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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Les tracances ou comment le droit à la déconnexion est mort

Publié le 23 Août 2022 par Nina in Le travail est une humiliation, Les tracances, Perte d'acquis sociaux

Pas la peine de m’appeler, je ne réponds pas au téléphone, non !Ou à peu près. La période estivale approche doucement de la fin et c’est pas plus mal car j’ai pas mal face palmé ces derniers temps. Et pas que sur le déni général concernant la catastrophe écologique en cours. Non, non. Je parle du travail, mon ennemi de toujours ou à peu près. Car si je suis actuellement sans emploi, j’ai pas mal traîné sur LinkedIn à la recherche de gens à contacter pour mon enquête métier. Et entre deux photos de gens à trois-quart morts à l’hôpital pour choper de l’engagement, je vois apparaître un nouveau type de post, le “les vacances, pas pour moi car je travaille même en congés”. Et c’est parti pour un néologisme des enfers : les tracances.

Les tracances, une certaine idée de l'enfer

Les tracances, un nouveau concept pour nous la faire à l'envers

Qu’est-ce que c’est, les tracances ? Un mot valise formé de travail et vacances. On a même eu droit à un reportage d’une dame tout sourire expliquant que c’est trop bien comme ça, elle est avec ses enfants mais elle travaille. Alors dans l’absolu, je suis plutôt favorable au télétravail en toutes circonstances. Par exemple, dans ma future vie, j’aimerais trouver un moyen pour pouvoir bosser pépouse dans le train les jours de grand déplacement. Ah tiens, j’ai envie de partir en vacances en Suède, j’en ai pour… un jour et trois heures via 8 correspondances. Alors autant je me régale à regarder les paysages défiler, autant 27h de paysage , ça va faire longuet. Surtout qu’il va faire nuit à un moment. Du coup, je me dis “hop, un petit wifi perso et je peux me faire une journée de taf dans mon bureau mobile !”. Bon, pas de réunion mais les réunions, c’est inutile 9 fois sur 10 de toute façon. Alors évidemment, le wifi portable, ça n’existe pas. La clé 4G, ça reste limitée en train. Et le wifi du train lui-même est souvent faiblard. Mais bon, une fois arrivée à Stockholm, ciao by bye le travail ! Pas la peine de m’appeler, je ne réponds pas au téléphone, non ! Blague de 2007.

Ne jamais répondre au téléphone en vacances

Quand un volontariat finit par devenir obligatoire

Dit comme ça, ça n’a pas l’air si mal, cette histoire de tracances. Ca permet de grignoter un jour ou deux en bord de mer. Parce que la charge de travail serait moins pénible au soleil. A peu près. Sauf qu’on sait comment ça se passe avec les patrons. Tout ce qui nous est accordé va finir par nous revenir dans la gueule. Le backlash version salarié. Vous vous souvenez du débat sur le travail le dimanche ? “Oui mais si les gens, ils veulent travailler le dimanche pour gagner plus, pourquoi vous les empêchez ?”. C’est vrai. Sauf que maintenant, le Monoprix, il s’en fout de qui veut venir le dimanche ou pas. Il doit être ouvert et point. Si y a pas de volontaire, il y aura les désignés. Ca va donner la même avec les RTT qu’on peut désormais changer en monnaie. “T’es sûr que tu veux le prendre ton RTT ? Tu devrais le garder, ça te fera un peu d’argent en plus.” Et donc, avec les tracances, bientôt, ce sera “non mais là, on a trop besoin de toi… Tu travailleras de ton lieu de vacances, c’est pas grave. Vive le télétravail”. Ciel, même avec ça, ils arrivent à nous la faire à l’envers.

