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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Une question de soft power

Publié le 17 Juin 2025 par Nina

Ca va vous ? Folle ambiance en ce moment. Entre les avions qui tombent, les missiles qui volent et les catastrophes climatiques à droite, à gauche… Je dis pas que je passe beaucoup de temps roulée en boule dans mon lit à sangloter mais pas loin. Disons que là, j’en suis à me demander pourquoi je m’emmerde à réfléchir à mon avenir pro vu que je serai sans doute morte avant ma retraite. Bonne ambiance. Du coup, aujourd’hui, plutôt que de regarder l’horreur du monde en face, on va la regarder d’un peu de biais et parler soft power. Car toutes les guerres ne se mènent pas à coup de bombes et de fusils. 

Eurovision Israël

L'Eurovision, une scène politique ?

Le 17 mai dernier a eu lieu la finale de l’Eurovision. 37 pays en compétition, 26 en finale. Je vous avoue que j’ai regardé pour la première fois de ma vie car j’étais ultra fan de la chanson de l’Autrichien JJ qui a gagné. Kikeriki ! Oui, c’est cocorico en allemand, ça n’a aucun sens mais ça m’amusait de l’écrire. Une belle fête très LGBTQIA+ avec des candidats souvent queers, des divas très icône gays. Entre le kitsch et la provoc. Cependant, la fête a failli prendre un tournant dramatique. Après les votes du jury vient le vote du public et Israël rafle tout. Au point que sa chanteuse se retrouve première du classement. 1h du matin, ça se joue entre elle et JJ. JJ l’emporte, les fans de l’Eurovision soufflent de soulagement. Les présentatrices aussi je pense vu que la chanteuse israélienne se faisait siffler à chaque apparition. Mais surtout : une finale à Tel Aviv signifiait le boycott de plusieurs pays donc l’Espagne qui fait partie du top 5.

israël utilise l'Eurovision pour étendre son soft power

Une chanson totalement insipide

Alors tant qu’à parler d’Eurovision et Israël, est-ce que les votes ont été truqués ? A ma connaissance non et à mon humble opinion : non plus. Déjà, les votes du public fonctionnent sur le même principe que ceux du jury : tu peux pas voter pour ton pays. Et, parmi les participants, qui bénéficie naturellement d’un effet “diaspora” ? Israël. Tu rajoutes à ça le gros matraquage qui a été fait en amont… Parce que les gens n’ont pas voté pour une chanson, hein, mais bien pour un pays et pour son idéologie. Je veux dire, objectivement, la chanson de Yuvan Raphael ne méritait absolument pas la deuxième place. Pas plus que sa mise en scène, on aurait dit un gala sur la croisière s’amuse. Et pourtant, j’aime les pampilles. Une chanson ringarde premier degré. Alors oui, chacun ses goûts mais entre les prouesses vocales des uns (Autriche, Grèce, France, Albanie, Pologne), la création d’un univers poétique (Suisse, Lettonie, Italie), une icône gay (Espagne, Finlande, Danemark, Malte) ou une chanson rigolote (Estonie, Suède) ou juste des gens beaux (Allemagne, Norvège, Arménie), Israël n’avait rien de particulier à offrir. Et c’est une meuf qui a Netto dans sa playlist qui vous le dit.

Yuvan Raphael à l'Eurovision
Intéressant ce cosplay de corbeau

 

Voter pour Israël, c'est soutenir leur idéologie

Vous allez me dire que l’Eurovision, on s’en fout. C’est juste un concours flingué qui donnera peut-être un tube de dancefloor pour les discothèques de bord de mer. Je mise sur Hallucination et Baller sur ce sujet. Peut-être Lighter parce que les gens pourront crier “No way, no way !”. Sauf que si Israël semble aussi préoccupé par les résultats de l’Eurovision, c’est pour le narratif qui va avec. Déjà, c’est la deuxième année qu’ils jouent plus ou moins directement la carte du 07 octobre. Yuvan Raphael est une survivante du Festival Nova. Après tout, l’Ukraine ramasse un max de points du public depuis 2022 également, année où ils ont gagné, et leur chanson 2025 “Bird of prey” fait référence à la guerre qu’ils subissent. Sauf que la Russie a été exclue du concours, contrairement à Israël qui, rappelons-le, a été reconnu comme Etat génocidaire, il y a un mandat d’arrêt contre Netanyahu pour crime contre l’Humanité… C’est pas une question d’opinion sur un conflit en cours, il y a des faits. Et Israël a besoin de mettre en scène un soutien mondial. Besoin d’affirmer que le peuple, le vrai, le peuple du monde qui n’a pas le micro tendu vers lui, le soutient. C’est exactement le narratif qui est sorti dans la presse au lendemain de l’Eurovision. “Les vrais gens soutiennent Israël, la preuve”. Ah bah moi, je croyais qu’on votait pour des chansons, oups. 

