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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Les journalistes au pied du pouvoir

Publié le 23 Mars 2023 par Nina in Quatrième pouvoir, Connivence, Eléments de langage, Journalistes aux ordres

J’ai toujours tellement de choses à dire, surtout en cette période de crise démocratique, que je traite des sujets trois ans après. Genre là, j’ai envie de vous parler du fameux déjeuner “secret” entre Macron et des journalistes au tout début du drama de la réforme des retraites. Parce que si je devais lister les symptômes d’une démocratie malade, je pense que les petites connivences de ce genre y figureraient en bonne place. Oh, j’entends déjà les “han mais ça va, un déjeuner, ça les prive pas de leur libre-arbitre” sauf que… si, déjà. Croire qu’on reste objectif en toutes circonstances est, au mieux, un pieux mensonge. Au pire, une effroyable mauvaise foi.

Objectivité

Mais non, la connivence n'existe pas, voyons...

“Bah quoi, tu crois qu’il suffit de payer un déjeuner pour acheter des gens ? Rohlala”.Ce n’est pas si manichéen. Quand j’étais étudiante en journalisme, on avait abordé le sujet des voyages presse sous le prisme de “ce n’est pas déontologique d’accepter”. Oui, je mets sur un même plan un séjour de trois ou quatre jours au Maroc pour découvrir une caisse et un déjeuner avec le Président. Même en tant qu’ex influenceuse qui a eu droit à quelques produits par le passé, je sais comment ça marche. Tu te sens obligée. Ca m’est arrivé de pas écrire un article sur un produit donné parce que je trouvais ça pas ouf mais je vais pas le descendre en flèche. Il se crée lors de ses rencontres une connivence. Une connivence où, si tu n’es pas un gros psychopathe, va forcément modifier ta perception des choses. Vraiment, cette voiture découverte dans un décor de rêve avec des gens super sympas, vous allez avoir du mal à la décrire objectivement. Sinon, pourquoi investir autant dans ces voyages ?

Voyage de presse

Pourquoi accepter ce déjeuner ?

Mais imaginons que toutes les coquilles St Jacques du monde ne parviendront pas à vous convaincre. Enfin, je suppose qu’ils ont mangé des coquilles St-Jacques, flemme de vérifier. La question est “pourquoi avoir accepté ce déjeuner” ? Pour en savoir plus sur la réforme des retraites pour la couvrir correctement ? Ah ben vu comme le mensonge des 1200 € a été repris partout, je n’ai pas l’impression que ces journalistes se soient particulièrement intéressés au sujet. Bon, après, les invités avaient globalement la même couleur. Y avait même sa super pote Nathalie St Cricq. Alors que, curieusement, l’invitation pour Fabrice Arfi s’est perdue dans les limbes. 

Fabrice Arfi

Et tout le monde reprend les éléments de langage

Et les éléments de langage se sont tranquillement diffusés dans les médias concernés. Ah, les éléments de langage ! Alors, certes, la Macronie n’a rien inventé sur le sujet mais ils ont élevé ça au rang d’art. Certains parleront de novlangue, je me contenterai de jargonnage marketing. Ca en devient comique car les Macronards n’en sortent pas d’une virgule, ce qui donne des montages rigolos. Du coup, pour peu que les journalistes reprennent le même vocable hors citation, ça sonne un peu trop… Bref. Cependant, la bonne nouvelle, c’est que pas mal de citoyens semblent informés de ça et il n’est pas difficile de repérer, dès lors, les connivences. 

Connivence entre journalistes et politique

Ce n'est pas du tout illégal, mais...

Revenons à ce déjeuner. Est-ce que des journalistes peuvent déjeuner en “off” avec le Président. Dans l’absolu, oui. Rien ne l’en empêche. Léa Salamé a raconté en tout détente avoir dej' avec François Hollande alors ça va. Cependant, ça rajoute une lichette sur la pile de caca. Je parlais mardi de la crise démocratique, je pense que quand les médias sont à ce point proche du pouvoir, ça pose problème. Il y a aujourd’hui une réelle défiance vis-à-vis des médias et quand tu as cette histoire de déjeuner secret en tête, t’as du mal à leur en vouloir. 

Laurent Delahousse et Emmanuel Macron

Fayoter et choper les places

Parlons un peu de Charline Vanhoenacker. Elle a percé en France après un article de blog sarcastique sur la proximité des journalistes qui suivaient le candidat Hollande en campagne, espérant qu’il serait élu car ils auraient droit aux premières places. Ces connivences permettent de choper des places et privilèges mais aussi collecter les fameux off. Vous savez, les histoires de colères jupitériennes, les atermoiements de la majorité, tout ce qui souffle le chaud et le froid. Genre là, j’ai vu un off d’un député de la majorité qui pleurait parce qu’il trouvait Macron hors sol. Et bah porte tes couilles et quitte le mouvement ? Il manquait 9 voix pour la motion de censure, c’est un peu dommage, Loulou…

La motion de censure lancée à l'Assemblée nationale

Le 4e pouvoir en panne

Bref, la crise démocratique, c’est pas juste un pouvoir autoritaire qui avance plus ou moins masqué. C’est aussi un quatrième pouvoir en berne, des journalistes aux ordres qui anônnent les éléments de langage qu’on leur a refilé entre deux gorgées de champagne. Et qui s’indignent quand on souligne que cette proximité est problématique. Alors qu’ils ne lèvent qu’un sourcil face aux violences policières ou quand Macron raconte n’importe quoi sous leur nez. Bref, va falloir repenser tout ça, les gars. Tiens, si je me lançais dans une quête de démocratie en bonne santé ?


 

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