J'ai longtemps aimé comparer la vie pro et la vie personnelle. Je le fais encore. C’était une métaphore que je trouvais un peu rigolote, à dire vrai. La Lune de miel, les entretiens qui ont des goûts de rendez-vous clandestins. Puis l’annonce de la rupture où tu essaies de tempérer ton enthousiasme à la perspective de vivre une nouvelle vie. Voyez, ça marche bien. Sur le papier. Parce que pour achever la métaphore, faudrait que je précise “le boulot, c’est comme un partenaire… dans le cas où tu serais dépendant⋅e affective, incapable de vivre seul⋅e”. Parce qu’aujourd’hui, on va parler d’impossible reconstruction. Ou comment on trimballe nos traumas pros sans avoir vraiment le temps de les soigner.
Une vie professionnelle très mouvementée
Ma vie professionnelle est tumultueuse. Si je devais reprendre la métaphore amoureuse, ma vie professionnelle a le goût des aventures sentimentales d’un personnage de soap opéra. Toujours en couple, toujours en trouble. Je crois que 100% des couples de soap opéra, c’est “d’abord, on s’aime à la folie à base de câlins sur lit de rose avec des chandelles partout”. Ce que personne ne fait dans la vraie vie, il me semble. Puis apparaît un crush. Soit un nouveau personnage, soit un ex, un collègue, peu importe. Ca flirte, ça glousse, ça soupire. Souvent un baiser passionné s’échange. Voire une coucherie si on est dans Melrose Place. Puis le mensonge et, enfin, la rupture. L’infidèle se met en couple avec la personne avec qui il a trompé et le ou la néo-célibataire… Oh, ne vous inquiétez pas, il va traîner deux ou trois soirs au bar du coin et hop, c’est réglé. Des fois, les possibilités ont tellement été explorées qu’une jeune femme va se mettre à la colle avec son ex beau-père. Hashtag la gêne.
Tu n'as pas le temps de faire ton deuil, faut enchaîner
Le souci, c’est que la société attend de nous que nous agissions pareil niveau pro. Et, personnellement, j’accumule les relations toxiques. Non parce que ça y est, sept mois après mon embauche dans cette boîte dans laquelle je comptais rester loooongtemps, j’ai rebranché le mode “recherche d’emploi”. Et j’en ai maaaaarre. J’ai pas envie. En deux ans et demi sur Bordeaux, je me prépare à quitter ma troisième boîte. Et même si, objectivement, je pense faire le choix de la raison à chaque fois, je suis usée. Déjà, je n’y crois plus. Je veux dire, là, j’avais choisi une boîte à priori safe. Quand j’ai signé, je ne pouvais pas voir le loup car il n’existait pas. Je crois que le plus dur, dans la vie, c’est quand il n’y a pas de leçon à tirer. Aucune rentabilité possible de la lose. Au moins, je m’épargne une séance d’autoflagellation mais quand même… Bref, la malchance guette.
En cas de relation pourrie, j'arrête tout
Alors certes, niveau coeur aussi, on peut mal tomber. Ca m’est arrivé aussi. Mais je me connais. Trois liaisons pourries comme ça d’affilée, j’aurais pris la seule décision censée : période de célibat choisi, recentrage sur soi. Une petite remise en forme, du dorlotage en masse. Prendre du temps pour une activité qui me sied. Et une fois que je serais bien dans ma vie, mes baskets et ma peau, réouvrir la porte. Pas avant. Le boulot, tu peux pas. Tu acceptes ton sort jusqu’à ce que tu trouves une porte de sortie appelée “nouveau boulot”. Parce que faut payer les factures, tout simplement.
