J’avais prévu de commencer ma mini-série sur mon premier job bordelais mais je crois que l’actualité impose qu’on s’assoie un peu pour causer démocratie. Parce que là, je pense qu'on peut tous admettre que ça va pas top. On ne va pas prétendre en être surpris, on savait très bien qu’on y allait en courant. On a espéré qu’à un moment, nos institutions empêcheraient ce marasme mais non. Macron est un enfant capricieux qui préfère renverser le plateau de jeu plutôt que de perdre, considérant que le désordre est la faute de ceux qui ne l’ont pas laissé gagner. Je suppose qu’en psychologie, il y a un terme très précis pour désigner ce genre d’individus.
Le Président est Roi
Cependant, se limiter à traiter Macron de psychopathe, sociopathe ou je ne sais quel mot, c’est un peu court. Et franchement pas très intéressant. Oui, je pense très sincèrement que Macron n’est pas quelqu’un de bien, une sorte de manager toxique comme il en existe tant, un effroyable être humain, mais on s’en fout. C’est pas le sujet. Le souci, c’est la Ve. Le souci, c’est la sacralisation du Président par les institutions, le trop grand pouvoir accordé aux dirigeants pour éviter “la chienlit”. Ce qui marche relativement peu si on scrute ce qu’il se passe dans les rues de Paris en fin de journée depuis jeudi. Mais surtout, je trouve que ça en dit long sur la morgue des dirigeants français et leur sentiment de totale impunité.
49.3 et puis voilà
Si on peut reconnaître une qualité à notre gouvernement, c’est sa capacité à piller l’appareil législatif pour passer sa loi en force. Vous détestez le 49.3 ? On relance d’un 47.1 et d’un 44.3. Heu… Uno ! J’espère qu’ils vont se prendre un 49.2. Bref, alors qu’on a une réforme des retraites que tout le monde décrit, jusqu’à Attali, le gouvernement s’entête et chie sur la tête des parlementaires. “Non mais on savait qu’on allait perdre le vote, du coup, on a décidé de by passer”. Pardon ? Ah oui, n’oublions pas le supplément “c’est la faute aux LR”. Et le saupoudrage de paillettes en chocolat “les Français doivent respecter la démocratie et arrêter de manifester, main’nan”. Je ne suis pas une fanatique de la violence. J’ai même du mal à la supporter mais… franchement, face à un tel foutage de gueule, tu comprends que certains finissent par se prendre des poubelles dans la gueule.
Quel Premier Ministre n'a pas eu recours au 49.3
Mais le 49.3, on n’a pas attendu Macron pour le dégainer à tout va, hein. Oui, Borne s’en sert tous les quatre matins et on atteint un niveau assez délirant maiiiiiis... Le 49.3, j’en entends parler depuis que je m’intéresse un tant soit peu à la politique. Avec toujours la même rengaine “c’est anti-démocratique”. Alors oui, ça, je vais pas dire l’inverse. C’est un outil légitime, rien à dire, mais il pose tout de même de sacrées questions. Même si sa non-utilisation peut être assez éclairante. Genre pour la loi travail qui a foutu les Français dans la rue, c’est oui, on le sort. Par contre, pour le mariage pour tous, on laisse le débat se poursuivre, permettant aux homophobes de s’exprimer en toute décontraction ? Je sais que Hollande a utilisé le mariage pour tous pour avoir son badge de "président de gauche”.Mais vraiment, entre couper un débat où l’opposition soulignait les problèmes sociaux que pourrait générer une loi et un autre où des manifestations rappelaient à certains de nos citoyens qu’ils feraient mieux de vivre cachés et de rien réclamer car leurs amours sont “contre-natureuh !”... Quelle honte, putain.
Obsession figure de pouvoir
C’est marrant comme un pays qui a décapité son Roi vit toujours dans cette sacralisation du pouvoir. Aaaaaah, le Président, ce personnage à la limite du droit divin ! Sans parler de notre passion pour la personnification du pouvoir. On ne vote pas pour des idées, on vote pour des figures. Et à droite comme à gauche. J’écris cet article avant le vote de la motion de censure donc je ne sais pas si elle va passer ou pas. Mais imaginons qu’elle passe. Imaginons que ce soit tellement le zbeul que Macron dissolve l’Assemblée. Je vous jure que si la Nupes repart avec son délire de Mélenchon Premier Ministre, je ne vais pas être contente. Je ne veux pas d’un mec qui défend un agresseur comme Premier Ministre, point. On réclame la probité aux Macronistes, à raison, on doit se tenir sur la même ligne. Ca ne se discute pas. Mais surtout… c’est vraiment ça, votre moto de campagne “Mélenchon Premier Ministre” ? Mais je m’en bats la race, perso. Il y a du travail sur la planche, du gros travail, même. Détricoter la loi travail, parcours sup, contrer l’inflation, rétablir l’ISF, commencer à envisager de respecter les accords de Paris… Vraiment, y a mieux comme slogan et comme promesse que de mettre Grumpfy Jonluc à Matignon. De toute façon, si dissolution il y a, je crains de savoir qui va remporter le gâteau.
