Même au coeur de l’été, nous ne sommes jamais à l’abri d’une polémique. Faut dire que pour certains, c’est carrément devenu un fond de commerce. On a nos petits marronniers de la polémique. Genre en août, immanquablement, on va parler de l’allocation de rentrée que les pauvres utilisent pour acheter des télés et des smartphones, les salauds ! On peut parfois avoir de loooooongues discussions sur le burkini même si, cette année, alors qu’on se dispute tous sur le masque, il paraît peu approprié de dénoncer des bouts de tissus perçus comme de trop… Alors autant je suis d’accord qu’il ne faut rien laisser passer, autant j’en ai un peu marre qu’on remue mes émotions pour du buzz.
Ces derniers temps, j’ai pris un peu de recul avec Twitter, mon réseau crack. Vous savez, ce réseau social qui vous fait du mal mais auquel vous êtes totalement accro. La plupart des gens ont cette relation d’amour-haine avec Insta mais moi, définitivement, c’est Twitter. Une bouffée de fumée à heure trop régulière, me choquant de la connerie humaine. La méchanceté et l’intolérance, plutôt. Découvrir que des personnes sont parfaitement à l’aise pour déclamer à longueur de temps que des personnes déjà maltraitées par le système méritent le pire. Je trouve tristement fascinant qu’on puisse annoncer sans pression que des personnes qui ont fui la guerre devraient y retourner car leur vie ne vaut rien. On les rejette même au milieu de la mer pour s’en débarrasser. Que ta couleur de peau fait de toi quelqu’un de naturellement moins bon. Que ton IMC élevé te prive de tout respect. Que ton genre te prédestine à certaines tâches et, curieusement, pas les plus sympas. Le combat pour plus de tolérance est tout le temps, partout. Rêver d’une société où tout le monde part de la même ligne de départ sans boulet au pied ou obstacle sur le chemin est épuisant.
Et certains y voient une opportunité. Les clickbaits. Les clickbaits, on connaît surtout sur les titres putaclics de la presse de bas étage. “La 5e va vous surprendre”, “quand vous allez découvrir ce qu’il a fait pour elle, vous allez pleurer”, “découvrez avec qui ce people de seconde zone a couché”. Etc. La polémique est également un excellent appeau à engagements. Je vous renvoie à la vidéo d’Un créatif qui démonte la stratégie Konbini sur le sujet mais s’il n’y avait qu’eux… Tous les micro médias qui s’épanouissent sur les réseaux sociaux marchent ainsi. Alors ce n’est pas toujours frontal. On va mettre en avant tel·le activiste… et laisser pleuvoir des tombereaux d’insultes. J’ai toujours trouvé que celleux qui militent à visage découvert étaient un exemple de courage. Faut avoir les épaules solides pour accepter que tout ce que l’on dit, nos gestes, notre apparence, soient jetés en pâture à des hyènes en mal de bidoche fraîche. Et c’est là qu’on rentre dans le cercle vicieux. Un·e activiste s’exprime, une armée de trolls s’expriment, la contre-armée se met en branle. Et je suis pas sûre qu’à la fin, les défenseurs et défenseuses de l’activiste soient ceux qui s’en sortent le mieux. En attendant, le média en ligne, qui n’exerce quasi aucune modération, aura boosté son taux d’engagement.
C’est une impasse. J’en ai assez que nos combats servent de carburant à ces médias, de divertissement à des personnes qui voient le monde en une seule dimension, la leur. C’est déjà épuisant de se battre pour faire respecter ses droits, devoir en plus se faire insulter en permanence, se faire agresser pour ses opinions, j’en peux plus. Certains me rétorqueront que tout ceci est virtuel mais nos combats ne le sont pas. Nos vies ne le sont pas. Un troll qui me dit de retourner dans la cuisine, c’est stupide et non digne d’intérêt. Même si ce serait sympa de lui faire la leçon à lui et pas à moi qui m’en irrite. Cependant, si tu considères la big picture, les micro-agressions quotidiennes, ce refrain lancinant qui nous rappelle que nos combats n’ont pas de valeur, ça épuise vraiment. Et ça fait chier que certains fassent leur beurre dessus. Cependant, on a aussi besoin de cette exposition. Il y a tant d’activistes incroyables, qui nous apprennent tant de choses. Qui tiennent, pour certains, des blogs, podcasts fascinants, qui écrivent des livres géniaux… Que certains combats qu’on n’imaginait pas sortent au grand jour.
Mais est-ce que cette exposition nécessaire doit se faire à ce prix-là ? Car on a beau créer nos propres médias, dont les commentaires sont régulièrement modérés au prix de la santé mentale de ceux qui accomplissent cette tâche, difficile d’émerger. Surtout quand la personne est seule aux commandes et peut s’épuiser à force de se faire insulter H24. Bref, je pense qu’il existe un juste milieu pour éviter de nourrir ceux qui vivent de la polémique sans pour autant renoncer à une visibilité bien venue. Reste à le trouver.