J’aime me faire du mal. Je le dis souvent, je déteste le monde du travail. Essentiellement parce que c’est un univers profondément injuste et je déteste l’injustice. Même si, comme dirait ma psy “Vous agissez en fonction de vos croyances en un monde juste. Mais le monde est injuste”. Ah bah super. Elle a raison, hein… Bref, quand j’ai croisé le pitch du film “Comme un lundi”, sur une boucle temporelle qui force des personnages à revivre à l’infini la même semaine… de merde, j’ai eu envie de voir. J’ai vu. Et j’ai adoré. Parce que c’est drôle mais surtout que ça parle intelligemment de notre rapport au travail.
Une semaine pourrie qui se répète
L’histoire. Lundi matin, Yoshikawa, jeune salariée dans une petite agence de pub, se réveille. Devant son écran puisqu’elle a dormi au bureau, tout comme la plupart de ses collègues qui s’éveillent à leur tour. C’est parti pour une semaine de l’enfer pour Yoshikawa, une semaine “charrette” où elle doit pondre une foule de concepts créas pour une grande agence de pub. A la clé, pour elle, une promesse d’embauche. Ambitieuse, Yoshikawa est prête à tout sacrifier pour réussir son coup. Elle passe donc la semaine et le week-end au bureau, sacrifiant au passage sa relation amoureuse. Sauf que… cette semaine de l’enfer se répète en boucle.
Remonter la hiérarchie
Alertée par deux de ses collègues, Yoshikawa ignore d’abord leurs élucubrations jusqu’à ce qu’elle réalise. Persuadés que cette boucle temporelle est causée par le bracelet maudit de leur chef, les trois comparses vont devoir convaincre leurs collègues un à un de cette réalité pour qu’ils puissent convaincre leur chef de la réalité de cette boucle.
Quand le boulot prend toute la place dans ta vie
J’avoue que la première scène m’a plongée dans une profonde angoisse. Voir des gens se réveiller le lundi matin au bureau, c’est… mon pire cauchemar. Il m’arrive parfois de bosser le week-end mais déjà, je le fais dans le confort de ma maison. Avec mes chats et mon pyjama. Et quand vient l’heure de dormir, je me couche dans mon lit, sur un vrai matelas. Avec mon mec et un oreiller à mémoire de forme. Mais cette angoisse de la charrette, je la connais. J’ai souvenir d’une semaine comme ça où j’enchaînais les réunions le jour et l’écriture de mes présentations la nuit. Je me souviens avoir tenu jusqu’à une pres qui se terminait vers 11h30 ou midi. Je suis retournée à mon bureau ensuite, j’ai posé mes affaires et j’ai annoncé “si on me cherche, je suis pas là pendant les deux prochaines heures” avant d’aller dormir sur le canapé de la salle de repos. Enfin “dormir”. Ce qui est drôle, c’est que je travaille dans le même secteur que Yoshikawa et ses amis donc je connais ce côté “les clients qui en demandent toujours plus” dans des délais improbables.
Ce que l'on sacrifie pour "réussir"
Le film met donc en scène toute l’absurdité de cette vie de bureau où l’on sacrifie tout ou à peu près. Au fur et à mesure du film, on découvre le background des autres personnages, leur vie entre parenthèse. Celui qui n’ira pas à un concert dont il avait envie car il n’a pas pu acheter les places. Celui qui aimerait voyager mais ne peut pas, celui qui devrait préparer son mariage mais le boulot d’abord… Jusqu’au chef, celui au bracelet maudit, qui arrive à la cinquantaine, la vie pleine de regrets, avec une carrière qui ne lui plaît pas. Evidemment, tout ça résonne en moi. Je ne sacrifie pas tant de choses de ma vie pour le travail. J’arrive à avoir une jolie vie en dehors. Mais il y a quand même des choses qui me parlent. Ce film, c’était, pour moi, un miroir tendu. Je me suis longtemps prétendu être une Yoshikawa car il me semblait qu’il fallait avoir de l’ambition. Alors qu’en vrai, moi, je veux juste avoir un boulot qui s’arrête à 18h et ne pollue pas mes soirées, mes week-ends et mon humeur. Ce qui est déjà impossible en soi mais passons. En résumé, je veux une sorte de planque où j’ai quand même de quoi m’occuper, je vis très mal les bore-out, un salaire confortable. Et du temps en dehors pour vivre.
Un film bizarrement feel good
Comme un lundi est donc un film plutôt feel-good, avec de belles trouvailles scénaristiques et des personnages attachants. J’ai vu des critiques qui le trouvaient longs et répétitifs mais… j’aimerais bien savoir quel est le métier de ces gens-là parce que moi, le côté long et répétitif, c’est un peu ma vie pro. Même si je ne suis pas japonaise donc à ce point asservie à mon job, certaines situations m’ont parlées. Oui, parfois, j’ai envie de secouer Yoshikawa en lui criant “mais c’est pas ça, la vie, tu fais quoi là ?”. Mais l’histoire évolue et je trouve la fin très jolie, douce, apaisante. Et un film parlant de boulot qui me fait sortir de la salle avec le sourire, ma foi… Comment pourrais-je ne pas le recommander ?