Les coches bleues ou l’avènement du trolling

C’est parfois difficile de vivre l’espoir d’une société plus humaniste. De se dire que, hé, ça irait vachement mieux si tout le monde faisait l’effort d’être plus gentil. Ca paraît même totalement intuitif. Même au niveau perso. Imaginez vous lever et passer une journée sans détester personne. Surtout si vous la détestez pour des raisons un peu essencialistes genre “ah mais il est Noir/Arabe donc forcément, c’est pas un type bien” ou “ah, les féministes, que des mal baisées. Je te lui foutrais bien ma b*** dans sa bouche pour qu’elle se taise” et autres joyeusetés. Et sur ma phrase précédente, je délire pas, les mascus adorent menacer les féministes de viol. Bref, on irait tous mieux en vivant dans une société pipou où ce qui nous rend malheureux, ce n’est pas juste l’existence de gens qu’on a décidé de détester pour d’obscures raisons. Et puis tu as Elon Musk qui rachète Twitter et décide de rémunérer les trolls. Franchement, l’Humanité mérite de disparaître.

Une cour de récré pour les trolls

Résumé du drame en trois actes. Elon Musk rachète Twitter. Puis il met en avant un abonnement “Twitter blue” où tu récupères la coche bleue et tu gagnes automatiquement en visibilité, ton commentaire passant avant les autres. Puis surprise, les Twitter blue vont être rémunérés en fonction de la visibilité et de l’engagement qu’ils ont suscité. Et comment générer de l’engagement à moindre frais ? En insultant tout le monde, bien sûr ! Pour vous faire une idée du phénomène, allez sous un tweet qui sonne un tout petit peu de gauche et vous les verrez, les coches bleues, en train d’insulter tout le monde. A la limite, les coches bleues qui diffusent des vidéos ultra connues pour gratter trois centimes méritent plus le respect. Enfin, je les bloque aussi mais voyez l’idée.

Cliver pour se faire de la money

L’engagement par le clivage, ce n’est pas nouveau. Les pure players qui diffusent leur reportage en priorité sur Twitter et Facebook ont besoin que vous réagissiez donc on va parler de sujets qui divisent. Tant pis sur la personne qui témoignait dans le reportage se fait agoniser d’insulte sans qu’il y ait plus de modération que ça. Tiens, ce serait un sujet d’article intéressant, ça, la limite entre “je veux rendre ma cause visible”, “mince, je suis désormais victime de harcèlement”. Et ça marche, évidemment. Ca m’arrive régulièrement de “snipper” un twittos qui se vautre dans la randomphobie en étalant son ignorance crasse au passage. Et c’est précisément ce que tentent de déclencher les coches bleues aujourd’hui. Parce que mon snip leur rapporterait quelques centimes. Bon, perso, dès que je vois ce genre de compte passer sur ma tl ou dans les commentaires, je bloque. T’as eu une impression de ma part, t’en auras pas deux. Même si je ne connais pas le modèle économique de la rémunération, c’est peut-être lié aux engagements et pas à l’impression mais dans le doute… Et puis la bulle de filtre, si c’est pour s’éviter des petits cons insultants, je prends. 

Musk, l'abruti qui cassa son joujou

Même si j’ai trouvé comment assainir un peu ma  timeline, reste que Twitter semble définitivement gangréné. J’y passe de moins en moins de temps et pas juste parce que j’ai commencé un nouveau boulot. Parce que je n’ai pas envie de partager ma cours de récréation avec ces gens-là, pour commencer. Et que j’attends la chute de ce réseau et le fait que tout le monde réalise enfin que Musk est juste un gros incompétent qui n’a pour lui que son ascendance et le fric de son père. Non parce que j’ai encore entendu des gens dire l’autre jour “non mais Elon Musk, c’est sûr qu’il a une puce dans son cerveau”. Dans le sens nanotechnologie de fou. Pas dans le sens “bug” parce que là, sinon, je serais d’accord. Et oui, je sais que bug, c’est insecte et pas puce mais laissez-moi tenter des jeux de mots anglais. Je suis sidérée de voir que des gens pensent encore qu’il est génial. Bref, la fin, je la vois venir gros comme une maison : les coches bleues vont tout saloper, créant des pics d’engagement forcés tandis que les gens raisonnables vont se barrer sur d’autres réseaux type Bluesky ou Mastodon. Faut aussi que je me mêle un peu de discord, quelques sujets peuvent m’intéresser. Ou quitter les réseaux tout court. Donc là, Musk va siffler la fin de la récré et annoncer la fin de la rémunération, les coches bleues vont péter un câble et finir de massacrer l’oiseau bleu. Et Elon dira qu’il a gagné vu qu’il a dit vouloir détruire Twitter car c’est à cause de ce réseau que sa fille est devenue trans et communiste.

