Sous-titre un peu poussé : est-ce qu’essayer d’être humaniste, c’est forcément se faire avoir ? Alors voilà le tableau : ma boîte a été rachetée par une boîte maxi toxique. En trois mois, on a déjà perdu 2 CDI et 2 prestas, l’ancien PDG devrait disparaître des cadres, aussi. Sur 40, ça fait beaucoup, oui… Et on a au moins un autre CDI sur le départ, 2 alternants qui ne seront pas embauchés contrairement à la promesse initiale. Dur. Très dur. Et au milieu de tout ça, je suis élue la petite princesse par la nouvelle direction. Et là, c’est le cas de conscience.
Fuir le plus vite possible
Tout d’abord, j’ai pensé à fuir. Je ne peux pas donner ma force de travail à des gens qui ne la méritent pas. Vite, refaire le CV, le profil LinkedIn. Se barrer. Vite, loin. Sauf que le marché de l’emploi à Bordeaux, ce n’est pas celui de Paris. Tu ne peux pas te barrer comme ça. Une opportunité s’est présentée sans que je ne demande rien. Tentons l’expérience. Trois entretiens en 10 jours dont un de 2h (!), presque un mois de poirotage pour la réponse en mode “oui, oui, on revient vite vers vous”. Et ce micro-événement m’a fait poser la question : en vérité, on fait quoi ? Clairement, je suis dans une boîte toxique et je suis en process de recrutement dans une boîte qui a l’air un peu bizarre, quand même. Fuir, ok… vraiment ok ?
Tenter de grimper les échelons ?
Surtout qu’à côté, j’ai une carte à jouer. Je suis dans les petits papiers de la nouvelle direction, je suis protégée. Je peux sans doute choper des trucs. Une augmentation, un titre ronflant qui me permettra plus facilement de fuir le moment venu. En ayant mis des sous de côté pour arrêter de bosser dès que possible parce que j’en peux plus, là. Trop toxique, tout ça. Partout, tout le temps. Oui, je sais, il y a des boîtes bien, des patrons super mais manifestement, c’est jamais pour moi. Et me mettre à mon compte, c’est troquer des patrons toxiques pour des clients malhonnêtes alors bon…
Vendre ou ne pas vendre son âme
Me voici donc à cette croisée des chemins. Vendre mon âme à quelqu’un qui ne la mérite pas en jouant la comédie tant que faire se peut. Ou rester fidèle à mes valeurs. Qui sont en résumé qu’il faut laisser les gens toxiques se démerder dans leur fange. Jusqu’à présent, j’ai toujours choisi la droiture. Ma droiture. Toujours fuir les environnements toxiques, ne pas donner de mon temps aux gens qui ne le méritent pas. Avec pour conséquence qu’en milieu de carrière, je ne suis pas toujours grand chose. Ce qui ne me dérange pas en soi. Je n’aime ni le management ni le fait d’être en prise directe avec le patron. Ma seule ambition, c’est d’être peinarde. Mais quand même…
Pourquoi je ne taperais pas dans le gâteau moi aussi ?
Est-ce que je ne suis pas un peu conne de refuser de taper dans le gâteau par pur principe ? Déjà, je pourrais m’acheter une tranquillité. Allez, je tiens un an, deux ans, je ramasse les sous, je deviens directrice d’un truc et après, j’aurai plus de facilité à me barrer. Une petite formation RSE ? Oui, je prends, merci. Le RSE, justement, un très bon exemple. Quand j’ai fait mon bilan de compétences, j’ai hésité à prendre cette voie. J’ai opté pour autre chose car j’y voyais trop un green ou social washing de la part de boîtes bien dégueus. Typiquement la nouvelle mienne. Mais la RSE est une voie de garage royale pour les femmes en fin de carrière j’ai l’impression doooonc… doucement, paisiblement, je commence à me préparer. Mais ça gratte. Servir de caution à des boîtes qui ne méritent pas mes rognures d’ongles les plus dégueu, mmm.
Ne rien faire, c'est cautionner
La dichotomie est simple : penser individuel ou collectif ? S’assurer la paix et la tranquillité ou essayer de faire bouger les lignes par tous les moyens ? Je parle du travail là mais, in fine, ça marche pour tous les pans de la vie. Comme dans les conversations lambdas. Seras-tu celui ou celle qui laisse dire les pires dingueries par flemme ou celui/celle qui essaiera de souligner, faits à l’appui, que la personne dit de la merde. Je suis souvent celle qui essaie de remettre du respect dans la balance, de la factualité. Et ça m’a apporté quoi ? A part des pics de tension et une éventuelle image de casse-couille, ma foi… Pourtant, y a toujours cette sensation que se taire ou juste ne pas relever, c’est cautionner. Et on n’a pas l’impression que c’est comme ça qu’on fera avancer la société.
La chouchoute du patron
Ok mais la droiture, ça pénalise. Cette semaine, le big boss parisien est venu nous “remotiver” et ce fut horrible. Je garde le récit pour quand j’aurai quitté cette boîte. Mais en gros, le mec a décidé que j’étais de son côté et m’a littéralement prise en otage pendant une heure dans un bureau pour pleurer sur le sort des patrons. Et me dire que mes collègues étaient nuls. Dont “le syndicaliste” (aka le mec du CSE pas du tout dans un syndicat) qui est, je cite “sur sa liste”. Bon, ce qui est un peu étonnant, c’est que j’ai quand même ouvert ma gueule lors de la réunion générale mais en gros, moi, je suis appréciée (pourquoi ?). Donc quoi que je dise, le mec entend que je suis dans sa team. Contrairement au “syndicaliste” qu’il va essayer de faire dégager. Bref, j’ai une carte à jouer. Mais la question demeure : comment le faire sans avoir l’impression d’avoir les doigts qui puent ?
Arrêter de fuir vu que la toxicité me poursuit ?
J’ai revu ma coach emploi récemment qui m’a dit “tu dois te sortir de ce cercle vicieux de boîtes nulles”. Ok mais comment ? A chaque fois, je retombe dedans même quand j’ai que des signaux positifs. Là, ça a été un rachat, je ne pouvais pas prévoir. Le projet n’existait pas quand j’ai accepté de les rejoindre. Alors peut-être que le truc à changer, c’est d’éviter la fuite au premier coup, essayer de tenir malgré mes valeurs qui en prennent un coup. Et peut-être essayer de devenir une sorte de Mata Hari du monde du travail. Ou juste gagner suffisamment en salaire pour choper un 4/5e, ce serait déjà pas mal.