Macron, le seul rempart face à Le Pen
Car la voilà, la vérité. Le Macronisme a pulvérisé la scène politique française et son traditionnel clivage droite-gauche. Il a décalé le combat pour en faire un extrême centre-extrême droite et pense jouer sur du velours. Ahah, c’est nous ou la Le Pen, vous préférez quoi ? Alors perso, je préfère la gauche. Même Grumpfy Jonluc s’il le faut. Les médias nous ont vendu Macron comme le seul survivant d’une scène politique divisée entre l’extrême-droite et l’extrême gauche. Faut vraiment rien y connaître en politique pour estimer que la Nupes, c’est de l’extrême-gauche mais puisque l’électorat macroniste a surtout l’air constitué de (petits) Bourgeois accrochés à leurs privilèges et patrimoines, ça fait sens. Leur idôlatrie des riches vus comme des gens qui souffrent et qu’il faut protéger telle une statue de cristal fait le reste.
On va se manger la turbo-droite car le vrai débat est mort
En fait, je ne vois pas d’issue positive à la crise actuelle. Soit on reprend du macronisme avec un cran encore plus à droite selon les rumeurs, soit on se mange le RN. Cependant, la seule chose qui nous a protégé du RN jusqu’à présent, c’est leur abyssale nullité. Des fois, je me dis qu’on s’en sortirait mieux avec le RN qu’avec la macronie. Juste parce que je les soupçonne de pas savoir quoi faire s’ils arrivent au pouvoir et vu les dernières infâmies macronardes… Mais surtout, la crise démocratique, c’est pas juste une histoire de 49.3 à répétition, de dirigeants qui se foutent ouvertement de notre gueule ou du péril RN. C’est l’impossibilité de débats intelligents. C’est pas typiquement français, regardez les Etats-Unis en train de sombrer. Trump a été élu parce qu’il multipliait les outrances, un candidat anti-système… qui a très largement profité du système. Le mépris des instances est partout. Tu veux pas voter pour moi ? Et bah c’est pas grave, je fais ce que je veux quand même.
L'autoritarisme n'est jamais si frontal
Vous savez ce qui était brillant dans 1984 ? C’est que l’autoritarisme n’était absolument pas frontal et assumé. On suit exactement la même pente. On désintéresse les citoyens de la politique en les infantilisant et en jargonnant à tout va. On bafoue la démocratie en expliquant que c’est la faute des autres. On débat sur des stupidités. On érige des personnalités, tout pour s’éloigner du fond. Imaginez la gueule des débats si on n’avait pas eu un Mickaël Zemmour venu sur un plateau radio expliquer dans le plus grand des calmes que les Macronards mentaient sur les fameux 1200 € pour tous. Imaginez si on n’avait pas quelques éclairs d’intelligence de ci, de là, y compris dans des émissions d’infotainment, même si celles-ci font totalement partie du problème. Tiens, idée d’article. On va nous voler deux ans de vie juste pour pas piquer un peu d’argent à Bernard Arnault ? Oui mais Olivier Dussopt, c’est une machine de guerre qui fait des pompes et mange de la viande crue. Heu… je suis censée en avoir quelque chose à foutre ? Surtout que bon, vu sa tête en caoutchouc, je ne suis guère impressionnée et puis en plus, on a dit quoi sur la consommation de viande ? Tout est comme ça. On veut débattre du fond ? Ah attends, Brigitte a un truc à dire. Mais qui est cette dame pour venir donner son avis sur un plateau de JT ? A l’heure où j’écris, 33 femmes ont été tuées dans des féminicides, la secrétaire d’Etat sort un livre pour parler de violences conjugales… uniquement pour tacler un opposant politique.
Les débats chez Hanouna
C’est épuisant. Les débats “politiques” se font désormais plus chez Hanouna qu’à l’Assemblée. Une partie des citoyens est perdue, captée par des obédiences complotistes qui les poussent vers l’extrême-droite. La crise démocratique, elle est là. Dans la disparition de toute intelligence, de toute morale. Quand le gouvernement est poussé dans ses retranchements, il nous assène un “j’assume”, censé mettre fin à toute discussion. Je sais qu’après l’orage vient le beau temps. Mais là, ça commence à être long. Bien trop long.