Finale eurovision : JJ attend ses points

Convaincre par la culture que notre vision du monde est la bonne

C’est ce qu’on appelle le Soft power, une guerre un peu plus souterraine qui se mène plus sur le plan de la culture. Donner la sensation d’une masse qui marche dans la même direction. Un exemple de Soft Power, ce sont les Etats-Unis qui dominent le monde par leur culture et par leur narratif. On dit souvent que ce sont les gagnants qui écrivent l’Histoire, les Etats-Unis en sont un excellent exemple. Nous avons une vision du XXe siècle très empreinte de leur lecture de l’histoire avec de nombreux films sur leurs guerres, par exemple. Soit des guerres qui ont existé soit des guerres imaginaires où leur sens du sacrifice va sauver le monde entier. Je parle absolument d’Independence Day qui est un véritable manuel du Soft Power. Il y a tout un pan de la culture américaine qui nous raconte qu’ils sont systématiquement du bon côté de l’Histoire et qu’ils sont là pour sauver tout le monde. Du coup, quand les Etats-Unis commencent à glisser du mauvais côté de l’Histoire, y a comme un bug. Une inertie du “mais non, mais eux, ils peuvent pas être les Méchants de l’Histoire, impossible”. Quel plot twist.

Bill Pullman fait son speech dans Independence Day
Imaginez Trump tenir un discours historique contre les ET...

Une affinité pour certaines cultures

Le soft power est une sorte de guerre culturelle. Parmi les pays qui ont su jouer leur carte, on pourrait citer le Japon ou la Corée du Sud, par exemple. Moi, je me suis totalement faite attraper par la Corée, j’avoue. J’ai regardé pas mal de leurs séries et j’ai bien envie de visiter leur pays. Le Japon, pareil. J’ai lu des kilotonnes de mangas, de romans aussi. J’ai une réelle affection pour la littérature japonaise. Petites recommandations au débotté : 1Q84, même si beaucoup doivent déjà connaître, L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pélerinage ou encore Les mémoires d’un chat. Par contre, ce dernier fait pleurer donc à lire soit quand tout va bien… Soit quand tout va mal mais que vous n’arrivez pas à pleurer. J’ai regardé des animes, des sentaï… J'insiste sur le S pour le dernier... En plus, moi, je suis génération Club Dorothée et je suis persuadée qu’on est la génération la plus japanophile de France. 

Club Dorothée et ses mangas

Des pays qu'on admire alors que quand on creuse un peu...

J’adore le Japon et la Corée alors que niveau politique… c’est à l’absolu opposé des valeurs que je prône. Genre j’adore le Japon alors que je vomis H24 le monde du travail. Ou le népotisme, clé essentielle de la plupart des séries coréennes. Bon, niveau politique, la Corée nous fait régulièrement des petites révolutions mais ils remplacent généralement un·e ultralibéral·e par un·e ultralibéral·e alors bon… Mais vous saisissez l’idée, on se met à aimer un pays par sa culture et on lui pardonne ses excès sur d’autres plans. Moi, par exemple, quand j’étais ado, j’étais une amoureuse inconditionnelle du Canada. Pour le coup, là, c’était la musique qui m’a touchée. Starmania, plus précisément. Le Canada, je peux vous parler pendant des heures du fait qu’ils sont gentils et que c’est le pays le plus doux du monde. Alors que ça reste un pays très libéral, victime de plusieurs attentats masculinistes, qui ne traite pas correctement les peuples des premières nations, enfermés dans des réserves. La montée du racisme pousse certains partis, notamment le Parti Québécois, à tenir des propos de plus en plus nauséabonds. Mais voilà, le soft power, il me raconte que le Canada, c’est un beau pays à la douceur incomparable, le pays le plus gentil du monde. 

Une foule brandit des drapeaux canadiens

Et un peu de pinkwashing pour terminer

Oui, ok, merci pour l’exposé mais l’Eurovision ? Et oui, dès le lendemain du concours, j’ai vu poindre sur les réseaux sociaux un certain narratif. Alors que plusieurs personnes queers se plaignaient de s’être privé d’Eurovision parce qu’Israël continue de participer, tout comme l’Azerbaïdjan sur le même sujet de l’épuration ethnique, je voyais poindre plusieurs comms sur le fait que les LGBTQIA+ étaient gonflés de critiquer Israël qui est le seul pays de la région ouvertement pro LGBTQIA+. Plus que la Palestine. Parce que la Palestine, c’est les Musulmans, tu comprends. Alors oui, il me semble qu’Israël est une destination assez prisée des LGBTQIA+... Enfin ceux qui ont du fric, ceux qui intéressent n’importe quel pays touristique, en vrai. Après, si on en reste sur le plan de la religion, le judaïsme n’est pas plus tolérant avec l’homosexualité que l’Islam… ou la chrétienté, on est tous à égalité là-dessus. Le pinkwashing israélien est souvent dénoncé… notamment par des associations LGBT palestiniennes. Oui, ça existe.  

Pinkwashing israélien

Tout est politique

Bref, une fois de plus, tout est politique, même un concours de chant queer supplément paillettes. Cet article m’a été inspiré par une vidéo de Felicien Bogaerts, super intéressante.


 

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