On aime souvent comparer l’entreprise à une famille. Ok mais quelle famille ? Quand tu lis l’annonce, tu as l’impression que tu vas tomber dans une famille type des sitcoms des années 80 ou 90 où à la fin, tout finit bien. Genre La fête à la maison ou Notre belle famille, voyez ? Quoi de neuf docteur, Madame est servi, la famille Walsh de Beverly Hills. On se dispute mais tout finit par un câlin, sous les “awwww” du public. Et puis une fois rentrée dans l’entreprise, tu réalises vite que tu es tombée chez les Fischer de Six Feet Under ou chez les Gallagher de Shameless. Genre la famille dysfonctionnelle qui fera la fortune du psy du quartier.
"Nous, on est une famille". Barres-toi direct
Les gens un peu avertis de l’enfer qu’est le monde du travail vous le diront. Une entreprise qui se qualifie de “grande famille”, c’est red flag direct. Parce que, spoiler, quand on te dit ça, oublie direct le dimanche après-midi Monopoly en sirotant un chocolat chaud. Ca veut dire “sacrifie-toi pour nous”. Les heures supp, tu ne les réclames pas car on doit tous s’investir pour la réussite de la boîte. Notre survie en dépend ! Et à la fin, c’est le PDG qui se met bien avec son intéressement et nous, on aura droit au mieux à une boîte de chocolat. Chez Epicea, on avait eu droit à une prime exceptionnelle l’année où j’étais : 50€ de bon d’achat sur le site… Allez crever. Oh y avait de l’intéressement, bien sûr, qui ne se touchait que si tu étais là depuis plus de 12 mois au 31 décembre. Je ne l’ai pas eue, oups. Bref, l’entreprise, c’est comme la famille : il n’y a aucune égalité, c’est le chef de famille qui décide. Et toi, tu obéis ou tu fugues.
J'avais déjà eu un échantillon
Quand j’ai su que nous allions être rachetés par Techcenter, on en a parlé avec ma cheffe du moment. Oui, ma boîte actuelle s’appellera désormais Techcenter, faut que je le note quelque part. Dans la vraie vie aussi, je trouve que le nom de ma boîte se marierait très bien avec un 3615. Elle m’a dit, dubitative, “on m’a dit qu’il gérait sa boîte en bon père de famille”. J’ai entendu “radin et autoritaire”. Devinez quoi : j’avais raison. Il faut savoir un truc : je connaissais Techcenter d’avant puisqu’ils avaient accompagné Epicea sur une migration de solution e-commerce. La fameuse migration Magento 2, ceux qui savent, savent. Et plus ma cheffe me parlait de Robert, plus mon sang se glaçait. Je comprenais soudain pourquoi Techcenter avait eu le contrat Epicea : le père Gamblois et Robert, même combat. Certes, l’un est plutôt du genre tradi-catho de Bretagne et l’autre est un giga beauf “je me suis fait tout seul”. L’un a plus le genre d’écouter de la musique classique alors que l’autre doit s’enjailler sur du Patrick Sébastien mais sinon… une même vision “familiale” de l’entreprise avec, notamment, la détestation commune du télétravail.
Il faut surveiller les enfants
Ah, le télétravail, l’ennemi juré de ce PDG hyper contrôlant. Il faut comprendre que, pour ces gens-là, les salariés sont des enfants qu’il faut surveiller physiquement, sinon, ils font n’importe quoi. Ils ne sont pas assez productifs (Robert), ils font du “téléshopping” (Gamblois). Ce qui est drôle, c’est que je suis incapble de vous dire ce qu’ils font, eux. Gamblois débarquait à 10h et restait dans son bureau, n’en sortant que pour gueuler sur quelqu’un. Robert, je ne suis pas à Paris mais j’ai vu sa gueule enfarinée popper une fois dans une réunion pour voir “avec qui vous parlez ?” et lors d’une réunion globale cet été, il était hyper au courant du nombre de médailles gagnées le jour-même aux JO. Alors que moi, non. Mais ok, je ne suivais pas quoi qu’il en soit.
