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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Woodstock 99, comme une métaphore du late capitalism

Publié le 16 Août 2022 par Nina in Late capitalism, Apocalypse, Woodstock 99

De temps en temps, je me lance un petit docu Netflix. Même si je ne suis pas toujours très fan de leurs montage, surtout pour les docus un peu légers… Après avoir regardé les docus sur D.C. Cooper et Bad Vegan, on se lance donc sur Woodstock 99, recommandé par François Descraques, je ne sais où. C’est mon mec qui l’a entendu, d’où le manque de source précise. Et, Omagad, je m’attendais tellement pas à avoir une si magnifique métaphore de notre late capitalism que je m’en suis pas encore remise. Et évidemment, j’en fais un article, c’est parti.

Woodstock 99 : déchet et chaos

Un festival qui sentait le soufre

Bon, je suppose qu’avant de poursuivre, faut un peu définir les termes. Ce que j’appelle le late capitalisme, c’est cette période un peu pré-effondrement où on fait genre que tout va bien pour ne pas voir la catastrophe arriver. Surtout que le moindre effort nous priverait d’un peu de confort. Et pour Woodstock 99, c’est un festival qui a eu lieu en 99 à… Rome dans l’Etat de New-York. Mais ca a a été organisé par le gars qui avait mis le premier Woodstock sur pied, ceci explique cela. A l’affiche : Korn, Limp Biskit, Red Hot chili Pepper, Rage against the machine, James Brown, Sheryl Crow, Alanis Morrissette, Jewel, Wyclef Jean… Et ca a complètement dégénéré. Parce que le cynisme capitaliste, parce que la masculinité toxique. Tout ce que j’aime ! Alors, reprenons. 

Woodstock 99, un festival qui dégénère

Un festival organisé pour faire du fric

Par des gens qui ne comprennent rien à leurs futurs festivaliers. Le concept de Woodstock 99 était donc de refaire le festival Woostock mais en vendant des places bien chères. Sur place, les consommations seront hors de prix (3 $ la bouteille d’eau et les prix augmentent au fur et à mesure que les stocks s’épuisent). Les poches des organisateurs se remplissent d’autant plus que pas mal d’économies ont été faites par ailleurs, notamment sur la sécurité. Le festival a terminé dans les flammes, littéralement. Parce que la sécurité a été totalement dépassée. 

Des toilettes en feu à Woodstock 99

Aucun investissement sur la santé et l’hygiène

Ah, le manque d’investissement sur la santé, ça sonne fort en 2022. Le festival durant trois jours, les festivaliers avaient à disposition des zones de douche. Sauf que l’eau a été rapidement contaminée, les toilettes refoulaient et ça puait. Dès le deuxième jour, le sol était tellement jonché d’ordures que les spectateurs jetaient des centaines de bouteilles plastique sur scène ou sur les journalistes de MTV. Bref, les festivaliers et leur billet doré étaient traités comme du bétail, pataugeant dans leur propre merde. Miam.

Patauger dans la boue en festival

Les travailleurs en première ligne

Un truc qui m’a frappé lors du visionnage du documentaire, c’est le décalage total entre les organisateurs et ceux qui étaient effectivement sur le terrain. Entre celle qui essaie désespérément de refourguer des sacs poubelles aux festivaliers pour qu’ils nettoient un peu (coeur sur toi, madame) et l’un des employés qui essayait de faire comprendre que la programmation était problématique… Problématique dans le sens “ça va un peu échauffer les esprits”. Mais les organisateurs, ils s’en foutaient, ils voulaient du monde. Ils avaient loué une super base militaire sans un pet d’ombre, fallait blinder. Aaaaah, des patrons hors sol et des employés obligés de composer avec une situation merdique, tellement… la vie de la plupart d’entre nous

