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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

La démocratie sacrifiée

Publié le 7 Avril 2020 par Nina in Citoyenneté, Coronavirus, Civisme

 

Hello ! Ca va les confinés ? Ca commence à faire long cette histoire, non ? Allez, on lâche rien ! Normalement, le mauvais temps est venu doucher nos ardeurs de parcourir le monde. Enfin, j’écris cet article samedi et selon mon appli météo, il ne pleut que lundi. Pile pour mon anniversaire. Vraiment, je rentre comme une reine dans ma quarantaine moi… Quarantaine comme 40 ans, pas quarantaine comme confinement. Oui, je perds pas mon humour… Mais ce n’est pas du tout le sujet du jour, on va parler de démocratie sacrifiée. Car tout citoyen que nous sommes, nous sommes surtout une magnifique pâte à modeler dans les mains de nos dirigeants.

Nous sommes de la pâte à modeler
Tous résistants... quand on connaît la menace

Quand j’étais ado voire jeune adulte, le discours préféré de mes camarades quand on parlait de la Seconde Guerre Mondiale, c’était “moi, j’aurais trop été résistant.e, c’est sûr !”. Ce à quoi je répondais “Bah non, tu n’en sais rien”. Evidemment, à froid, on jurerait tous, la main sur le coeur qu’on aurait caché trois familles de Juifs dans notre placard et porté du courrier à vélo de résistants à résistants. Les plus bricoleurs auraient pu imaginer milles sabotages et plasticages du pont. Je ne doute pas de l’élan du coeur de ceux qui déclarent ça. Sauf que la réalité du quotidien est bien plus complexe. Si vous avez le courage, je vous invite à mater “Le chagrin et la pitié”, documentaire de Marcel Ophuls très éclairant sur les années de guerre. Entre les collabos et résistants, il y a la population, celle qui vit la guerre sans vraiment se rendre compte. Ma grand-mère paternelle m’avait toujours dit “la Guerre, on en a toujours fait un grand cas mais en vrai, la seule chose qui nous manquait, c’est le papier”. Curieusement, mon autre grand-mère a toujours haï les Allemands. Je vous laisse deviner laquelle était issue de la grande bourgeoisie et vivait dans une grande ville et laquelle était issue du milieu ouvrier dans une moyenne ville au carrefour de grands axes. 

Paris sous l'occupation

 

Le pire n'arrive pas avec fracas

On croit toujours que le pire arrive toujours dans un grand fracas de bottes. Rien n’est plus faux. On ne passe pas d’une joyeuse démocratie à la pire des dictatures en une nuit. C’est progressif. Et en France, on nous en retire des libertés depuis quelques années, c’est fou. Au nom de notre sécurité, d’abord. Puis aujourd’hui, on lâche la bride des flics au nom de l’urgence sanitaire. Et vous applaudissez. J’en parlais la semaine dernière mais combien de messages violents à destination de “ceux qui traînent dans la rue” malgré le confinement, ceux qu’on veut viser avec des lance-pierres, qu’on veut tatanner… Ce gendarme qu’on célèbre car il admoneste une dame qui est allée acheter du coca. Vous hurlez à la démocratie en permanence mais vous vous réjouissez au moindre abus de pouvoir parce que les mauvais citoyens sont punis.

Punir l'enfant

 

Les autres, ils savent pas se discipliner

Vraiment ? Je vous renvoie à ce petit recensement des abus policiers depuis le début du confinement. Déjà qu’en temps normal, la moindre bribe de pouvoir leur fait péter les plombs, là, on arrive à un niveau… On prétend verbaliser les femmes parce qu’elles vont acheter des tampons, bordel. “Non mais tu exagères, c’est juste un cas”. Non, les cas se multiplient. Forcément, les règles sont peu précises et changent tous les jours. “Vous pouvez avoir votre attestation sur smartphone ! Ah non pardon, recopiez à la main. Et pas de triche, on sanctionne si vous écrivez au crayon à papier ou au stylo effaçable. Et si vous vous éloignez de plus d’un kilomètre de chez vous et que vous restez plus d’une heure dehors”. Je vous jure, quand je suis allée chez le médecin (le MEDECIN) il y a dix jours, à pile 1 km de chez moi, je me sentais telle une Lucie Aubrac. Surtout que j’avais recopié que la ligne médicale mais je devais passer à la pharmacie après et j’ai pas le droit de cocher deux cases sur le formulaire. Un jour, j’écrirai une dystopie sur une société hyper répressive à base de règles absconses ne servant qu’à punir le citoyen et cette histoire de fomulaire y aura une bonne place. Et moi, je suis en bad comme ça alors que je suis blanche… Les racisés, eux, ils sortent, ils se font tabasser.

