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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Même quand une femme se fait agresser en direct, vous mégotez

Publié le 19 Septembre 2023 par Nina in agression sexuelle, Patriarcat, Le corps des femmes

Ayant été un peu occupée ces derniers jours, entre blessures, vacances et nouveau travail, je n’ai pas eu le temps de m’énerver sur l’histoire du baiser forcé de Luis Rubiales sur Jennifer Hermoso alors que c’est un exemple typique de la culture du viol et du fait que beaucoup ne savent pas ce qu’est une agression sexuelle. Typiquement embrasser une personne sans son consentement, oui, c’est une agression sexuelle. Oui, c’est grave. Et oui, il va falloir arrêter d’être détente sur ces comportements problématiques. Elle est punchy mon intro, là, on sent que ça me rend sereine, non ? 

Jennifer Hermoso, championne du monde

Le mec qui refuse de reconnaître la gravité de son geste

Pour les gens qui n’auraient pas suivi, bref résumé des faits. Les Espagnoles ont gagné la coupe du monde de foot et pendant la remise des médailles, le président de la fédération espagnole de foot a embrassé sur la bouche une joueuse qui ne lui avait rien demandé. Devant les caméras. Sous le nez de millions de spectateurs. Vous savez qui ne déconne pas du tout sur le sujet des agressions sexuelles ? Les Espagnols. Cf le mec arrêté par la police pour avoir touché le cul d’une journaliste en direct. On a beaucoup à apprendre de nos voisins ibériques. Bref, le baiser se passe et l’histoire enfle petit à petit. Le président de la FFE refuse de démissionner, il explique que c’était un geste parfaitement consenti. Ce que dément la joueuse. Donc toutes les joueuses démissionnent et au bout de plusieurs semaines de polémique, Rubiales démissionne enfin.

Les championnes du monde de foot

Les femmes ne sont jamais respectées

Cette mauvaise volonté à reconnaître la gravité de son geste est symptomatique de pas mal de trucs. Que l’on va retrouver dans la prise de parole de ses soutiens genre Woody Allen. Oui, Woody Allen qui aimait forniquer avec les filles mineures de son épouse a soutenu Rubiales. Pour moi, ça sonne comme un baiser de la mort mais vu que le mec est toujours pas cancel… Allen a dit en substance “il va pas démissionner pour un simple baiser. C’est bon, il ne l’a pas violée”. Ah bah oui, c’est pas grave alors. Sauf que si, en fait. C’est grave. Ce n’est pas tant le baiser en soi que ce qu’il représente le problème. Comme une main au cul. Ou une fessée parce que vous étiez penchée et que “chaque cul tendu mérite son dû”. Oui, ce n’est pas un viol. C’est juste une façon de nous rappeler qu’être présente dans l’espace public semble une autorisation tacite pour nous toucher. Que nos tenues sonnent pour pas mal d’hommes comme une autorisation de nous toucher. Alors qu’on ne leur a rien demandé, rien autorisé. Parfois même, on est en train de travailler, comme la journaliste susnommée.

Une journaliste espagnole agressée en plein direct

Le plus beau moment de sa vie terni

On en revient toujours au même point : le respect du corps des femmes n’a aucune importance pour les hommes. Imaginez juste. Vous vivez un des moments les plus intenses de votre vie. Vous êtes ivre de joie et là, un mec vous embrasse sans votre consentement et en public. Parce que vous ne comptez pas vraiment. Une championne de monde de foot se fait agresser en public et la réaction n’est pas immédiate. Alors que Philippe Dialo ferait un smack non consenti à MBappé qu viendrait de gagner une coupe importante, vous mettriez le feu aux locaux de la FFF. Bref, non seulement l’un des moments les plus intenses de votre vie est terni mais en plus, on utilise votre joie intense contre vous par la suite. “Non mais elle faisait la fête et tout, ça l’a pas tant gênée d’être embrassée !”. Alors de un, les femmes ont un réflexe presque naturel de "faire avec". On patauge en permanence en zone grise, nous. On doit se coltiner votre tripotage en permanence et n’oublions pas qu’à ce moment-là, cette jeune femme est embrassée par un mec qui a du pouvoir dans sa sphère pro. Elle n’est pas embrassée par Jean-Michel Random qui a abusé de la 1664 ou je ne sais quoi. On fait avec parce que c’est compliqué de réagir autrement. Surtout que, ça n’a pas manqué, beaucoup de réactions ont été “roh, ça va, c’est un bisou, c’est rien”.

