… et vraiment, les médias ont grossi l’affaire de ouf. Cet article est là pour vous expliquer pourquoi j’arrête l’actu, cette usine perpétuelle à Fake news car il faut meubler le direct en attendant le rebondissement. Je vais prendre deux exemples vécus : l’explosion de l’usine AZF à Toulouse et le référendum en Grèce suite à l’arrivée de Tsipras et qui disait non à la proposition de l’Union Européenne.
Ces deux événements ont une différence majeure : pour AZF en 2001, il n’y avait ni TNT ni réseaux sociaux donc les infos “en direct”, c’était la radio et la télé. Point important cependant : l’événement a eu lieu 10 jours après le 11 septembre donc la paranoïa est partie très vite. Pour la Grèce, on parle de quelque chose d’un peu plus lointain mais avec les réseaux sociaux. Mais toujours un fort décalage entre la narration médiatique et la réalité observée.
AZF
Ce matin-là, je bossais à la poste de Croix-Daurade, au nord-est de Toulouse, AZF étant au sud de la ville. Je me souviens parfaitement du souffle. J’étais partie à la réserve chercher je ne sais quoi, un papier. Alors que je me remontais un couloir pour retourner au guichet, le souffle est passé, un fort bruit de claquement, des papiers qui volent. Mais je n’ai pas capté, sur le coup, je me suis dit “putain, qu’elle est mal faite cette Poste, c’est pas possible un courant d’air pareil !”. Je retourne à ma place et je vois mon collègue penché par dessus le comptoir pour comprendre ce qu’il se passe. On envisage une explosion de gaz dans le quartier et on reprend nos activités.
Environ une demi-heure plus tard, on apprend la vérité. J’essaie d’appeler une première fois chez moi, bide. Vingt minutes après, j’arrive enfin à choper ma soeur et lui explique la situation. Elle ne comprend rien et se fout limite un peu de moi genre je dramatise. Sauf que j’avais raison : ma mère, de son côté, était en PLS. Parce que des rumeurs commençaient à circuler : c’était un attentat et il y avait eu des bombes à la FNAC et dans le centre commercial St Georges (non). Ma mère m’imaginait déjà enterrée sous les gravats de mon immeuble (qui ne s’est pas effondré, rassurez-vous). Il est vrai que j’ai eu de la chance dans mon histoire. J’avais été appelée en début de semaine pour faire ce remplacement sinon, j’aurais été à la fac du Mirail qui a été sévèrement touchée. Très précisément à la BU de l’UFR d’histoire, là où un mur en tôle faisait désormais un angle droit, déformé par le blast. J’en avais parlé par la suite avec le monsieur qui gérait un peu tout dans l’UFR et qui m’avait dit “on a eu de la chance. A un mois près, les cours auraient recommencé et on aurait eu des morts”. Non, il n’exagère pas, la fac était en carton et les dégâts ont été considérables.
Mais du coup, à Toulouse, la rumeur enfle et ça devient la panique. Les téléphones portables ne fonctionnent plus, les lignes fixes non plus, je me retrouve à laisser un message à un gosse que je ne connais pas de la part de sa mère totalement paniquée. A midi, on descend vers Jolimont (cet article est sponsorisé par Google Maps), on croise des gens avec des masques sur le visage, le flux de voitures se dirige à l’extérieur de la ville. La poste ferme pour l’après-midi, finalement, je me retrouve chez moi avec mon copain et on regarde Télé Toulouse en boucle, on voit l’usine dévastée, les vitrines détruites, la ville blessée… sauf que ce n’est pas vraiment ce que j’ai vu. A l’époque, je vivais à St Cyprien, au sud de la ville. Les seuls dégats croisés : une vitrine et de la poussière tombée du coffre de mes volets. Point. J’ai appris plus tard que des locataires de ma résidence étudiante avaient eu des dégâts, ceux qui avaient eu la fenêtre ouverte au moment de l’explosion. A 16h, une amie arrive à me joindre (le téléphone revient) et pleure limite de joie de m’entendre : je ne suis pas morte.
Alors reprenons. AZF est une tragédie et les quartiers voisins ont été salement touchés. La prise en charge des habitants de ces quartiers a été un véritable scandale, certains ont passé quatre mois sans fenêtre (oui, ça nous amène à l’hiver, bien calculé). Et je persiste à dire que 29 morts au vu du contexte, ce fut un véritable miracle. Mais les médias ont raconté une autre histoire. Ils ont d’abord montré le centre-ville défiguré alors que les dégâts étaient minimes par rapport à ceux des quartiers limitrophes de l’usine (mais quartiers pauvres, on préfère parler du Mirail pour les émeutes de banlieue) et c’est devenu extrêmement rapidement “le centre-ville a explosé” et les rumeurs d’attentat se sont propagées extrêmement vite. Alors le contexte a joué beaucoup (10 jours après le 11 septembre) mais pourquoi, alors que nous avions l’information factuelle (c’est l’usine AZF qui a explosé), d’autres histoires se sont propagées ? L’attentat à la FNAC, je l’ai vraiment entendu de plusieurs personnes ne se connaissant pas.
Faut croire qu’on aime les mouvements sociaux. 2015, nous voici en route pour la Grèce. Alors que nous naviguons sur un ferry qui relie Bari à Patras, nous suivons en direct les résultats. Les Grecs ont dit non. Juste avant de partir, tout le monde nous explique qu’il faut retirer de l’argent avant d’arriver sur place car il n’y avait plus de liquidité là-bas, qu’il y avait une queue de dingue aux distributeurs, dans les pharmacies… le max qu’on ait vu, c’est cinq personnes au distributeur et les pharmacies allaient très bien, merci. Alors, effectivement, le métro était gratuit pour que les usagers gardent leur liquidité (on a cru que c’était à cause de la chaleur) mais en dehors de ça…
Mais ça fait plus vendre les queues au distributeur qu’un référendum qui ne laisse aucune stigmate physique, que voulez-vous. Je suppose que tous autant que nous sommes, nous avons vécu un exemple de ce type, une violente disparité entre la réalité et ce qu’en narrent les médias. Bien sûr il faut vendre. Bien sûr le quotidien n’intéresse personne. Mais voilà pourquoi je décroche. Parce qu’on me vend l’histoire du monde, de mon pays, de mes voisins, comme une série à suspense où, à la fin, on meurt tous. A présent, je ne m’intéresserai à la marche du monde qu'après coup. Sans les passions, les dramas et les erreurs d’analyses ou fake news.
Maintenant, le vrai défi, ça va être d’empêcher l’actu de venir à moi. Et quand on est accro à Twitter comme moi, ça va être un foutu challenge.