Policier de dystopie
Plus d'autorité parce que ton voisin est con

Mais il faut dire que les citoyens appellent à ça. Parce qu’on les y encourage, hein. Combien de reportages depuis le début du confinement sur “ceux qui respectent pas”. Sortez dans la rue faire vos courses et observez votre comportement. On scrute ceux que l’on croise pour estimer s’ils ont une raison légitime d’être là ou pas. J’ai envie de jeter des cailloux aux joggers alors qu’en étant attentive quelques instants, oui, ils font une très courte boucle. De toute façon, c’est autorisé, j’ai pas à leur faire la morale. Parce que oui, je ne suis pas meilleure que les autres. Et vous non plus. Quelle audace de penser que vous êtes les seuls à suivre les règles poliment alors que les autres ont besoin de coercition pour le faire. Quelle audace de penser que vous êtes le Bat(wo)man du coronavirus, à veiller sur tous ces gens inconscients. Parce que rassurez-vous : cette personne que vous jugez quand vous la croisez dans la rue… elle pense la même chose de vous. 

Batwoman

 

C'est la faute des citoyens !

Ce récit médiatique arrange bien ceux qui ont failli, ceux qui nous ont prouvé l’échec total de l’Etat dans cette crise. Si la pandémie se poursuit, c’est bien à cause de ceux qui ne respectent pas le confinement, tous ces inconscients dont on nous rebat les oreilles en permanence, ceux qui partent en vacances… ah non pardon… On a cru. Pourtant, si on regarde la Corée du Sud, un des premiers pays touchés, ils ont réussi à limiter la maladie sans confinement… Du coup, c’est bizarre que nous, trois mecs qui ne respectent pas le confinement, c’est la maladie qui explose… Ca n’excuse pas tout. Mais à un moment, arrêtez d’accepter le grignotage de nos libertés sous prétexte que les autres, ils sont pas capables d’écouter. Les autres, c’est vous, c’est moi. En plus, pour le coup, désolée mais les Français RESPECTENT bien le confinement. On est les bons élèves de l'histoire.Même si on achète des cocas ou des biscuits. Mais si ça fait plaisir aux gens de boire du coca, laissez-les. Le confinement est sufffisamment angoissant pour empêcher les petits plaisirs. Surtout que le coca est dans les mêmes boutiques que les “courses de première nécessité” même si je ne sais pas exactement ce que ça veut dire.

Une bouteille de Coca mélangée à du mentos

 

Vous n'êtes pas meilleur que les autres (moi non plus)

Bref, arrêtez de croire que les autres sont moins bien que vous, moins disciplinés. Qu’il faut la force pour qu’ils obéissent. Que vous êtes même prêts à prêter main forte pour aider les plus récalcitrants. Arrêtez de croire que votre voisin est le grand coupable du marasme. Arrêtez d’accepter la division, la destruction lente et méthodique de la démocratie. Vous n’êtes pas meilleur citoyen que les autres et j’ai tendance à penser que lorsqu’il faut arriver au volet punitif pour qu’une population ploie, c’est un échec. Mais la pédagogie des citoyens, ça n’intéresse personne. Si on les laisse croire qu’il sont capables de penser par eux-mêmes... Ils comprendront qu'ils n’ont pas besoin de politiques bien paternalistes qui leur expliquent que, eux, savent très bien ce qu’ils font vs nous qui sommes stupides et ignorants… 

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