J'ai déjà claqué la porte
Evidemment, ceux qui suivent mes péripéties pros, je n’ose utiliser le mot “malheurs” car je m’en suis toujours sortie, peuvent me trouver gonflée de dire ça. J’ai bien claqué la porte de Sunlight alors que je n’avais rien derrière. J’ai pris le temps de faire un bilan de compétences et une formation… tout ça pour refaire le même job qu’avant. Alors certes mais avec, curieusement, une confiance en moi boostée. Malgré le hiatus de Vinyl 2e édition. Peut-être parce que, concernant, Vinyl, je sais que je n’ai pas failli. Au contraire, j’ai remonté les manches pour essayer de trouver une nouvelle mission. Je l’ai trouvée mais trop tard. Quand on n’est qu’une ligne excel… Mais encore une fois, peu de place à l’autoflagellation.
Quand ça vire au carnage
Et me voici à nouveau à la croisée des chemins alors que je pensais que cette fois était la bonne. Non. Caramba, encore raté ! Je vis beaucoup de violence par procuration. Par procuration car pour le moment, l’orage continue de tomber à côté de moi. Mais bon, là, au rythme où ça va, en septembre, dans mon équipe de six personnes, il restera entre zéro et deux personnes. Soit un alternant qui est censé faire un an de plus dans cette entreprise et moi. Deux autres partent en rupture conventionnelle et deux autres ne veulent pas du CDI qu’on pourrait éventuellement leur proposer après leur alternance. On a officiellement basculé dans la nouvelle boîte y a moins de trois mois, hein. Le mot carnage n’est pas exagéré dans ce cas. Donc je regarde les annonces pour me tirer au plus vite sauf que ça me paraît pas un très bon plan en soi. Je crois que ça s’appelle le “rage applying”, le côté “vite trouver un nouveau train pour sauter de celui dans lequel je suis. Ou “me trouver un nouveau mec pour remplacer mon actuel que je trouve peu satisfaisant”.
Rien ne me satisfait
Sauf qu’à se précipiter, on fait parfois des choix peu éclairés. Exemple typique un : Epicea. J’ai ignoré un red flag pendant l’ultime entretien avec le père Gamblois… Bon aussi parce que j’ai trouvé ça trop gros mais parce que l’histoire me paraissait trop belle. Partir chez l’annonceur pour un joli poste et un joli salaire, regarde moi partir comme une Reine. Idem pour Sunlight. Ahah, j’ai chopé un boulot à Bordeaux alors que j'y vais même pas, je suis trop forte. Re raté. Même là, j’ai fait un peu ma petite reine sur le coup car j’ai retrouvé de suite un taf mais finalement... Finalement. Et là, forcément, quand je vois les annonces, y a pas grand chose qui me branche. Je vois des red flags partout, des insatisfactions. Trop loin de chez moi, pas de télétravail, salaire bof. Sauf qu’il s’agit de fuir, ma belle, pas de faire la fine bouche.
Un calcul de plus en plus compliqué
C’est là que ma métaphore “le taf, c’est comme les amours” ne fonctionne plus du tout. Déjà, dans ma vie amoureuse, quand une relation ne me convenait pas ou plus, j’y mettais fin. Tout simplement. Pas besoin d’attendre un suivant. Là, c’est plus compliqué. Surtout que je ne suis plus à Paris où les opportunités dans mon secteur sont particulièrement nombreuses. Alors qu’à Bordeaux… Et puis… j’ai déjà eu mon simili congé sabbatique. Comprenez que j’aurais potentiellement les moyens de refaire le coup mais j’avais d’autres plans pour ma petite épargne. Genre faire des remboursements anticipés du prêt pour l’appart et commencer à remplir les bas de laine pour partir le plus vite possible à la retraite. Quoi qu’à y penser, autant souffrir maintenant pour mieux vivre demain. Même si, idéalement, ne pas souffrir du tout, ce serait encore mieux. Parce que rien ne justifie le stress qu’on se mange au travail. Surtout quand aucune vie n’est en jeu.
Le congé d'entre deux
Bref, dans un monde parfait, les salariés auraient droit à des congés d’entre deux, histoire de se restaurer et repartir en confiance. Cependant, je sais pas si vous avez vu la gueule de la politique de notre Premier Ministre, c’est l’exact opposé de la notion de bienveillance pour d’éventuels salariés traumatisés. Youpi.