Ma dépression écologiste ne va pas mieux on dirait. Mais je me sens comme prisonnière d’une foule qui vit sa meilleure vie en concert alors qu’il y a le feu à trois mètres. A un moment, je ne comprends pas comment cette anxiété écologiste ne touche pas plus de monde. Pourquoi tout le monde se raconte que “ohlala, c’est bon, c’est normal qu’il fasse chaud en été. C’est un complot des écologistes”. J’ai réellement lu un mec qui disait que les mégafeux étaient allumés par les écolos, hein. Et il n’avait pas l’air de troller. Enfin, je dis que je ne sais pas mais je sais très bien : personne ne veut renoncer à son petit confort. Moi-même, je suis loin d’avoir atteint une bonne note en sauvegarde de l’écologie. Mais quand même, faudrait réagir, là, non ?
Je ne suis pas une citoyenne parfaite mais...
Alors disons de suite la vérité : je ne suis pas une élève modèle de la cause. Je me douche quotidiennement, je consomme trop, parfois de la fast-fashion. J’arrose mon petit potager et je consomme de la viande deux ou trois fois par mois et du poisson une fois par semaine. Certes, j'ai pas de voiture mais plus par flemme et pingrerie qu’autre chose. J’ai pas d’enfants mais pas pour des raisons écologiques. Je commande à l’AMAP toutes les semaines mais aussi parce que les légumes y sont meilleurs. Et puis j’ai pris l’avion deux fois cette année. Bon, une, c’était pour le boulot et on ne m’a pas demandé mon avis. Parce que perso, les vols de 50 mn juste parce qu’il n’y a pas d’alternative ferrée, ça me donne envie de pleurer. Bref, je suis perfectible mais j’y travaille. Je me penche de plus en plus sur la cuisine vegan, par exemple. C’est du gagnant-gagnant : je découvre de nouvelles saveurs en agissant à mon petit niveau.
Essayer de progresser comme on peut
Je réfléchis pas mal à des aménagements aussi. Comment récupérer l’eau de pluie pour arroser mon potager, par exemple. Ayant acheté un logement déjà fini, je n’ai pas pu raccorder mes toilettes à une cuve d’eau de pluie mais doit y avoir des trucs. Je dois étudier des systèmes pour capter un peu l’humidité ambiante aussi, gaspiller moins, agir mieux. Sur ma consommation, j’essaie de me canaliser sur les achats impulsifs. Ne pas acheter sur certains sites pour commencer. Mettre l’achat dans la balance : est-ce que vraiment j’ai besoin de ce petit top tout joli ? Oui, j’aime bien être jolie, comme tout le monde. Mais vu que je suis actuellement au chômage, la seule personne qui me voit, c’est mon mec. Et lui, il me trouve toujours jolie.
Des jets privés et aucune alternative réfléchie
Alors voilà, je réfléchis à ma consommation, j’essaie de trouver des idées pour réduire mon empreinte carbone. Sauf que… c’est bien joli tout ça mais mon empreinte carbone, elle représente quoi par rapport à toute l’industrie ? Ou, pire, par rapport aux riches. Le 08 août, le jet privé de Vincent Bolloré a réalisé cinq vols dans une même journée. C.I.N.Q. Ca représente environ 19 tonnes de C02. Selon l'INSEE, un Français moyen émet 9 tonnes équivalent CO2 par an. Donc juste pour la journée de mardi, ce petit avion a généré l’équivalent de 2 ans d’émissions d’un Français lambda. Je vais pouvoir en planter des tomates et en récolter de l’eau de pluie pour compenser ça. Alors vous allez me dire que bon, Bolloré, il peut pas voyager au milieu des quidam dans un TGV (ah ?) et nos Ministres encore moins parce que sécurité, risque d’attentat, bla bla bla. Ok, admettons. Pourquoi je ne vois personne au niveau politique proposer des alternatives ? Je ne sais pas, moi, genre un wagon qui ne communique pas avec le reste du train, par exemple ? Je sais bien que Macron a du mal à se rendre à un endroit où il y a plus de deux personnes sans se faire agresser mais je pense qu’entre le tout jet privé et faire voyager Manu dans les odeurs de sandwich-saucisson, doit y avoir un entre-deux, voyez.
Même l'eau commence à manquer
Je parle du CO2 mais il y a aussi, et surtout, la question de l’eau. Là aussi quelle catastrophe. Y a deux ou trois ans, j’avais lu une petite dystopie racontant une pénurie d’eau en Californie. Malgré quelques petits défauts, ce livre avait représenté une certaine angoisse. Il y avait aussi Bleue de Maja Lunde. Si le roman m’avait laissée quelque peu dubitatives, pas mal de choses résonnent étrangement avec l’actualité. Des mégafeux qui ravagent la France, une Gironde totalement asséchée. Sauf que Maja Lunde situait cette catastrophe en 2041. Yeah, on a 20 ans d’avance ! Et cette avance, c’est pas juste par rapport à une fiction. L’été dantesque que nous venons de vivre a même surpris les climatologues et on commence à parler d’étés à 50°. Les histoires de science-fiction où les gens sont privés d’eau, c’est déjà maintenant. Dans Islanova, autre dystopie sur le sujet, des éco-terroristes privent une ville d’eau : en quelques heures, c’est limite la guerre. Plus d’eau pour les gens, plus d’eau pour les maraîchers. Par contre, les golfs et nettoyer sa voiture, objet hautement polluant, là, c’est cool, on y va. Y a le feu mais continuons à écouter un concert avec un bassiste cul-nu, tout va bien.
