoi que je fasse ou ne fasse pas, une stagiaire américaine avec qui j’avais fort sympathisé me lâche un jour “c’est la pire boss que j’ai jamais eue. Elle me demande de faire un truc mais quand je lui demande comment, elle me répond que j’ai qu’à regarder de la vague documentation.” Sous-entendu “je sais pas ce que je veux, démerde-toi mais fais-le bien, sinon…” De façon générale, plus un manager vous parle mal et vous agresse, plus il masque sa propre méconnaissance ou incompétence sur un sujet donné. Comme Michel le toxique qui vient enfin de quitter la société, d’ailleurs. Je vous l’avais déjà dit ? Oui, mais je ne me lasse pas de l’annoncer.
C’est tout le souci de la pyramide hiérarchique en France. De mon point de vue. On pourrait parler du principe de Peter où l’on considère que placer les incompétents au management est un moindre mal mais je ne suis pas d’accord. Un management toxique, c’est surtout la garantie de perdre de bons éléments. Je ne suis jamais certaine de comment ces gens se retrouvent là. Sont-ils choisis par les N++ parce que justement pas assez compétents pour les menacer ou juste parce qu’ils ont mené une bonne campagne de lèchage de bottes ? Ca doit dépendre des cas, je suppose. Dans mon ancien taf, je n’ai jamais grimpé alors que tout le monde était très content de mon travail. Mais je crois que mon ancienne chef, Sylvia, ne me faisait pas tout à fait confiance quant à mon implication. Elle n’avait pas tort en soi. Dans mon taf actuel, c’est pour pas me donner de sous mais dans la bouche de mes N++, je suis bien responsable de mon pôle…
...Et justement, me voilà sur mon cas de conscience. Parce que là, vous avez noté comme je me place bien au-dessus de la fange, je suis Alice qui fait de la balançoire quelques mètres au-dessus de la boue. Sauf que je sens que la toxicité cherche à s’emparer de moi. Je viens de changer de N+1 et le nouveau a du mal à m’entendre quand je dis qu’il faudrait arrêter le marketing digital et nous former à autre chose. De préférence une compétence qui me permettrait de trouver du taf ailleurs mais ça, ça reste entre toi, lecteur, et moi. Non, il tient encore au marketing digital et me voilà un peu responsable de relancer tout ça. Et je sais très bien quel est le meilleur axe à exploiter pour y arriver. Le souci, c’est que cet axe repose entièrement sur un collègue… qui n’est franchement pas à la hauteur. La semaine dernière, j’ai dû refaire toute une pres qu’il avait pondue. Le mec a 15 ans d’expérience et a rendu une dissertation sur powerpoint, truffée de fautes et de phrases qui ne voulaient rien dire. Alors que c’était en français. A l’oral, c’est compliqué aussi, aucune phrase n’a de fin. Elles meurent dans un murmure. Je l’ai même entendu dire devant un client “alors cette slide… oh, je sais pas pourquoi je l’ai mise”. Est-ce que je veux vraiment faire peser tout l’espoir de ce qu’il reste de mon pôle sur ses épaules ? Non. Mais est-ce que je veux le pousser dehors, sachant qu’il risque de ne jamais retrouver de job parce que ça fait presque 15 ans qu’il se planque ? Meeeeh. Après tout, peut-être que personne n’a cherché à le faire progresser. Le souci, c’est qu’il s’est souvent mis en compétition avec moi (alors que je ne demandais rien), je vais galérer à en faire mon champion.
On n'est jamais au-dessus de la mélasse
Et voilà : j’ai une once de pouvoir et je commence déjà à vouloir faire le ménage. Mais je considère que le management n’est pas pour moi. En vrai, je trouve ça inintéressant au possible, j’aime mieux le rôle de coach, franchement. J’ai envie de faire progresser les gens dans la bienveillance, sans l’oppression de l’échéance beaucoup trop proche pour pouvoir faire quelque chose. Parce que la semaine dernière, mon rôle était à la base de “donner un coup de main”. Quand j’ai vu l’ampleur des dégâts et le temps à ma disposition, je me suis contentée de tout refaire. Avec de la chance, il reprendra mes slides pour une prochaine pres. En espérant que d’ici là, il ait appris le ctrl+H pour éviter qu’il ne parle que de la marque A alors qu’on est sur l’appel d’offre de la marque B...