Et si on dépersonnifiait la politique ? 

Pensons collectif. Vous savez ce qui me fait instantanément déprimer ? Oui, ok, beaucoup de choses. Le climat, le masculinisme, les intolérance, l'impossible vivre ensemble… Mais aussi la perspective de 2027. L'idée de se manger Édouard Philippe, vraiment… Déjà que Macron, c'est compliqué mais Philippe, kyaaaaaa. Et les lueurs d'espoir à gauche… Et bah, c'est la catastrophe. On va pas parler du PS. Je veux dire Cazeneuve et Delga sont environ autant à gauche que moi championne d'escalade… Quant à la Nupes, je suis pas super fan des personnalités phare non plus. Et arrêtez la blague de Ségolène Royal en tête de liste des européennes*, je vous prie ! 

Marcher avec le chef ou crever

Enfin, c'est plus compliqué que ça. Surtout côté LFI. Côté EELV, y a quelques femmes vraiment bien. Radicales, précises et rigoureuses. Mais LFI, ils ont tous des prises de position gênantes, sans parler de l'emprise du chef. Ou tu rentres dans les rangs ou tu dégages. Vous vous souvenez de Muriel Ressiguier ? Sans doute pas, sauf si vous êtes de sa circonscription. Elue députée FI en 2017, je n’ai entendu son nom qu’une fois. Lors de la fameuse perquisition de la FI qui fut quand même fort gênante, elle s’était opposée à la résistance quelque peu intense et mise en scène de son parti. Alors qu’elle dénonçait des “méthodes de voyou”, Méluche lui a rétorqué qu’on ne lui demandait pas son avis. Qu’est devenue cette dame ? Rien. Se représentant à sa propre succession, elle n’a pas été investie par la FI. Officiellement parce qu’elle a été condamnée par les prudhommes pour licenciement abusif de deux de ses collaboratrices. Et la FI est intraitable avec les condamnés en justice, n’est-ce pas Adrien ? Officieusement, outre l’histoire de la perquis’, elle n’a pas suivi les directives nationales pour les municipales. Tu marches avec la tête ou tu dégages, point. On a eu le drama du renouvellement du bureau dirigeant, aussi. Et maintenant, on a un champion qui plaît très peu à une bonne frange de la gauche intersectionnelle : Ruffin. 

Tous les politiques me saoulent

Et en vrai, ça me saoule. La politique de la personnalité. Je n’aime pas plus Ruffin que je n’aime Mélenchon, Quatennens, Royal ou je ne sais qui. Même Rousseau ou Autain que je trouve intéressantes sur bien des points, y a des déraillements. Déjà parce que tout politique se sent obligé de parler tout le temps, de tout, de rien. Occuper le terrain. Et la politique, c’est comme la téléréalité : à parler tout le temps, tu finis par dire des conneries et c’est ce que les monteurs garderont. Mais on est à l’ère de la politique spectacle, il faut des show-men et des show-women. De la punchline à gogo. Perso, je déteste ça. A droite comme à gauche. En vrai, je m’en fous de ces personnes, de leur vie perso, de leur sens de la formule. Ce qui m’intéresse, c’est la vision de la société collective. Parce qu’un président, il ne fera rien s’il n’a pas le gouvernement qui va avec. Je veux dire prenez Hollande, il a fait quoi ce mec là ? En son nom propre, je veux dire. A part apporter des croissants à sa maîtresse. Bah oui, Hollande, il est presque plus connu pour ses frasques que pour sa politique. Et quelle politique ? Le mariage pour tous ? Il a laissé traîner plus que nécessaire et a laissé Taubira aller au front. Une femme Noire face aux conservateurs, c’est sûr que ça allait bien se passer pour elle, tiens. Il nous a collé un des pires Premiers Ministres de la Ve République et nous a sorti Macron. Mais sinon… quelles étaient les convictions de cet homme-là ? Sa vision politique ? Et j’en ai autant pour un Chirac, un Sarko ou un Macron. T’as l’impression que leur seule volonté, c’est de choper le poste. De jouer les roitelets en racontant n’importe quoi la plupart du temps. 

