Et je crois qu’il est loin d’être aussi rare et précieux qu’on ne le pense. Ca, c’est dit. Récemment, nous avons eu droit à une nouvelle polémique autour de Bastien Vivès, auteur BD encensé par la critique qui adore mettre en scène la pédophilie et l’inceste. Je n’exagère absolument pas. Et ne croyez pas que c’est pour dénoncer, non, non. C’est grivois et, de son propre aveu, ça l’excite. Alors oui, quand le plus grand festival BD du monde prétend le mettre à l’honneur, ça fait grincer des dents. Franchement, ça chiale H24 sur les wokes mais on en est à devoir expliquer pourquoi les fictions pédo-incestueuses, ce n’est pas cool. Parmi les nombreux axes de défense pétés que j’ai pu lire, outre le séparer l’artiste de l’Homme (arrêtez cette merde), on a “oui mais il est talentueux”. Et ?
Une complaisance incroyable
Alors oui, le trait de Vivès est intéressant, je ne vais pas contester cela. Je lisais son blog BD à la grande époque des blogs BD et j’adorais son trait. Après, j’ai jamais eu de difficulté à brûler mes idoles. Le mec a un trait vraiment remarquable mais c’est pas pour autant que je vais regarder les planches où une petite fille de dix ans s’en prend plein le visage sans broncher. Tout un album qui raconte la dure vie d’un père de famille qui se fait décharger par sa femme et ses filles juste pour appeler ça “La décharge mentale” et se foutre de la gueule de la BD “Charge mentale” d’Emma, c’est… abject. Qu’on publie ça, ça me dépasse. Ah oui parce qu’on tape sur Vivès mais on va pas oublier qu’il a pu publier au moins trois BD pédo-incestueuses à ma connaissance. Avec une presse plus que complaisante en mode “c’est délicieusement trash”. Depuis quelques années, alors que la parole se libère un peu sur l’inceste et la pédophilie à travers deux livres phares (Le consentement de Vanessa Springora et La familia grande de Camille Kouchner), le backlash est immédiat. Encore. Pareil sur La charge mentale évoquée plus haut. D’ailleurs Vivès a eu des mots extrêmement violents vis-à-vis d’Emma donc vraiment, il a dessiné et publié une BD juste pour se foutre de la gueule d’une autre BDiste. Il est beau, votre génie, là.
La fiction n'excuse pas tout
Dernier point tant que j’y suis. J’ai beaucoup lu en “défense” deux choses. Un “va pas lire des hentaïs”. La différence majeure ici, et ça me paraissait évident, c’est que les hentaïs, tu les trouves pas en tête de gondole de la FNAC ou à peu près. Vivès trouve que ses oeuvres sont tout à fait lisibles par des enfants et même que ça leur fera plaisir. J’ai pas fait de recherche poussée à la FNAC mais il me semblait que le seul hentaï disponible à l’époque, c’était Step Up Love story et si c’était relativement explicite (banane pour le pénis), c’était quand même pas mal mignon. Quant au fait que ce soit de la fiction, je ne situe pas bien l’excuse. Rendre l’inceste et la pédophilie “cool” même dans un cadre fictionnel, je ne vois pas dans quel univers c’est acceptable.
Il est talentueux alors ça va
Mais l’argument qui m’a le plus exaspérée car le plus à côté de la plaque, c’est l’excuse du talent. Alors là, je faisais un focus sur Vivès car c’est le dernier exemple en date mais ce n’est qu’un parmi tant. Je suppose qu’il a été dit la même chose de Polanski “oui, ok, il a violé des adolescentes mais ses films sont tellement bien”. Blanche Gardin avait plutôt bien résumé le point à l’époque, petite fulgurance féministe de sa part. Le souci, c’est qu’on sacralise le talent. Il faudrait que j’analyse la presse critique pour voir combien de fois le mot “génie” ressort, tous films confondus. C’est fou tous ces petits génies qu’on a dans tous ces univers artistiques. De là à penser que ce mot est légèrement galvaudé... On est dans une subjectivité totale ici. Et je peux utiliser ce mot-là moi-même. Il y a des films qui m’ont bien marquée cette année. Il y a des artistes que je trouve géniaux, oui. Mais si j’apprends demain qu’ils aiment tripoter de jeunes enfants, je les oublie direct. Et je ne perdrai rien, en vérité. Parce que des artistes talentueux, il y en a d’autres, quel que soit le domaine dont on parle. Nul n’est irremplaçable, jamais. Surtout dans le monde artistique où on a vite fait de devenir has-been.
Le talent n'est pas si rare
Il faut désacraliser le talent. Point. Déjà sur le BD, il y a tout un tas de dessinateurs et dessinatrices qui ont un style, un trait. Je vous fais pas une liste car c’est vraiment fonction des goûts mais Vivès n’a jamais été loin au-dessus de la mêlée. Même quand il ne dessinait pas de petits garçons à la bite énorme. Mais même, il y a des dessinateurs très talentueux qui ne sont pas connus et qui n’aspirent pas à l’être. Genre mon grand-père. Il avait des carnets de dessins incroyable mais c’était son passe-temps. Et on peut décliner ça sur tous les arts. Des gens qui ont un véritable talent en matière de dessin, d’écriture, de photo, de narration, ce que vous voulez. Et qui, n’ayant jamais essayé de se faire connaître, resteront des talents inconnus. Parce que les carrières artistiques ne sont pas encouragées, parce qu’ils ont voulu que ça reste un loisir… Mille et une raisons. Tout le monde n’est pas obligé de vivre de son talent. Et je pense même que chaque individu a un talent particulier. Le talent n’est pas une essence si rare. Evidemment, après, ça doit se travailler.
Et tu peux être talentueux sans être dégueulasse
Et quand bien même le talent serait une essence rare, rien n’oblige à le mettre au service d’une dégueulasserie. On a beau expliquer trente fois que ce type “d’oeuvre” aide à la construction de personnalités pédophiles qui vont y voir une autorisation, personne ne veut entendre ça. Personne ne veut entendre l’inceste de toute façon ou les abus sur les enfants. Les enfants malheureux, ça ne sert que de joker contre des féministes dénonçant un truc. “Oui bah y a plus grave, y a les enfants”. Comme les SDF qui n’intéressent que quand il faut taper sur les migrants. Les migrants africains, hein. Pas les Ukrainiens. On s’indigne aujourd’hui de l’accueil que recevait Matzneff sur les plateaux télés mais c’est quoi la différence ? Ah oui, la “fiction” mais après ? Comment, en 2022, peut-on encore se dire qu’il n’y a aucun mal à dessiner des enfants violés par des adultes ? Que c’est subversif ? Ouais, allez vous soigner.
A la poubelle les ordures
Bref, Vivès à la poubelle, on y va piano sur la glorification du talent et vous allez voir, y a plein de gens qui ne méritent pas que vous les défendiez. Vraiment pas. Surtout que je suis un peu persuadée que ceux qui défendent Vivès contre la “cancel culture”, ce sont les mêmes qui traitent la gauche de pédolâtre. Alors autant je suis tout à fait d’accord sur le fait que toutes les poubelles ne sont pas encore sorties, autant va falloir se calmer sur les indignations à géométrie variable.