Jenni Hermoso, championne du monde

Arrêtez de minimiser nos agressions

Ce n’est pas rien. Déjà, je mettrais ma main à couper que 90% des mecs qui disent “ohlala, c’est qu’un bisou, ça vaaaaaaa” iraient péter les dents au mec qui embrasserait leur meuf comme ça. Ah ben oui, faudrait pas souiller “leur” compagne, voyez. Par contre, les autres meufs, ils s’en foutent. En plus, elle a un tatouage provoc et elle a fait la fête après le baiser alors ça vaaaaaaaa… Et oui, on en est encore à blâmer la victime. Rassurez-vous : peu importe comment elle se comporte, ça ne sera jamais assez. Le truc, c’est qu’il ne faut pas se concentrer sur l’acte en lui-même, un baiser sur la bouche, mais sur ce qu’il représente. Un rabaissement, une humiliation. Même quand on devient championne du monde. Les hommes aiment nous imposer leurs gestes. Je lisais le cas d’une agence sur Balance ton agency où la bise était obligatoire. Les jeunes femmes devaient faire tout le tour de l’entreprise pour faire la bise et elles étaient plusieurs à décrire des bises “près de la bouche”. Ca, c’est notre réalité. Toutes les femmes ont des stratégies d’évitement de personnes un peu trop tactiles à leur goût. J’ai pour ma part une tolérance très basse aux gestes de proximité physique. En gros moins j’apprécie une personne, moins je supporte son contact. Y a certaines personnes, ça m’arrache la gueule de leur faire la bise. Parce que leurs gestes ne sont pas anodins et que je le sens. Que je n’aime pas leur main posée nonchalamment sur ma taille quand ils me font la bise. Leur besoin de me toucher pour me parler.

Rubiales est un gros porc
Non, c'est pas Hermoso sur cette photo mais une autre joueuse...

Je te touche pour asseoir mon pouvoir sur toi

Et ne pensez pas que c’est juste du domaine de la séduction. J’ai le souvenir d’un éphémère collègue qui ne pouvait pas me parler sans me toucher. Ca n’avait rien de sexuel, vraiment pas puisque c’était surtout sa main sur mon bras mais c’était pour m’accaparer. Le mec, on a bossé littéralement neuf jours ensemble, j’avais déjà mis en place des stratégies d’évitement. Je me tenais assez loin de lui mais il faisait un pas pour me toucher. J’en étais venue à me planquer dans des salles de réunion. Parce que le sous-texte était clair “je te parle, tu ne fuieras pas. Tu ne peux être concentrée que sur moi”. Alors que j’ai pas forcément envie de t’écouter, mec. Je veux dire soit tu me parles boulot vu que tu viens m’interrompre pour me poser une question sur le sujet et j’ai pas besoin que tu me touches pour être focus. Soit on est dans une discussion de groupe et j’ai le droit de penser à autre chose ou de juste discuter avec mon voisin ou ma voisine. De toute façon, ne me touche pas. On n’entre pas dans la sphère d’intimité d’une personne que l’on connaît à peine sans son consentement. En général, ces contacts physiques avec des personnes me permettent de les classer très vite dans mon spectre amical : si le contact physique ne me gêne pas, c’est que j’apprécie la personne, sinon… Vous pouvez me trouver coincée mais… heu bah je m’en fiche, pour commencer. Mais surtout j’ai assez peu entendu d’hommes se plaindre de ce type de contacts forcés. Pourquoi à votre avis ? Parce que le corps des femmes semble appartenir à tout le monde sauf à elles. Cf toutes les polices du vêtement. Et je ne parle pas que des question de vêtements soit-disant religieux, hein…

Pression vestimentaire

Mon corps m'appartient, t'as pas à y toucher

Bref, en 2023, on doit encore et toujours répéter que nos corps nous appartiennent et que vous n’avez pas à embrasser une femme sans son consentement. C’est fou d’en être encore là. Vos désirs et vos pulsions, vous apprenez à les maîtriser. Comme le font les femmes. Arrêtez de croire que nous sommes des petits êtres effarouchés qui ne pensent jamais au sexe ou qui ne désirent pas. On a autant de désir que vous. Mais les personnes que je trouve désirables, je commence par les respecter.Je ne leur impose pas une proximité physique dont elles ne veulent peut-être pas. Il y a des choses qui se sentent, qui se dosent. Et de toute façon, on n’embrasse pas quelqu’un sans son consentement. Jamais. L’euphorie de la fête, l’alcool ou je ne sais quelle excuse bidon, on s’en bat les steaks. On laisse les autres tranquilles. Et quand la personne émet un sentiment négatif vis-à-vis de ce que vous lui avez imposé… Bah commencez par vous excusez au lieu de la traiter de menteuse ? On t’a vu Luis ! Des millions de personnes t’ont vu. On voit le body language de Jenni qui subit clairement ce baiser. Et tous ceux qui ne voient pas le souci, vous prouvez bien à quel point vous êtes ravagés et qu’on a raison de se méfier de vous. Bref, apprenez à vous canaliser et canalisez vos potes aussi. Un baiser forcé, ce n’est pas rien. C’est un rappel que l’espace public n’est pas favorable aux femmes et qu’y pénétrer se fera à nos risques et périls. Et ça, faut que ça cesse.

 

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