Les réseaux sociaux déclinent toujours

Je ne pleurerai pas Twitter. Oui, il s’en est passé des choses sur ce réseau. Je lui dois certaines chouettes rencontres. Ca m’a permis de me cultiver sur des sujets qui étaient loin de ma sphère d’attention. Mais un réseau social, ça évolue et parfois, ça disparaît. Souvenez-vous du temps qu’on a pu passer sur Facebook y a 15 ans. Oui, 15 ans, on vieillit. Aujourd’hui, on y va pour une vieille conversation Messenger qui survit, rigoler sur quelques neurchis et voir les voisins s’étriper sur le groupe du quartier. Je vous dis pas toute la sérénité que la zone gagnerait si les gens n’avaient pas de voiture… Les seuls posts que j’y fais, ce sont mes photos Insta. Qui sont postées là aussi parce qu’un jour, Insta m’a mis une pop-up pour me le proposer, que j’ai dit oui pour dégager ladite pop-up et que je pense pas à le désactiver. On peut penser aux myspace et skyblogs (paix à leur âme) dont la popularité a été plus éphémère mais qui illustrent bien mon propos. Que Twitter disparaisse, en soi, n’est pas un drame. Ce qui suppure à travers cette disparition, la morale de l’histoire, par contre…

Les bullies gagnent toujours

Car la morale est dégueulasse, oui. Déjà, on peut se faire supprimer notre terrain d’échange militant par un gros bébé geignard, juste parce que son père est riche. Mais surtout… la méchanceté paie plus que la gentillesse et la bienveillance. Littéralement. Et j’ai beau me réjouir de ce moment où les coches bleues réaliseront qu’elles ont juste été le dindon de la farce, ça me désole. Non parce que les coches bleues auraient pu choisir de poster des photos de chatons mignons all day ou de poster de gentils messages en commentaire un peu partout mais non. C’est de l’insulte crasse à la place. Ce qu’il se passe actuellement sur Twitter, c’est juste la victoire des bullies. Alors que le harcèlement scolaire, c’est grande cause nationale mais t’as l’impression que ce combat-là, on l’emportera jamais. Qu’on pleurera à chaque gamin mort mais que rien ne pourra empêcher que la méchanceté est récompensée. On a beau se consoler en se disant que les bourreaux d’aujourd’hui seront très certainement les déchets de demain. Sauf que déjà, ce n’est pas forcément vrai. Mais surtout, l’idée de savoir que le mec qui est actuellement en train de vous pourrir la vie finira dans un appart crade avec un physique peu reluisant, bah… c’est pas ça qui va améliorer les choses. Le phénomène coche bleue donne malheureusement l’impression à ceux qui aiment insulter qu’ils sont dans le vrai. Que c’est comme ça qu’ils se feront de la tune. 

A la fin, qu'il crève

J’aime à croire qu’à la fin, les méchants seront punis. C’est ce que m’a appris toutes les oeuvres de fiction que j’ai pu avaler dans ma vie. A quelques exceptions près. Mais c’est un grand mensonge, finalement. Il n’y a pas de gentil et de méchants en soi. Il y a des riches qui dictent leur loi et définissent les valeurs. Evidemment, dans le cas de Twitter, le plus simple est de partir. On vous laisse finir de saccager la maison. Mais est-ce que j’ai envie qu’un sale type pété de tunes, machiste, homophobe et raciste, ait un quelconque pouvoir quelque part ? Disons que j’espère que la puce qu’il a dans le cerveau explose et qu’on n’en parle plus, plutôt. Et rassurez-vous : là, je parle de Musk mais je n’accorde pas plus de valeurs aux autres.