Que faire en cas de call out sur votre idole ?

La fermer. Voilà, merci bisous. La semaine dernière, nouveau coup de tonnerre dans la sphère de la vulgarisation Youtube. Léo Grasset, aka Dirty Biology, est un abuseur et même un violeur. Une enquête menée par Mediapart dans laquelle on retrouve des noms très connus de la sphère vulgarisatrice, notamment coté victimes : Manon Bril, Marinette ou encore Passé Sauvage. Et comme d’habitude, on va retrouver la même gamme d’attitude : celles et ceux (mais surtout celles) qui se placent immédiatement du côté des victimes, apportant leur soutien. Et t’as les autres, souvent des hommes, qui vont soit se draper dans leur “neutralité”. Soit ceux qui défendent carrément l’agresseur en mode “mais non, pas lui, pas possible”. Je me suis pas mal énervée sur le sujet et j’ai donc décidé d’en faire un article, histoire de rappeler deux ou trois basiques.

Y a pas de preuves

Aka “la parole des femmes n’a aucune valeur”. C’est purement et simplement ce que vous dites quand vous sortez cet argument. Nous avons ici huit femmes qui témoignent d’avoir vécu des violences psychologiques et sexuelles de la part de cet homme. Dont trois qui le font à visage découvert, je les ai citées plus haut. Et des témoins, masculins et féminins, qui témoignent également en leur nom comme Romain Monté et Arnaud Gantier. Vidéastes qui ont participé au Vortex, web-série de vulgarisation co-créée par Léo Grasset. Et en terme de témoin, on a tous vu Manon Bril sombrer dans la dépression. Bon, faut faire un minimum preuve d’empathie, ici, ce n’est pas donné à tout le monde, hein… Donc en résumé, on a plus de dix personnes qui témoignent de comportements problématiques mais pour vous, y a pas de preuve. Alors quoi, faut se faire salement cogner pour qu’éventuellement, vous reconnaissiez que, peut-être, y a un truc ? Et encore même pas, cf Amber Heard mais on va en reparler. Dans le cas du viol cité dans cette affaire, on est dans un viol “conjugal” et la victime était alors très jeune. Des preuves physiques, il y en a peut-être eu mais il n’y en a plus. Mais restent les récits, effroyablement concordants. Donc point 1 : croyez ce qu’on vous raconte. Ce n’est pas possible de nier la parole de huit femmes juste parce que “y a pas de preuves”. Un témoignage est une preuve. Vous croyez bien sur parole une personne qui va vous raconter s’être fait voler son téléphone à l’arrache dans la rue. Alors qu’au fond, on sait pas, elle voulait peut-être arnaquer l’assurance.

J’ai trouvé l’identité de celle qui veut pas donner son identité donc je le fais pour elle

Alors là, c’est un gigantesque “ferme ta gueule”. Vous n’avez pas le droit de faire ça, point. Curieusement, un comportement très masculin. Tu as deviné qui était Lisa, Billy ? Bravo, tu dois être suprêmement intelligent. Ou alors il y a une faute de Mediapart qui a donné quand même suffisamment d’indices pour qu’on capte très bien de qui il s’agit. Je l’ai compris à la première lecture. J’en ai parlé à mon copain vu qu’on suit pas mal de ces vidéastes là mais je suis pas allée tweeter “et mais Lisa, c’est Tartempionne, en fait”. Non. Parce que Tartempionne veut rester anonyme. Donc j’ai capté de qui il s’agissait, certaines pièces du puzzle ont trouvé leur place mais si elle veut un jour révéler qui elle est, c’est à elle de le faire. Pas à nous. Arrêtez de rajouter de la nocivité. Ce comportement est purement malveillant, surtout si vous vous amusez à la mentionner pour être bien certains qu'elle va voir votre message de merde. Oui, j'ai vraiment vu des mecs faire ça. Ce qui légitime d’autant plus l’envie d’anonymat de Lisa. 

