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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

“Moi, je bosse 70 à 80h par semaine”, dit le PDG

Publié le 29 Juillet 2024 par Nina in Le travail est une humiliation, Patron abusif, Bourreau de travail

Et spoiler : c’est précisément le problème. Je vais vous raconter l’histoire de Robert. Robert est PDG d'une boîte, une boîte qui tourne pas trop mal. Avec plusieurs centaines de salariés, un chiffre d’affaires correct. Mais Robert est plutôt con. Ravagé par la doxa néo-libérale, il est persuadé que : ses salariés sont des tire-aux-flancs prêts à l’arnaquer et que sans lui, rien ne roule. Alors il bosse. Des heures et des heures. Il met son nez partout, tout le temps. Il n’a pas suivi toutes les évolutions technologiques ou d’usage mais hé, lui, il est patron. Il sait. Et chaque jour, trois démissions atterrissent sur le bureau de la DRH.

Management dictatorial

Robert te voit

Evidemment, toute ressemblance entre Robert et mon PDG actuel serait que purement fortuite. Le fait est que Robert est au four et au moulin. Parfois, quand tu fais des visios avec Paris, tu le vois popper dans la salle pour voir de quoi on parle. Hu ? Car Robert, il veut bien qu’on rigole mais pas trop. Robert, il pense que s’il nous surveille pas, on va en profiter pour ne pas bosser. Genre y a des gens qui sont chargés de vérifier que les gens qui se déclarent en présentiel sont bien en présentiel. Et d’autres qui relisent les timesheets et les modifient si tu n’as pas bien justifié tes tâches. Car oui, il faut justifier la moindre demi-heure d’occupation. Et évidemment, pas de télétravail le lundi ou le vendredi parce qu’on sait bien que tu vas en profiter pour aller à la mer et ne pas travailler. 

Travailler à la plage

C'est ta boîte, pas la mienne

Faut dire que Robert, il est un peu agacé parce que ses salariés, ils ont tendance à faire leurs heures et guère plus. Alors que lui, c’est un bourreau de travail qui bosse deux fois plus que ses petits employés. Point un : c’est ta boîte, Robert, pas la nôtre. Et la différence entre tes revenus et mes revenus peut aussi expliquer pourquoi je m’investis moins que toi. M’est avis que Robert touche bien plus que le double de mon salaire… Et puis, ce n’est pas tout, mon petit Bobby. J’ai appris, parfois à mes dépens, que nul n’est indispensable dans une entreprise et que l’ingratitude et le discrédit peuvent arriver très vite. On a tous dans nos boîtes un salarié qui fut superstar et qui, du jour au lendemain, commence à perdre de sa superbe aux yeux des patrons. Cette personne qui s’est investie corps et âme pour la boîte et qui se fait lourder vers la fin de carrière. Parce que y a une épidémie qui a mis un peu l’économie en PLS, par exemple.

licenciement des seniors en période de crise

Plus tu fliques, plus je gruge

En plus, Bobby, je le sens, que tu ne me fais pas confiance. Quand je dis “me”, je ne parle pas spécifiquement de moi. Tu ne fais confiance à aucun de tes salariés. Ce surflicage provoque deux choses. En un, plus tu me traites comme une enfant, moins je vais avoir envie de me comporter comme une adulte. En somme, plus tu contrôles à la minute près ce que je fais, plus tu peux être sûr que je vais essayer de te voler du temps. Comme le présentiel non négociable y compris en période de JO alors que ta boîte est en plein coeur de Paris. L’intelligence… Moins tu vas être détendu du string sur le télétravail, plus je vais avoir tendance à me la couler douce en présentiel. Parce que oui, m’avoir dans les locaux, ça te permettra de t’assurer que je ne suis pas en train de faire la sieste ou de regarder la télé. Mais ce n’est pas parce que je suis assise à ma place dans l’open space que je travaille. Ton oeil ne voit pas tout, contrairement à ce que tu penses.

Faire semblant de travailler

Je te rends ce que tu me donnes

J’ai un principe : je rends ce qu’on me donne. Et toi, Robert, tu ne me donnes pas beaucoup de love et de confiance. “Ah ben il a raison, Robert, vu que tu dis toi-même que tu essaies de l’arnaquer.” Alors déjà citez-moi quelqu’un qui bosse bien ses 8h par jour mais surtout… le fait de devoir justifier mes activités à la minute près, avec des discours de type “attention, nous arnaquez pas, hein. Ceux qu’ils disent qu’ils mettent deux jours à faire un truc qui se fait en un jour, ça dégage”. J’ai failli mettre un temps en inoccupé avec “pause pipi” en commentaire mais je voudrais une augmentation alors je fais pas trop la conne. Et puis vu la durée de vie des salariés, pas toujours de leur fait, dans la boîte à Robert, oui, je fais attention à pas trop donner parce que je sais que ce ne sera pas réciproque.

s'ennuyer au travail

Tu n'as pas le niveau de tes experts

Mais surtout, Robert, à te mêler de tout, tu étouffes les gens. Tu donnes ton avis sur tout, un avis pas toujours éclairé, et celui-ci ne souffre aucune contradiction. Tu t’agites, tu cries, tu considères que sans toi, rien n’avance. Alors que c’est l’exact contraire. Les gens n’avancent pas car tu les terrorises. C’était exactement cette ambiance-là chez Epicea. Au début, tu arrives avec ton expertise, tu commences à proposer des trucs. Mais tu comprends très vite que ce qui compte, ce ne sont ni ton savoir ni tes compétences. Non, ce qui compte, c’est que tu sois en phase avec le père Gamblois. Alors même que le mec n’y connaît rien à ton domaine d’expertise. Mais lui, il a décidé qu’on devait n’avoir que des visites organiques et ne veut plus payer Google et si tu n’y arrives pas, c’est que tu es nul.le. Parce que tu comprends, le mec, y a dix ans, il était premier sur une marque sur Google, faut qu’on redevienne premier. Même devant la marque elle-même alors qu’on n’a quasi pas de contenus. Je suppose que mon incompétence en terme de vaudou et de magie noire a été un vrai handicap pour ce job.

La wicca

Si Robert s'arrête demain, il ne se passera rien

Mais surtout, on va pas se mentir : si Robert s’arrêtait de bosser demain… il ne se passerait rien. Bon, je suppose qu’il y aurait deux ou trois trucs administratifs à gérer mais en terme de gestion courante des affaires, ça ne créerait aucune perturbation. Si un salarié exé tombait malade demain, ce serait la merde. Si je rejoue le grand sketch de la jambe cassée avec un arrêt maladie de deux mois, ce serait la panade. Parce que y a personne pour me remplacer. Alors que Robert… il a beau bosser 80h par semaine, il ne sert in fine à rien. A part à démotiver ses salariés, finalement. Je ne dis pas que c’est le cas de tous les patrons. Certains ont une vision très claire et savent emmener leurs troupes. Mais là… je crois que le mieux pour le business de ta boîte, c’est que tu lèves le pied, Robert. Maintenant.