Voter pour limiter les dégâts

Perso, ça ne m’intéresse pas de distribuer le sceptre de pouvoir à l’un ou l’autre. Chaque élection devient un calvaire. A dire vrai, ça fait longtemps que j’ai abandonné l’idée que la politique pouvait enclencher le changement radical dont nous avons besoin pour notre survie. Et surtout celle de vos enfants. Je vote plus dans une optique de limiter les dégâts mais y a un grave déficit de confiance. Je veux dire, techniquement, le programme en commun de la FI, y a plein de trucs intéressants. Un bel élan d’espoir. Modulo certaines merdes comme le service militaire. Arrêtez avec ça. Mais quand tu entends Jean-Luc parler, y a des hiatus. Beaucoup, beaucoup. Et tu doutes. Je veux dire Hollande a bien sorti “mon ennemi, c’est la finance”, nous a promis une belle politique de gauche avant de nous sortir des Valls et des Macron. Niveau foutage de gueule. Voter pour une vision de la société, c’est bien. On devrait tous faire ça. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche. Tu ne votes pas pour un projet mais pour une personne. Malgré tout ce qu’on en dira. 

La politique de la punchline pétée

Je crois que la personnalisation de la politique est la pire chose qu’il soit arrivé à la Politique au sens très noble du terme. Les idées n’ont aucun poids. Seules comptent les punchlines, les petites phrases. Prenons Poutou, que j’aime bien. Beaucoup de gens vous diront la même chose et vous citeront ses petites sorties lors du débat de 2017 ou de 2022. Et clairement, ce soir-là, nous étions tous Philippe Poutou. Mais est-ce que tous ceux qui aiment Philippe connaissent le programme du NPA ? Mmm. Parce que quand ça chiale sur la Nupes comme étant l’extrême-gauche, je me demande comment on peut avoir à ce point une méconnaissance de la politique et l’ouvrir autant. Je ne parle pas forcément des politiques ici qui ont tout intérêt à disqualifier les adversaires mais bien de Michel et Janine qui se bâtissent leur opinion sur BFM tv. A peu près. Que certaines personnes aient peu de culture politique n’est pas un reproche en soi. Il y a mille raisons pour ne pas s’intéresser au sujet et j'ai rien à redire sur ça. Par contre, que ceux qui ne se sont jamais penché sur le sujet vienne t’expliquer la vie parce que eux savent alors que… non, pas du tout, ça me laisse rêveuse. Surtout qu’à côté de ça, tu as des personnes bien plus renseignées qui n’osent pas parler car elles pensent ne pas l’être assez. Mazette. 

On vote pour qui, pas pour quoi

Quand j’étais petite, en 88, on m’avait demandé pour qui je voulais voter. Ah bah oui, à 8 ans, je n’allais pas répéter bêtement ce que mes parents me disaient sur le sujet, hein. Et bien non, en fait. Alors que mes parents étaient pro Chirac, j’étais pro… Raymond Barre. Parce que j’étais convaincue par son programme centriste ? Bah tu penses qu’à 8 ans, j’avais idée de ce que c’était, les idées centristes. Non je voulais voter pour Raymond Barre parce qu’il était représenté en nounours dans le Bêbête show et que je trouvais ça mignon. Plus que le vautour ou la grenouille, par exemple. On a pas mal accusé les Guignols d’avoir joué un rôle dans l’élection de Chirac. Je ne saurais dire. Si je me fie aux audiences moyennes, les Guignols réunissaient environ 3 millions de spectateurs, soit un peu plus de la moitié qu’un JT de TF1 et autant que BFM tv. En 2022, ils ont tenté de pousser le curseur en sens inverse en présentant Chirac comme Super voleur alors que Jospin… Ah le cas Jospin-Chirac est intéressant aussi. On a beaucoup considéré que la chute de Jospin était dû à une campagne désastreuse, notamment son annonce de candidature via un fax et sa sortie un peu vacharde sur un Chirac “usé, vieilli, fatigué”. Mais… le fait qu’il n’ait pas du tout mené une politique de gauche quand il est arrivé au pouvoir, vous ne pensez pas que ça a pu jouer ? Je sais pas mais pour rappel, en 2002, FO et la cultissime Arlette Laguillier avait passé la barre des 5%... Mais bon, était-ce par réel désir de gauche ou encore un coup des Guignols ?

Du storytelling sinon rien

Bref, je rêve d’un projet collectif avec un vrai programme, une vraie volonté politique. Qu’on ne se dispute pas autour du “qui” mais autour du “quoi”. Sauf que bah, je ne crois pas que ce soit possible à l’époque de la politique politicienne. Les individus sans charisme et sans storytelling ne percent que par accident, parce que celui qui aurait dû y aller a essayé de violer une femme de chambre. En vérité, la politique n’a pas pour objectif de faire bouger les choses et la société. Ce ne sont que des querelles et stratégies pour choper le pouvoir. Et je m’y désintéresse à chaque élection, de plus en plus. Pourquoi je continue de voter ? Parce que faut bien protéger les plus fragiles, ceux qui prendront très cher si le pire arrive. 

* J'ai écrit cet article il y a quelques semaines, d'où la ref à Ségo mais ce n'est plus d'actualité.