En rédigeant mon article sur Méluche, j'ai un peu froncé les sourcils car j’ai mis le doigt sur un phénomène dont je n’avais jamais pris conscience. C’est dans le titre donc pas de suspense : Je suis surprise de ce journalisme de la petite polémique à la con. Avec l’avènement du journalisme web, des chaînes d'infos en direct et son besoin d‘hyperproduction. On va donc écrire un article pour la moindre polémique nulle, le moindre mot maladroit, cultiver le “clash” à outrance. Et encore et toujours la même victime : l’intelligence.
Des articles sur un tweet maladroit
06 septembre 2021, Jean-Paul Belmondo meurt. Oh sad, so sad. Bon en vrai, je ne suis jamais vraiment touchée par la mort des people, surtout quand ils ont atteint l’âge de partir. Ils ne font pas partie de ma famille et de mes proches donc c’est triste pour leur famille mais moi, perso… Du coup, les tweets de randoms personnes à base de “Oh non pas lui” alors que le mec avait quand même 88 ans et était très diminué, vous attendiez quoi de plus ? De la même façon, je trouve toujours un peu ridicule le “RIP obligatoire” de la part des politiques, censés partager l’émoi national. Alors ok, Belmondo fait partie de notre patrimoine mais quand c’est George Frêche qui est parti et que tous les pontes du PS sont venus le saluer alors que… c’était pas vraiment "le meilleur d'entre nous", pardon mais je ris jaune. Et parfois, on se prend un peu les pieds dans ce RIP obligatoire. Comme Sandrine Rousseau (ou son CM mais je ne pense pas) qui a fait un tweet nul qu’elle s’est empressé d’effacer. Le tweet a vécu quoi, 15 minutes ? Et pourtant des articles existent sur le sujet. Nan de Dieu…
Remuer la merde et gagner de la visibilité
Alors Sandrine Rousseau, elle est frappée de la même punition que Mélenchon. Tu n’as pas droit au moindre faux pas parce que les médias, majoritairement de droite, te détestent. Je parle politique mais ça marche pour tout. Ca ne m’étonnerait pas que chaque émission de TPMP génère à elle seule une demi-douzaine d’article vu que l’émission est calibrée pour faire le buzz avec des chroniqueurs chauffés à blanc pour sortir un max de punchlines pourries censées alimenter le débat. Delormeau établit le portrait de ce que devrait être un bon homosexuel ? Des articles et de l’indignation. Je suppose qu’il existe mille autres exemples mais je n’ai ni le temps ni l’envie de me pencher sur TPMP pour le moment. Même si je pense que ce serait un excellent objet d’étude médiatique. Mais je ne consomme pas de drogue donc ce travail-là, je le laisserai à d’autres, plus courageux que moi.
Des faits, un peu, de la polémique, surtout
Aujourd’hui, la sphère médiatique va se nourrir de deux choses, en gros. Les faits, pour commencer, que l’on pourrait définir comme “y a eu une dépêche AFP dessus”. Un tremblement de terre, un lancement de fusée en forme de bite, un meeting d’un politique… Et de l’autre, on a l’actualité “petites phrases, maladresses et polémiques du jour” qui va nourrir le journalisme web mais aussi les chaînes d’info en continu qui, je persiste, rend tout le monde plus con. Par pitié, arrêtez de regarder ça. On relate, on gonfle les trucs mais on ne prend pas le temps de l’analyse. Essentiellement parce que les “experts” des plateaux télés sont des quidams comme vous et moi avec juste plus d’audace pour prétendre avoir une quelconque expertise. Est-ce que je vais en plateau télé en me prétendant experte aéronautique parce que j’ai vu tous les épisodes de “Mayday, danger dans le ciel” ? Ces documentaires m’ont permis de mieux appréhender le sujet. Quand je suis dans un avion, j’ai une connaissance de ce qui se passe. Quand je suis dans un avion lancé à pleine vitesse sur une piste de décollage, je m’amuse à penser “V1, rotation” au moment de l’envol. C’est pas pour autant que j’ai légitimité à aller sur un plateau TV pérorer sur un crash en jetant mes hypothèses. On a tous un ou plusieurs sujets où on a une culture plus importante que la plupart des gens. Ca ne fait pas de nous des experts. On a eu je sais pas combien de polémiques sur la qualité des intervenants sur les plateaux tv des chaînes d’info en direct avec pas mal d’imposteurs mais ça continue. J’en profite pour vous renvoyer sur du contenu intéressant sur la fin de l’imposture Stéphane Bourgoin. Heureusement que certains internautes-Youtubeurs sont plus consciencieux que ceux dont c’est censé être le métier, hein.
