Et si on arrêtait avec le mythe du surhomme ?

Sous-titre : nous ne sommes pas des machines. Sous-titre alternatif : dormir, c’est bien, aussi. Si vous avez suivi un peu l’actualité, vous avez dû voir que nous avions un nouveau Premier Ministre. Ma réaction à sa nomination fut à peu près un “Oh non, putain, pas lui”. Mais si je dois être parfaitement honnête, je ne vois pas qui, dans la Macronie, ne m’aurait pas suscité cette réaction vu que je les déteste tous. Bref, la presse policée s’est empressée de nous raconter que c’est un mec super mais surtout qu’il ne dort que 4h par nuit. Allez, c’est reparti pour le mythe du surhomme. Et c’est de la merde.

Je rêvais de nuits courtes

En terminale, en cours de philo, nous avons parlé de Pascal. Pascal qui dormait très peu, 4 ou 5h par nuit. A l’époque, déjà, ça me faisait rêver car j’imaginais tout ce qu’il était possible de faire en dormant si peu. Et à ce moment de l’écriture de cet article, je me demande qu’est-ce que j’avais autant envie de faire à 17 ans pour rêver de ne pas dormir la nuit. Et longtemps, je n’ai que peu dormi la nuit. Résultat ? Je somnolais le jour. Ce ne fut pas la meilleure idée de ma vie. Mais oui, avoir une double journée parce que je n’ai pas besoin de beaucoup dormir, c’est un mythe qui m’a parlé.

Dormir, c'est une bonne idée

Sauf que les médecins sont assez formels. Dormir 7h par nuit, c’est plutôt pas mal. Je ne le fais pas toujours mais j’essaie de ne pas me créer une dette de sommeil. Parce que les calculs ne sont pas bons, en fait. Si je ne dors que 4h par nuit, je ne fous rien de l’après-midi, tout simplement. Je pique du nez, j’utilise le peu d’énergie que j’ai à rester éveillée. Donc finalement, sur les 3h que j’ai grappillées sur mon sommeil, y en a au moins 2 consacrées à la bataille contre l’assoupissement. Nul. 

Ne pas dormir grâce à la poudre

Alors nous pouvons supposer que concernant Attal et Macron, puisque c’est la même fable, il y a une part d’embellissement… et sans doute pas mal de béquilles chimiques. Peut-être que si je taquinais un peu la poudreuse, je pourrais, moi aussi, ne dormir que 4h par nuit. Mais si on considère que j’ai les vaisseaux sanguins nasaux si fins que rien que de prendre un long-courrier, je saigne du nez, je vais pas aller m’y coller des trucs abrasifs. Et je ne suis pas certaine qu’une utilisation régulière soit très bonne pour la santé. J’ai pas l’ambition de claquer dans 10 ans d’un infarctus, moi.

Pourquoi glorifier un comportement mauvais pour la santé ?

Ce qui est fascinant, c’est que l’on glorifie à ce point un comportement dangereux pour la santé. Dormir ne devrait être ni un luxe ni une perte de temps. En plus, au vu des discours hallucinés de notre Président, je ne trouve pas que ce soit un exemple à suivre mais passons. Imagine-t-on une telle glorification d’un autre comportement nocif ? Genre la mauvaise bouffe. Oui, n’oublions pas que nous vivons dans un pays bien grossophobe qui trouve legit d’insulter les personnes présentant un bourrelet en mode “go to gym” et autres avis médicaux de la part de gens qui ne sont pas dans la santé. Imaginons qu’Attal soit accro au McDo. Pas juste un de temps en temps pour faire genre qu’il est comme nous. Je suis à peu près persuadée qu’il doit exister une photo d’un Macronard en train de se taper un big mac en mode “je suis une personne normale avant d’être un Ministre”, une connerie du genre. Non, genre, il en mangerait à tous les repas ou presque, au moins un par jour. Est-ce que vous trouveriez ça ok ? En mode “Gabriel n’a pas le temps alors il mange tous les jours un petit Do mac avalé en 10 minutes car il a beaucoup de dossiers à traiter”. Non, personne, jamais.

Etre vaillant au-delà de la compétence

Pourquoi, alors, le sommeil est si peu considéré ? La réponse paraît assez évidente : dans un parti qui adore fustiger les feignasses, ceux qui ne font rien, etc., il faut se montrer vaillant. Vaillant à la française, je veux dire. A savoir que ta valeur ne se mesure pas en efficacité mais en temps qu’il te faut pour faire les choses. En gros, personne ne t’admirera si tu arrives à faire ton travail dans les horaires prévues au travail. Finir à 18h30 comme prévu dans ton contrat de travail ? Pff, c’est un truc de feignasse, ça. Les vrais bosseurs, ils finissent à 20, 22h. Vivent les nocturnes, c’est comme ça qu’on reconnaît les champions.  On vit vraiment dans un pays de crétins par moment… Concrètement, si ma journée de travail ne me suffit pas à accomplir correctement mes tâches… c’est qu’il faut embaucher. Ca ne rend service à personne de trimer pendant 10 ou 12h. La seule personne à qui vous faites un cadeau, c’est à votre patron. Si tout le monde fait ça, c’est deux à trois postes qui disparaissent. Pas sympa pour les chômeurs qui les auraient bien pris, ces postes-là. Le pire, c’est que dans les boîtes où les gens finissaient tard, voire très tard, la plupart ne foutaient rien de la journée. Forcément, si tu commences à bosser à 17h, tu vas avoir du mal à terminer à 18h30…

Le sommeil, à la fois chouchouté et fustigé

A quel moment on a pété à ce point notre échelle de valeurs ? Perso, il me semble que celui qui parvient à faire son travail dans le délai imparti a plus de valeurs que celui qui met 2 ou 3h de plus. Et encore, je dis ça, je ne suis même pas d’accord avec l’utilisation du terme “valeurs” car je n’ai pas envie de donner une valeur aux gens en fonction de leur façon de travailler. Mais surtout, il me paraît “légèrement” dangereux de valoriser ce modèle de peu de sommeil qui crée de réels problèmes de santé. Outre les problèmes de somnolence et de fatigue chronique, on a des sautes d’humeur, difficultés de concentration, maux de tête. Et ça peut aller jusqu’aux problèmes cardiovasculaires. Surtout si tes petites nuits sont boostées par de la chimie...C’est assez étonnant si on met en parallèle l’économie du sommeil qui s’est développée avec tous les matelas et oreillers à mémoire de forme, les simulateurs d’aube, les réveils qui t’aident à t’endormir (oxymore), des gélules à base de mélatonine, des infusions nuits tranquilles… Peut-être que nous, simples humains, avons besoin de dormir alors que Macron et Attal, en surhommes, veillent sur nous, tels les demi- Dieux qu’ils sont.

Dormez au lieu de pulvériser nos conquêtes sociales

De toute façon, vu les propos et les actes de ces messieurs, personnellement, je préfèrerais qu’ils s’offrent plutôt de bonnes nuits. Le surhomme qui ne dort que peu, ça fait longtemps que ça ne me fait plus rêver. Et j’espère qu’on va finir de sortir de ce modèle toxique de start-uppers boostés à la poudre magique qui se crament pendant des années pour produire du vent. Du vent même pas estampillé énergie renouvelable. Un pan assez classique de la masculinité toxique, au passage. Comme quoi, une fois de plus, tout est lié.