Pourquoi personne n’a parlé avant ?

Parce que personne n’a à dicter aux victimes ce qu’elles doivent faire ni parler à leur place. Ici, en prime, nous avons à faire à plusieurs mécanismes bien vicieux qui ralentissent d’autant la libération de la parole. De un, celle qui a été violée a été systématiquement décrédibilisée par Grasset qui passait son temps à la traiter de folle, de mytho-érotomane ou “psychobitch”. Donc quoi qu’elle dise, personne ne l’aurait crue. Concernant les autres, il s’agit de violences psychologiques sur lesquelles il est parfois difficile de mettre des mots. En vérité, il n’y aurait pas eu le confinement qui a créé une occasion de discussions entre ces femmes tout en l’éloignant, lui, il n’est pas certain que cette prise de conscience aurait eu lieu. Déjà parce que Lisa aurait toujours été mise de côté. Ce sont des processus longs. Et par-dessus ça, chacun deale avec son traumatisme comme il peut. Ce n’est pas pour rien que Lisa témoigne anonymement près de 10 ans après les faits. Il y a un coupable et un seul ici : Léo Grasset. N’allez pas lui trouver des circonstances atténuantes à base de “mais si les victimes avaient parlé plus tôt, il n’aurait pas sévi aussi longtemps”. C’est lui le problème, pas les autres. Ah et notons tout de même qu’Arnaud Gantier a saisi une autorité compétente donc c’est pas parce que toi, qui te délecte de potins sordides, n’était pas au courant qu’il ne se passait rien.

C’est faux. J’ai un pote qu’on a accusé à tort et voilà le drame, quoi

Alors je suis toujours très étonnée que tout le monde ait un pote qui a subi une fausse accusation quand on voit les stats des fausses accusations… 2 à 6%. Un chiffre à relativiser puisque tous les viols ne font pas l’objet de plainte, très loin de là, et que parmi ces “fausses accusations”, on a aussi les personnes qui retirent leur plainte. Pas parce qu’elles ont menti mais aussi parce que c’est parfois peine perdue. C’est marrant cette espèce de légende des fausses plaintes, d’une société entière qui soutient les victimes et condamne fermement les coupables. Même quand y a pas de preuves, même quand c’est faux. Quand on voit la gueule de notre gouvernement, on se rend immédiatement compte qu’il n’y a aucune tolérance vis-à-vis des violeurs… Pareil pour notre sphère artistique, médiatique… Vu comme on ne donne aucun poids à la parole des femmes, je suis vraiment stupéfaite de tous ces gens qui ont vécu de tels dramas. Surtout que pour les femmes, il n’y a aucune conséquence à se révéler victime de violences sexuelles, à être montrée du doigt comme une potentielle menteuse. A être marquée pour toujours de la stigmate “a été violée”. Non, bien sûr… 

Et Amber Heard, tout le monde l’a crue alors qu’elle a menti

J’ai fait tout un article là-dessus mais Amber Heard a été condamnée pour diffamation. Plus précisément : la Cour lui a intimé l’ordre de se taire car elle nuisait à la carrière de son ex. Alors que son alcoolisme et ses manquements à lui, non, vraiment, aucune incidence sur sa carrière. Elle est quasi bannie d’Hollywood mais ok, c’est lui la victime. Et lui aussi a pris une condamnation pour diffamation quand il a dit qu’elle mentait sur les violences conjugales. Donc non, Amber n’a pas menti. Par contre, notons qu’une fois de plus, les féministes avaient raison en voyant ce procès comme une pure catastrophe. Qu’à chaque accusation de violence sexiste et sexuelle sur quelqu’un d’un peu connu, on sortirait la carte Amber Heard aussi sec. Bah, oui, les crétins, c’est fortement prévisible. Malheureusement.