Le présentéisme n'empêche pas la glande
Robert et Gamblois, ils détestent le télétravail et mettent des règles absurdes pour bien le démontrer. Pas de télétravail les lundis, mercredis et vendredis sinon, tu vas profiter du week-end et ne pas travailler et le mercredi, tu garderas tes gosses au lieu de travailler. Je vais me répéter mais :
- si tu n’es pas foutu de savoir si je travaille ou pas si tu ne m’as pas sous le nez, c’est toi le problème.
- le présentiel n’a jamais empêché personne de glander.
Je sais que le télétravail peut poser des soucis d’intégration, de sentiment d’appartenance à une boîte. Je l’ai vécu, je sais. Mais ne voir le télétravail que comme la voie royale pour glander, je suis désolée mais c’est faux. D’ailleurs, chez Robert comme chez Gamblois, on avait des maxi planqués qui ne foutaient rien mais brassaient suffisamment d’air pour plaire au roi. Genre chez Epicea, le DSI était un giga incompétent mais vu qu’il passait son temps à courir dans l’open space, son trousseau de clés à la ceinture, il avait l’air hyper affairé. Alors que dès que je lui demandais de faire un truc genre placer un tag de tracking, il était en PLS.
Contrôler ses salariés quand on sait pas élever son gosse
Et je trouve cette histoire de surveillance du salarié en présentiel assez drôle si on reprend la métaphore du bon père de famille. Bien que nullipare, j’ai toujours considéré que la meilleure façon d’élever un gosse, c’était de laisser la soupape d’échappement ouverte. En gros, un enfant, c’est comme une cocotte-minute : si tu mets trop la pression, à la fin, ça explose. Au vu de ma métaphore précédente, je pense que nous sommes tous soulagés que je n’enfante pas. Invariablement, dans les familles trop strictes, tu vas avoir un gamin qui pète un câble, qui va fuguer ou trouver des stratégies pour contourner l’autorité parentale. D’ailleurs, ce que je trouve drôle, c’est que l’un des plus giga branlos que j’ai connu dans ma vie, c’était Adonis Gamblois, balancé head of je ne sais plus quoi dans la boîte de papa car il se virait de partout tellement il foutait rien. Si t’es pas foutu d’éduquer ton fils correctement, d’où tu penses que tu gèreras mieux tes salariés ?
Un effort collectif mais surtout pour les salariés
Le pire, c’est le côté totalement hypocrite de la démarche. Le PDG bon père de famille aime nous présenter comme étant tous dans le même bateau. Nous à la rame, lui au gouvernail. Alors que la plupart du temps, il ne sait pas où est le nord mais passons. On doit tous faire des efforts pour assurer la pérennité de la boîte. L’effort doit être collectif, tu comprends. Donc pas d’augmentation en 2025. Ok mais du coup, si on considère que les salaires sont le principal poste de dépenses, il me semble qu’une grosse part de ce poste là est généré par ton salaire et celui de tes directeurs, non ? Commencez par renoncer à vos primes qu’on voie si l’effort est collectif. Non ?
Donner le cap mais ne pas assumer les mauvaises routes
Parce que le bon père de famille, celui qui pense t’éduquer dans ton intérêt, il s’en fout bien de ton bien-être ou de ta santé, physique ou mentale, au fond. Nous, Robert, il a demandé aux RH de faire une slide pour nous dire que 42% des effectifs a été absent au moins une journée en 2024 pour des raisons de santé et que ça coûte plus de 100 000 euros cette connerie. Pour le calcul, je pense qu’il a pris les absences multiplié par le TJM, soit le coût de nos prestations. Sauf que vu que plein d’équipes sont déstaffées… Et puis un peu rigolo de pleurer sur les absences maladie quand tu supprimes un jour de télétravail supplémentaire. Le Covid, ça te parle ? Tu l’as chopé y a six mois, en plus… Robert est le mec qui nous demande de nous engager plus tout en nous punissant. C’est le mec qui demande au COO de mettre la pression aux chefs de projet pour qu’ils trouvent des missions aux développeurs sinon il faudra les virer. Ah oui parce que le bon père de famille, il sait ce qui est bon pour nous. Il gère tout avec une main de fer mais si ça ne marche pas, c’est pas sa faute. La remise en question, c’est pour les faibles. On dirait Macron...
J'ai déjà un père, ça me suffit
Bref, autoritarisme, hypercontrôle, punition et mauvaise foi… Non, vraiment, la gestion en “bon père de famille”, c’est la pire chose qui puisse arriver à une boîte.