Les organisateurs de Woodstock 99

Les violences sexuelles sur les femmes

Et on arrive toujours au même point. Il y a une fête, une audience très masculine et alcoolisée donc qui ne peut plus s’amuser sans risquer le pire ? Les femmes ! Le reportage passe pas mal de temps dessus avec les surfings où des jeunes filles étaient attouchées. The Offspring a même mis en pause son set pour demander de cesser ces agressions. Officiellement, il y a eu 4 plaintes pour viol mais depuis, d’autres témoignages sont venus s’ajouter. J’ai lu des témoignages de meufs en plein surfing se faire plaquer au sol et plusieurs mecs leur sautaient dessus. Ce festival éclaire violemment la différence entre homme et femme dans une fête avec beaucoup de monde : les mecs peuvent se mettre à poil sans problèmes. Les femmes se feront attoucher voire pire. MTV insistait énormément sur les femmes courts voire pas vêtues… Et ne croyez pas que ce soit un dérapage spécifique à Woodstock. Katy Perry a arrêté les surfings suite à des agressions sexuelles, les ferias comptent chaque année plusieurs viols et les femmes en festival se font très régulièrement harcelées quoi qu'elles fassent. Et pas de “nia nia nia, faut pas montrer ses seins”. Il faisait 37° à Woodstock (enfin Rome), porter des vêtements était une hérésie. Et messieurs, calmez-vous sur les seins, aussi. 

Tits

L’impunité du mâle blanc friqué

Une des critiques que j’ai trouvées sur le festival concerne vraiment le public. Essentiellement mâle, blanc et plutôt friqué si on considère le prix du billet. 150 $ de l’époque, ce qui correspondrait à 240 $ aujourd’hui (230 €). Au vu de la programmation, le public visé était de toute façon le jeune mâle blanc étudiant. Les artistes féminines n’étaient que trois (une par jour), placées en après-midi pour “calmer la foule” et n’ont pas été très bien reçues. Ca gueule des “montre tes seins” et compagnie, waaaaa. La performance de Limp Biskit me paraît assez flagrante de cette ambiance “mâle blanc pseudo rebelle”. Ce côté, “ouais, on casse tout, on fait des doigts en rentrant sur scène, youhou”. C’est pas mal la mouvance du nu metal ou rap-rock avec cette jeunesse blanche qui s’invente une peau gangsta. En un mot : des petits cons à qui on en a beaucoup trop passé.

L'horrible mâle blanc

Une image qui résume la situation

La fin du reportage est totalement hallucinante. Pour la fin du festival, les organisateurs décident de lancer une veillée à la bougie. Un public survolté pendant trois jours, très énervés pour les nombreux dysfonctionnements, chauffés à blanc pour Red Hot chili Pepper et on leur file du feu. A votre avis, ça s’est fini comment. Le set des Red Hot est interrompu puis ils reviennent sur scène interpréter… Fire. De Jimi Hendrix, ok, le lien avec le Woodstock originel est assez lisible mais voilà. On a un chanteur dans son trip, le bassiste à poil qui secoue sa bite, le public en transe et…un énorme incendie. Cette image, cette image-là d’un concert qui se poursuit malgré l’apocalypse à cinq mètres… Je suis désolée mais niveau métaphore de notre monde actuel, je ne trouverai pas mieux.

Red Hot chili Pepper au Woodstock Festival de 1999

La faute à qui ?

Le documentaire Netflix est sans doute un peu imparfait dans son analyse. Notamment le fait qu’on a droit à quelques images hors contexte pour illustrer certains propos. Au fur et à mesure du reportage, on était assez partagés sur “à qui la faute”. Oui, les organisateurs ont été d’un cynisme capitaliste en mode “on lésine sur tout, avec de la chance, ça passe”. Et face à ça un public ciblé très spécifique en recherche de sensations fortes. Il n’y a finalement pas qu'un seul responsable mais un cocktail d’éléments qui ne pouvaient mener qu’à la catastrophe. Comme notre société. Joyeuse fin de vacances ! 

 

 

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