Mais non, tu exagèèèèèères
Justement, à propos de s’en foutre et de kiffer en attendant la catastrophe… Une part de ma dépression écologiste vient de la nonchalance de mon entourage. Entre celle qui me dit “qu’un peu de chaleur, ça fait du bien” et celui qui me raconte “non mais les incendies, c’est à cause des pyromanes”, je… Mais vous vivez où en fait ? Je sais pas, ouvrez votre fenêtre et constatez les dégâts ? Les arbres se sont déjà départis d’une bonne partie de leur feuillage, l’herbe est cramée. En Gironde, suffit d’humer l’air pour sentir les incendies. Tu vois les panaches de fumée plus ou moins loin là où tu vis. Ca se voit qu’il y a un truc qui va pas. Ca se voit depuis des années. Je sais bien que météo n’est pas climat mais quand tu accumules les épisodes de canicule chaque été, que tu bats ton record quasi chaque année, faut pas avoir fait des années d’études pour percuter que quelque chose va de travers. Surtout quand la végétation morfle dur. Mais non. Ca va poser devant la forêt en flamme pour poster ça sur Instagram. Y a vraiment des jours où je me dis que l’Humanité la mérite amplement, son extinction.
Oui, le chemin n'est pas simple
Alors oui, c’est difficile de changer de mode de vie. J’avoue que souvent, je ne sais par quel bout prendre le truc. J’ai grandi dans des principes nutritionnels m’expliquant qu’un repas, c’est une protéine animale et un accompagnement. Qu’il faut que je remplace mon steak par autre chose. Le chemin va être long. Et encore, je ne me plains pas : j’ai une antenne de la ruche qui dit oui à trois mètres de chez moi, une épicerie vrac à peine plus loin, un grand maraîcher à 10 mn de bus. Je suis bien aidée dans ma volonté de mieux faire. L’an prochain, on ne voyagera qu’en train. C’est un peu plus de temps de préparation, certes. Un peu moins de temps pour les pures vacances mais c’est mon petit caillou pour essayer d’aider. Mais on reste tous accrochés à la clim, véritable catastrophe écologique. La bagnole, j’ai beau détester, je sais qu’il est compliqué dans certains endroits de faire outre. Moi-même, j’ai qu’une trouille : que mon prochain taf soit dans une banlieue un peu lointaine de Bordeaux et me laisse peu de choix. Genre Mérignac où il y a une tannée d’entreprises ou Cestas. Et puis surtout : c’est bien gentil de culpabiliser Jean-Mi et sa vieille voiture mais tant qu’on ne limitera pas les jets privés, yachts et autres merdes de riches bien polluantes, on aura perdu.
Coupez votre wifi pendant que Taylor Swift prend son jet
J’ai lu récemment un article qui expliquait qu’en gros plus tu sais que tu ne risques rien du réchauffement climatique, moins tu te préoccupes d’écologie. Bouh, la vilaine Taylor Swift qui a pris 170 fois son jet privé en 2022 ! Mais elle s’en bat les steaks, Taylor. Elle peut avoir tous les systèmes de clim et les piscines qu’elle veut. Qu’en cas de pénurie d’eau, qui croyez-vous qu’on coupera en premier entre le quartier populaire et les belles maisons ? Je délire pas. Je vous rappelle qu’en France, on a eu en même temps une centaine de communes privées d’eau et les golfs autorisés à arroser parce qu’apparemment, c’est impossible de jouer sur un green jauni. L’eau est une ressource précieuse qu’on préfère dédier aux loisirs des riches plutôt qu’aux besoins primaires des pauvres. Littéralement. Borne et Darmanin viennent chez moi en jet (je l’ai vu passer au dessus de ma tête) mais Béchu prend sa tête de constipé pour nous dire qu’il va falloir s’habituer. Va falloir s’habituer les pauvres, je veux dire. Coupez votre wifi, faites du bien à la planète.
J'ai cru qu'on réagirait quand on serait touché
J’ai longtemps cru que la prise de conscience aurait lieu le jour où les catastrophes toucheraient les pays dominants. Et bien quand je vois les mégafeux qui ont touché les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou l’ensemble de l’Europe, je réalise que j’ai tort. Les grosses inondations de cet automne ne changeront rien non plus. C’est la nature, nous dira-t-on. Les loups qui bouffent des moutons ou les phoques qui coulent des bateaux, c’est la nature aussi. Mais, là, curieusement, vous laissez pas faire. Bref, nous serons sacrifiés sur l’autel du confort des riches et apparemment, ça n’émeut que peu. Quelques trous de golfs cimentés et basta. Ecoutons le chanteur pendant que ça crame derrière nous. Foutu pour foutu… Et encore une fois, c’est même pas pour moi que ça me chagrine. Le jour où on atteint les 50° en été, je me fous en l’air. Avec de la chance, on aura mis en place l’euthanasie climatique d’ici là. Ca m’emmerde pour mes neveux-nièces. Quand je vois la petite dernière qui n’a même pas encore deux ans et que je pense qu’à ce rythme, son espérance de vie ne devrait pas dépasser les 50 ans, j’ai la rage. Et je ne comprends pas qu’on ne soit pas plus dans ce cas-là. Le déni, sans doute. Et la fenêtre fermée avec la clim pour éviter de voir la réalité d’une nature en pleine agonie.