Les tracances, la nouvelle arnaque patronale

Moi, j'aime pas me déconnecter

Outre les tracances, on a les bourreaux de travail. Ou abrutis se présentant comme tels. Oui, je dis abrutis parce qu’à un moment, je ne comprends pas la fierté de bosser pendant ses vacances, même en temps qu’entrepreneur. Vous allez me dire que je ne sais pas ce que c’est d’aimer, voire adorer, son taf donc je ne peux pas comprendre. C’est vrai. Mais ce que je comprends quoi qu’il en soit, c’est que c’est pas tant un truc de feignasse les vacances. A un moment votre corps et votre cerveau ont besoin d’une pause. Ecoutez Albert Moukheiber sur le sujet. Ecoutez-le parce qu’il est drôle aussi, comme dans cette conférence. Le gars parle pas tant que ça mais c’est un snipper génial. Je l’aime trop. Je vais même vous raconter une anecdote. Sans rapport avec Albert. Il y a quelques années, on me confie un sujet d’analyse. Je galère un peu, je ne sais pas trop par quel bout prendre le truc. Je quitte mon poste à la fin de journée, je marche une vingtaine de minutes et là, je vois la lumière, tout se met en place dans ma tête. Suffisait de s’oxygéner un peu. Les vacances me font le même effet. Moins d’écran, plus de grand air et d’exercice physique et les pièces du puzzle se mettent en place. 

Les pièces du puzzle se mettent en place

 

Et je fais bien ce que je veux de mes congés

Et puis y a rien à justifier, en fait. J’ai droit à cinq semaines de vacances et des RTT, j’en fais bien ce que j’en veux. Que je parte à Tahiti faire de la plongée ou que je reste à larver sur mon canapé en regardant des séries nulles, peu importe. On n’a pas à me faire culpabiliser de ça. Et il n’y a aucune fierté à tirer du fait qu’on travaille pendant les vacances “parce que j’adore ça”, en essayant de faire culpabiliser les autres. Y a pas à appeler un collaborateur en vacances parce que bon, ça va, il peut répondre quand même. Vous savez quelles ont été les meilleures vacances de ma vie par rapport à ça ? Cuba. Y a pas de 4G là-bas donc je n’étais joignable que par tel et ma chère cheffe toxique de l’époque n’a pas osé

Un peu de Cuba

Le droit des salariés va pas bien

Mais cette histoire de tracances me tracasse. Déjà, oui, niveau sonorité, ça m’évoque bien plus le tracas que les vacances mais passons. Ca me tracasse parce que ça attaque sévère nos droits depuis quelques temps. Les RTT transformés en tirelire, par exemple. Les RSistes obligés de bosser 15 à 20h par mois pour un salaire inférieur au SMIC. Le SNU qui fournit de la main d’oeuvre gratuite. Les entreprises qui tournent avec un gros pool d’alternants et de stagiaires. Tu rajoutes à ça le secteur de la restauration qui préfère faire appel à la main d’oeuvre étrangère plutôt que d’augmenter les salaires et je vous jure que le tableau se noircit années après années. Le Medef en rêvait, Macron le fait. Et voilà maintenant que ce sont nos vacances qui sont menacées. On grignote nos acquis sociaux petit à petit et… et on a Janine et Bertrand, tout sourire, qui t’expliquent que bosser en vacances, c’est trop bien ? Mais à ce niveau de soumission, j’ai une suggestion de carrière pour vous les gars, ça se passe dans des donjons… Arrêtez d’être fiers d’en faire plus. Parce que quand vous allez faire une connerie parce que vous êtes cramés, y aura pas de circonstances atténuantes. Vos patrons, c’est pas vos potes. Et si c’est vous le patron, la fatigue, ça amène à commettre des erreurs. Et si vous vous plantez, ce sont vos salariés qui paieront les pots cassés, souvent plus que vous. 

Fermeture d'entreprise

Les jours heureux sont derrière nous

Bref, les tracances, c’est de la merde. Consacrer sa vie au travail, c’est de la merde et, en plus, c’est ingrat. Et je me dis qu’il va falloir un peu redorer le blason des syndicats, bien défoncés par la doxa médiatique depuis des années. Et leur apprendre deux ou trois trucs sur l’inclusion aussi parce qu’un peu moins de virilisme, ce serait pas si mal. Ou alors fonder un syndicat féminin, ce serait pas mal, ça… Bref, travailleurs, va falloir qu’on passe en mode vigilance plus plus car je vous le dis : les jours heureux sont loin derrière nous et la prochaine tempête est droit devant nous.

 

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