Et le fait qu'elle ne soit pas reconnue comme telle encore plus. La société est globalement très favorable aux Hommes, je ne vous apprends rien. Leurs colères sont légitimes quand les nôtres sont hystériques, leurs fantasmes sont tolérés sous couvert d'art. Ils tuent femmes et enfants sans que ça ne soit un scandale d'Etat. Quand ils violent, on interroge toujours la pureté de la victime. Quand ils tuent, on parle de passion. Et quand ils n'ont pas leur part du gâteau, à savoir la femme désirable à laquelle ils estiment avoir légitimement droit, ils tuent. Et cette violence masculiniste me terrifie.
Des terroristes essentiellement masculins
À dire vrai, ce n'est pas tant l'attentat incel qui me terrifie que l'ensemble des crimes pouvant être commis par des mecs entraînés dans un courant de pensées qui décident de prendre les choses en main parce que ce sont des bonshommes. Ils ont des bollocks et tutti quanti. Une féministe avait dit un jour que le point commun entre tous les terroristes, c'était leur genre. Ce qui a évidemment déclenché un tollé mais… bah, c'est vrai. A quelques exceptions près, certes. Et ces exceptions peuvent être vite romantisées, au demeurant. Mais quand un genre est aussi massivement présent dans les crimes de masse, faut quand même y porter attention.
Des Hommes qui ne se sentent pas reconnus à leur juste valeur
Car au fond, est-ce que derrière chaque tuerie de masse, du massacre de Polytechnique à la tuerie d'Utoya en passant par les tueries de Nice ou du Bataclan, n'y a-t-il pas cette même volonté punitive de se venger d'une société qui ne vous a pas reconnu à sa juste valeur ? Ah oui, les attentats islamistes sont dans le même tonneau pour moi. Des mecs un peu déphasés qui se font récupérer par des mouvements chelous qui leur expliquent qu'ils méritent mieux. Que tout ça est injuste, qu'il faut punir. La différence principale étant que Daesh avait récupéré plein de jeunes femmes paumées et mal dans leur peau pour offrir une épouse en prime.
On pardonne bien aux garçons
Je ne sais pas quel est le terreau commun à tout ça. Enfin, si, je sais : le patriarcat. L'éducation des garçons est nettement moins contraignante que celle des petites filles. Un enfant est turbulent ? Si c'est un garçon, c'est normal. Si c'est une fille, on va chercher à la canaliser car une petite fille doit être douce et calme. Non mais le nombre de fois où j'ai entendu ça alors que c'est basé sur rien. Parmi les enfants de ma soeur, le plus calme, à âge égal, c'était le garçon. Parce que sa sœur, petite, quand elle s'ennuyait, elle courait. A 22 mois, elle nageait dans la piscine avec juste deux brassards. Et la petite dernière est très forte pour suivre sa sœur dans ses acrobaties.
La violence masculine, elle est normale
Mais encore, le côté énergétique, c'est rien. Vous savez ce qu'on tolère et excuse très facilement : la violence masculine. Vous savez, les garçons, ça se bat, c’est normal. Oh oui, il a donné des coups de poing dans le mur mais tu préférerais qu’il cogne sa femme ? Celui-là, je l’ai vraiment lu. Ou le côté “roh ça va, il a juste collé une gifle à sa femme, doit-il renoncer à sa carrière politique ?”. Toute ressemblance… Mais attention, on excuse une violence masculine si elle est dirigée vers plus faible que soi. Reprenons le coup de poing dans le mur. Il est complètement toléré dans la sphère privée. Et même romantisée dans de nombreuses fictions nases. Ohlala, il est énervé, il va se fracasser les phalanges contre du béton, quel homme ! Bon, perso, de base, je trouve ça complètement con mais passons. Imaginons maintenant la même scène mais au travail. Au lieu de défoncer le mur de sa chambre ou le frigo, Jean-Viril va fracasser le mur de son boss. Ah oui, de suite, la violence masculine va pas être tolérée pareil. Mais rassurez-vous, les hommes qui ont besoin d’extérioriser leur violence s’y adonnent beaucoup plus facilement face à leur compagne terrorisée que devant une personne qui a du pouvoir sur eux. Etonnant, non ?
Une violence légitime... ou presque
Pire, la violence masculine est encouragée dans certains contextes. Elle est même perçue comme légitime. Prenez n’importe quel fait divers triste à base d’enfant tué ou de femme agressée. Enfin, dans le cas où y a de la médiatisation, j’entends. Ah, vous allez systématiquement avoir des commentaires de mecs qui se la jouent coq. Qui seraient volontaires pour aller casser des dents, des genoux, qu’on lui pète sa bouche à la racaille ou je ne sais quoi. Et pas que dans les commentaires sur les faits divers. J’ai un voisin qui est très là-dedans, qui invite les gens à s’expliquer avec lui parce qu’on a sorti son vélo flingué depuis des mois d’un local vélo trop petit ou qu’on lui a remis un carton qu’il avait abandonné à côté des containers dans sa boîte aux lettres. Ok, y en a un des deux, c’est peut-être moi. La rhétorique ici est super claire : “viens me parler en face. Si je te retrouve, ça va mal se passer”. Et je n’en doute pas vu que je l’entends taper dans son sac de boxe quasi tous les jours. Et j’en ai d’autres des qui sont prêts à descendre dans la rue pour se battre et défendre leurs idéaux. Défendre à coups de poing, j’entends.
Le culte viriliste se porte très bien
Et ça ne choque personne. Alors qu’une femme qui sort qu’elle va taper les mecs parce qu’elle en a marre d’être harcelée ou je ne sais quoi, ça part direct en “ouin, ouin, not all men”. Et forcément, quand je vois la tolérance qu’on a envers une violence masculine perçue comme innée, ça m’inquiète un poil. La femme est enjointe en permanence à garder ses nerfs. Sinon, c’est une hystérique. L’homme, lui, est exalté dans son expression de la violence, toujours perçue comme légitime, normale. C’est pas des fragiles, des hommes-soja. Y a qu’à voir tout le culte viriliste côté extrême-droite ou encore l’injonction à faire de la muscu chez les incels. Parce que si tu deviens un Chad, tu auras ta Stacy. Je les vois même en ce moment bander sur un mec au physique surpuissant. Ah mais si c’est ça votre mâle alpha, vraiment, je vous le laisse, hein… Le pire, ce qui me met hors de moi, c’est qu’aujourd’hui, la rhétorique “Chad”/virgin est totalement intégré dans les mèmes. Déjà, ce n’est pas drôle mais surtout, insidieusement, la rhétorique incel se retrouve de facto légitimée. Et dans la rhétorique incel, tu as quand même le “viol doux” et autres conneries parce que Stacy, elle se rend pas compte qu’elle te kiffe et que tu es parfait pour elle. Genre la romance entre Monica et Pete dans Friends qui reste un des éléments les plus gênants de cette série. Ou alors on tue les femmes, une en particulier ou plusieurs au hasard, pour se venger.
Si l'homme est blanc, son passage à l'acte est minimisé
Bref, alors que les crispations identitaires et virilistes sont de plus en plus récurrentes et nombreuses, j’aimerais assez qu’on considère que le terrorisme, c’est pas juste trois islamistes en guerre contre notre art de vivre ou je ne sais quoi. Le danger, ce sont des hommes qui abusent de leur privilège violent pour décider de passer à l’acte. Et quand on voit avec quelle facilité on ne retient pas les facteurs aggravants, vraiment, j’ai peur. Surtout pour mes soeurs féministes médiatisées, je crains le jour où… Et je ne délire vraiment pas.