Du brouhaha qui empêche de penser
Après, sur les intervenants plateau, ce n’est pas tout à fait une nouveauté non plus. Je vous renvoie à la vidéo d’Usul sur BHL qui avait pour lui d’être un “bon client” pour la télé. Je suppose qu’on pourrait dire la même de son fils spirituel Raphaël Enthoven même si, confession, je ne l’ai jamais entendu parler, je crois. Cependant, on arrive à un brouhaha tel, aujourd’hui, qu’il devient compliqué de garder la tête froide. Je reviens à Sandrine Rousseau que toute la droite déteste avec une violence qui m’estomaque. Lors d’une interview par Charlie Hebdo sur les sorcières, elle sort une phrase de type “je préfère les femmes sorcières que les hommes qui construisent des EPR”. Nan de Dieu, le shitstorm. Ahlala, quelle conne, elle y pine rien à la science, hérésie, brûlez-là. La formule est peut-être maladroite, c’est pas mon sujet. Mais on la fait parler de sorcière, en tant que figure féministe (lisez Mona Chollet), on tire une phrase de son contexte et voilà comment on dresse le portrait d’une candidate écolo qu’on va imaginer à accomplir des rites païens nue à la pleine Lune en faisant cramer de la sauge. Je vous jure, j’ai lu des gens dire “ah, Sandrine Rousseau, elle veut plus de nucléaire car elle aime pas les hommes”. J’arrive pas à savoir si les gens qui disent ça sont juste de mauvaise foi ou complètement cons. Sans doute les deux. Et si vous avez dit ça, ne venez pas plaider votre cause dans les commentaires : je m’en fous.
Exploiter nos réactions pour se faire des sous
Parce que tout le drama est là. Ce “journalisme” de la polémique à la con n’est pas gratuit. Ce n’est pas par plaisir ou par flemme. C’est parce que ça marche. La phrase de Sandrine Rousseau sus-nommée à été RT je ne sais combien de fois, ça crée le buzz, l’engagement. On en a déjà parlé, les médias de type Brut & co en ont fait leur modèle économique. On nous tient par les sentiments. On va chercher à nous faire entrer en affrontement, entre les pro et les anti. Ca marche particulièrement pour Mélenchon où les insoumis sont toujours tout feu tout flamme sur leur hérault, souvent trop. Faudra que je parle du débat Mélenchon-Zemmour, d’ailleurs, qui était une énorme connerie de la part de Mélenchon. Déso, pas déso. Mais j’avoue que quand je vois des gars pérorer sur Rousseau “qui n’aime pas le nucléaire car misandre”, je me retiens de rentrer dans la mêlée. Vraiment. Je me retiens pour deux raisons : la première, c’est que je ne veux pas encourager ce journalisme de la polémique à la con. La deuxième, c’est que la personne qui tweete ça avait, à la base, accès aux mêmes infos que moi mais a refusé d’aller chercher plus loin. A partir de là, quoi que je fasse ou quoi que je dise, je ne ferai que perdre mon temps et mon énergie. Il n’y a pas de voix ou de soutien à aller chercher du côté des gens qui détestent Rousseau. Ou Mélenchon ou même Zemmour. Je veux dire si une personne vient me défendre Zemmour pendant trois heures en essayant de démonter les clichés que j’ai sur le bonhomme, il a 0,00001% de chance d’y arriver. Oui, je mets pas zéro, on sait jamais, un AVC est vite arrivé… La polémique à la con ne sert qu’à nous conforter dans nos axes de pensées. Au pire, on se contentera d’excuser celui ou celle qui s’est plantée.
A qui profitera le crime ?
En attendant, on se noie sous un déluge d’informations sulfureuses mais totalement inutiles qui vont nous pousser petit à petit vers des candidats qui… mmm. Mais moi, je m’en fous de qui a dit quoi, des punchlines des uns et des autres. Je veux voter de façon éclairée car je ne suis pas experte en tout, loin de là. Personne ne l’est. Et à force de faire de nos politiques des personnages d’une comédie grotesque, on va voter pour un individu plutôt que pour son programme ou sa vision. Quoi, c’est déjà le cas ? Certes… mais quand on voit qu’aujourd’hui, la star de la campagne présidentielle, c’est un pseudo polémiste qui ment comme un arracheur de dents pour vous raconter de terribles fables, je me dis qu’on ne fait que récolter que ce qu’on a semé. Et ça va pas aller en s’améliorant. Timur Vermes avait si bien cerné le problème...