Je vis ma meilleure vie de retraitée

Bon, certes, je suis au chômage, pas à la retraite. Mais étant actuellement inactive, je fais ma petite vie. Et notamment, le matin, je vais me baigner. Y a des matins où faut un peu se faire violence vu que j’habite dans un des rares endroits en France où les matinées sont presque fraîches. Au lac, je croise les habituées, notamment Aurélia. C’est pas son vrai nom, Aurélia. Juste que je trouve que ça lui va bien. Aurélia est ce genre de dame un peu âgée mais pas trop, dynamique et au relationnel hyper facile. Elle aime bien un peu me raconter sa vie. Et je vous le dis de suite : je veux être à la retraite tant que j’ai un peu de pêche.

Une vie follement remplie

Aurélia est une femme occupée. Le matin, elle vient au lac faire ses exercices. Elle y retrouve sa copine Laure. Une dame un peu revêche qui prend soin de m’ignorer alors qu’elle a l’âge de ma mère. Grandis un peu, Laure. Aurélia et Laure font des exercices dans l’eau pendant une bonne trentaine de minutes. Un peu de nage, un peu de marche, des étirements puis elles repartent. Mais parfois, elles ne viennent pas car elles font autre chose. Par exemple, mercredi dernier, elles avaient un stage de peinture et vendredi, petite marche nordique avec l’association de quartier. Et puis Aurélia m’explique que parfois, elle prend le TGV pour aller sur Paris avec une copine. Elles se font deux expos dans la journée puis retour sur Bordeaux. Alors certes, Aurélia doit être bien aisée mais qui ne voudrait pas de cette vie ?

Chacun son rapport à la retraite

Evidemment, certains me diront que la retraite, ça les angoisse. Prenons deux autres retraités, pas du tout au hasard : mon père et ma mère. Ma mère ayant été infirmière dans le public, elle a pu partir à 55 ans. Pendant 10 ans, elle était la seule retraitée du foyer mais elle était bien occupée. Outre la tenue de la maison et surtout la cuisine, activité qui lui plaît bien, elle faisait de l’aquagym et de la peinture. Ma mère a toujours eu un bon coup de crayon mais pendant qu’elle bossait, c’était mis de côté. Depuis, elle fait un ou deux cours de dessin par semaine, des stages… A un moment, elle a fait de l’anglais et de l’informatique aussi. Deux disciplines dont elle a environ tout oublié mais ce fut fait. Mon père à côté… Il a pris sa retraite à 70 ans parce qu’il n’avait plus vraiment le choix et depuis, il se fait chier. Y a des fois, il est juste assis sur le canapé. Pendant de looooongues minutes à ne rien faire. Donc lui, la retraite, c’est pas trop une récompense. 

L'été des loisirs créatifs

Moi, je suis comme ma mère. Et j’ai de grandes ambitions pour ma retraite. Déjà, cet été, je vais apprendre des trucs. Bah oui, je suis du genre à faire contre mauvaise fortune, bon coeur. Tu me vires au début de l’été. Yes, je vais faire de la nage, du vélo et de la lecture sur la plage. Et des loisirs créatifs aussi. Parce que y a pas qu’Aurélia qui fait des ateliers, moi aussi ! Au menu de mon été pour le moment : 

• Initiation à la résine (fait)
• Initiation à la broderie (fait)
• Initiation à la jesmonite
• Atelier dôme diorama

Je vais sans doute rien rajouter du fait que je dois faire un peu des économies mais est-ce qu’elle n’est pas belle ma vie ? Je trouve que si. Et à côté de ça, je vais faire un peu de “pro” genre des infographies parce que j’aime bien. Et que personne ne veut me payer pour ça. Et, évidemment, écrire, faire du Powerpoint art… En vrai, je suis pas mal débordée. Mais débordée bien.

J'aimerais profiter de ma jeune soixantaine

Et j’aimerais qu’on ait tous droit à ça dans nos jeunes années de sexagénaires. Je veux dire, là, en l’état, je partirai à la retraire à 67 ans. 67 ans, c’est vieux. Physiquement, j’entends. C’est l’âge de ma mère. Oh oui, ma mère, quand on la voit comme ça, elle est dynamique et tout mais son corps lâche sur certains trucs. Elle s’est tapée une sciatique des enfers pendant plusieurs mois. Elle est sourde. Elle est encore plus étourdie que d’habitude… Ce qui est parfois un peu lié au point d’avant, je pense. Elle tremble un peu. Bref, ça va mais ça ne va pas autant que pendant ses premières années de retraite, quand elle passait sa vie à la piscine. 

Déjà, à 43 ans, je coince

On peut tous observer le vieillissement de nos corps. Le fameux “ah, je n’ai plus vingt ans, hihi”. Outre le fait que je ne tiendrais plus une nuit blanche, que je ne tiens plus l’alcool… Il y a des défaillances. Genre mon ventre dont je parle souvent mais même au-delà de ça. Je ne peux plus manger les mêmes choses. Je réalise que je trouve le coca zéro trop sucré. Le zéro, celui sans sucre. J’ai mangé un cheese-burger l’autre jour, j’ai cru caner. Mon corps gère moins bien les excès, j’ai de plus en plus de douleurs parasites, j’ai perdu en souplesse et je dois être rigoureuse quant à mon sommeil et mon hydratation… Alors si je suis déjà fragilisée comme ça à 43 ans, à 67 ans, je vais faire quoi ? 

Serais-je encore en vie à 67 ans

Et puis, je me projette à 67 ans mais c’est audacieux de penser que je serai encore là, au vu de l’accélération du déglingage climatique. Sans parler des risques d’une nouvelle zoonose encore plus vénère, du fascisme galopant, d’un grand effondrement… Déjà que, sur le papier, je vais devoir sacrifier les plus belles années de ma soixantaine parce que les Macronards font trop de cadeaux au privé... En plus, c’est même pas dit que je sois encore là à l’heure de la délivrance. Et encore, je ne vous parle même pas du fait que dans mon métier, je doute que quelqu’un ait encore envie de m’avoir dans les pattes à ce vénérable âge-là.

Mettons le feu et puis c'est tout

Bref, il va falloir mettre le feu pour récupérer ce à quoi nous avions droit. Ou trouver une façon de s’assurer un beau pécule et ça, je vous jure, je galère.