Les médias, quel vaste… terrain de jeu ? En tout cas, un objet d’analyse qui ne cesse de me fasciner, dans le bon comme dans le mauvais sens. Surtout le mauvais, depuis quelques temps. Il y a un tropisme qui me laisse particulièrement perplexe, à savoir : le journalisme de gauche. Parce que celui-ci est systématiquement vu comme militant. Donc subjectif et peu rigoureux. Alors je veux bien mais… pourquoi le journalisme de droite ne subirait pas le même travers ? Car, spoiler : l’objectivité n’existe pas et le journalisme de droite est autant subjectif que celui de gauche. Mais les médias étant de droite…
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Un journaliste qu'on dénigre car militant
Est-ce que vous connaissez Taha Bouhafs ? Bon, si vous traînez sur ce modeste blog, je suppose que oui mais au cas où, petit portrait tout à fait réducteur. Pardon. C’est un jeune journaliste qui a pas mal filmé les manifestations et on lui doit notamment les vidéos de Benalla tabassant un pauvre gars sur la place de la Contre-escarpe. C’est aussi lui qui avait tweeté sur la présence de Macron au théâtre Bouffes du nord avec la fin que l’on sait. C’est un personnage assez clivant avec sans doute quelques casseroles au cul. Je me souviens de celle de l’étudiant soit-disant mort lors de l’évacuation de Tolbiac par les flics. Il vient d’être condamné pour injure raciste (lol) envers Linda Kebbab pour l’avoir traitée d’Arabe de maison. Et certains ne se privent pas de lui jeter ces deux histoires à la figure à la moindre occasion. Mais surtout, beaucoup(à droite) le rejettent caaaaaar… il n’est pas journaliste, il est militant.
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Qu'est-ce qu'un journaliste ?
Alors question : c’est quoi être journaliste ? D’un point de vue administratif, on peut dire qu’est journaliste cellui qui possède une carte de presse. De ce point de vue, Taha Bouhafs est journaliste. Indiscutable. Cependant, on ne lui confère pas de légitimité car il est militant. Ici, militant signifie juste “de gauche”. On aura la même sur pas mal de journalistes ouvertement féministes dont les écrits seront retoqués car forcément subjectifs. Alors pourquoi pas, mais… pourquoi ce doute ne frappe pas les gens de droite ? Un journaliste est avant tout un être humain qui a forcément un système de pensées, une opinion. Relater des faits n’est jamais neutre. Un exemple ? Les “crimes passionnels”. En langage féministe, on appelle ça féminicide. Parce que tuer sa femme car elle veut vous quitter, ce n’est pas de l’amour, de la passion ou n’importe quel terme romantique à la con. C’est de la domination, de la possession. Quand on aime quelqu’un, on souhaite son bonheur. La tuer parce que son bonheur est ailleurs, ce n’est pas de l’amour. Dans aucun univers. Or placer ces meurtres dans un cadre sentimental, intime, ce n’est pas anodin. Ca place ces événements dans un univers privé et le rend inéluctable. “Il l’aimait trop”. Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon ou ex compagnon, mais ouais, c’est pas un truc systémique, tu sais… Les mots tuent.
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Les journalistes télé de droite sont des trous du cul
Mes chouchoux, ce sont les “journalistes télé”. Ah non parce qu’on refuse de reconnaître Bouhafs comme journaliste, malgré sa carte, car trop militant mais pardon, peut-on parler de certaines obsessions des journalistes télé ? Des Sonia Mabrouk qui parlent hyper mal à Sandrine Rousseau pour mieux lécher le cul des droitards. Idem pour Nathalie St Cricq qui malmène gratos la même candidate ? D’ailleurs, si vous trouvez que Sandrine Rousseau a été traitée comme n’importe quelle candidate d’une primaire, je vous renvoie à ce très bon article. Je vous jure, je vais écrire un mémoire sur le traitement de Rousseau dans les médias depuis qu’elle a commencé à devenir une hypothèse sérieuse dans la primaire. Tous ces journalistes qui se sont mis à l’agresser, à la traiter de folle, d’hypothèse peu sérieuse… c’est pas du militantisme, ça ? Ah oui, les drapeaux de la cause sont portés un peu moins fièrement. Mais les journalistes ont une vision de la société qu’ils nous imposent. Les féministes exagèrent, les Arabes ne peuvent pas être objectifs, les féminicides ne sont que des accident amoureux, les pauvres abusent des allocs. D’ailleurs, on va te faire 30 reportages de Zone interdite là-dessus. Et quand un Ministre te sort des mensonges sur les télés 4K achetées en masse à chaque rentrée, t’as pas un journaliste qui moufte. C’est être objectif que de se taire face à un mensonge éhonté ?
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L'objectivité n'existe pas
La subjectivité journalistique est partout. Dans les silences choisis, les termes utilisés pour parler d’un crime ou d’une candidate. Les thèmes abordés dans un journal ou une émission, les invités ou les interviewés, ce n’est pas anodin. Christine Kelly est journaliste, ça ne l’empêche pas de donner un temps de parole insensé à un bon vieux facho et de pleurer quand on lui dit que ça va plus être possible. Pujadas oriente les débats de son émission. Donner la parole plus facilement à droite qu’à gauche, c’est donner de l’écho aux idées de droite plutôt que de gauche. Les médias ne sont pas neutres, quoi qu’on nous raconte. On a beau avoir des outils pour garantir le temps de parole… bah déjà, les règles sont déséquilibrées dès le départ pour assurer une très bonne part de voix au parti dominant. Ce qui n’est pas un cadeau pour la LREM car dès qu’ils ouvrent la bouche… les abysses de la pensée. Mais même dans un système déjà peu égalitaires, on ne respecte pas les règles. Les médias se droitisent vitesse grand V, la gauche semble de plus en plus reléguée à quelques humoristes qui balancent deux ou trois punchlines bien senties mais c’est bien peu pour déconstruire le monde peint en permanence par des journalistes de droite nous expliquant que, eux, sont neutres et factuels. Et que ceux de gauche, ils ne peuvent pas être journalistes car militants.
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Gauchiste ou féministe, on refuse de te prendre au sérieux
J’ai parlé de Bouhafs car il me paraît être le cas le plus visible mais ce n’est pas tant de lui que je parle. Je parle de cette tendance flippante de considérer que toute personne qui va tendre le micro à des personnes issues de minorités, que toute personne qui souhaite dénoncer les dérives du pouvoir en place, ne peut être que militant. Donc pas journaliste car il ne se contente pas des faits. Mais personne ne se contente des faits. Et perso, ça me rassure encore de voir qu’il existe encore quelques journalistes à gauche qui ne renoncent pas, qui sont toujours sur le terrain. J’aurais évidemment pu parler de Gaspard Gantz, c’est exactement le même propos. Ou de Rokhaya Diallo. Pourtant, pourquoi seraient-ils moins journalistes que Perico Legasse ? Oui, le mec est journaliste gastronomique, ça l’empêche pas de venir beugler sa haine des pauvres en plateau. Ou Sonia Mabrouk et Caroline Fourest, les pasionaria de la laïcité façon printemps républicain ? On appelle ça islamophobie en langage courant. Ou Pujadas qui a été condamné pour la diffusion du fameux reportage sur le café de Sevran refusant les femmes ? Reportage qui, je le rappelle, a brisé la vie d’un homme ? Ou Eugénie Bastié, Eric Zemmour, Pascal Praud… ? Perso, je trouve que ça donne une bonne image de ce que l’intelligentsia française définit contre neutre vs ce qui est censé être militant. Et ça me fait franchement peur.