Tant que la justice n’a rien dit, ça n’existe pas

Alors on va être très clair : c’est un argument de merde. De un : la présomption d’innocence. Elle ne prévaut que dans un cadre juridique précis. N’étant ni juge, avocate ou jurés et pas journaliste non plus, je dis ce que je veux. Cette présomption ne me concerne pas. Donc oui, même s’il n’y a pas condamnation juridique, je dis que Léo Grasset est un violeur, tout comme Darmanin ou Abad. Cette posture de pseudo-neutralité est quand même bien pratique. “Ah bah moi, je vais pas condamner un mec si la justice le fait pas”. Ben oui, y a pas de preuves, comprenez, juste huit victimes et des témoins. Sauf qu’ici, il n’y aura pas de justice puisqu’il n’y a pas de plainte. Et quand bien même ? Des erreurs judiciaires, ça existe. La justice, c’est pas Dieu qui vient susurrer la vérité à un juge. Ce sont des débats, des témoignages, contradictions, etc. Souvent, un innocent va finir en tôle s’il ne paraît pas sympathique aux jury alors qu’une personne brillante qui s’exprime bien sera innocenté ou écopera de peu. Autre point : tout mettre dans les mains de la justice, c’est en méconnaître totalement les rouages. Cf les affaires PPDA ou Darmanin où les affaires ont été classées sans suite. Prescription ou manque de preuves. Oui, souvenons-nous que la parole des femmes ne vaut rien donc : pas assez de preuves. J’ai pourtant lu des sms assez édifiants du père Darmanin mais passons. Est-ce que la justice les a déclarés innocents ? Absolument pas. Est-ce que les pro-violeurs considèrent que si ? Absolument ! Donc se référer à une décision de justice, c’est juste pure lâcheté. Point. 

Tout ça, c’est un complot

Un complot de qui et pour quoi ? Vraie question… Y en a plusieurs qui témoignent anonymement donc je ne vois déjà pas ce qu’elles ont à y gagner. Et en vrai, je ne vois pas qui pourrait gagner quoi dans cette histoire. Grasset est un vulgarisateur qui a du succès, certes mais sur Youtube, ça ne fait pas d’ombres. Je regarde pas mal de vulgarisateurs et des vidéos de 15-30 mn en moyenne, je peux m’en enquiller une bonne vingtaine par semaine donc je suis pas à une ou deux près. Au contraire, je suis toujours à la recherche de nouvelles pépites. Et pour les partenariats, on voit toujours les mêmes sur absolument toutes les chaînes. Donc je ne vois pas à qui profite le crime, vraiment. Quant au délire de l’ex qui veut se venger, on a huit ex ici. Ca fait beaucoup pour juste une mesquinerie… Surtout quand des relais comme Monté ou Arnaud sus-cités viennent en rajouter une couche. Venez m’expliquer quel serait leur intérêt, à eux ?

Dans le doute, ferme ta gueule

En vrai, ce qui me fait vriller, outre le fait qu’on me rappelle une nouvelle fois que la parole des femmes ne vaut rien, c’est le manque total d’empathie. On a regardé la vidéo de Mediapart sur le sujet et les larmes de Manon Bril, mon Dieu, j’avais tellement envie de tout casser. On avait face à nous trois femmes en souffrance, une quatrième qui n’ose même pas donner son vrai nom mais vous vous permettez de commenter comme s’il s’agissait de la dernière course du tiercé. De donner votre avis comme si vous saviez quoi que ce soit. De mettre sur un même pied la parole d’une dizaine de personne et celle d’un mec… qui n’a rien dit d’ailleurs. Cette volonté de toujours nier l’existence des violeurs, c’est fou. Non, un violeur, c’est pas juste un déséquilibré dégueulasse dans une ruelle sombre. Et même quand c’est le cas, suffit que le mec soit champion de natation pour qu’on considère que c’est pas si grave. En mettant dos à dos victime et coupable, vous donnez sans trembler un blanc-seing à un putain de violeur. Une twitta avait dit un jour “à choisir, je préfère croire une potentielle menteuse qu’un potentiel violeur”. Votre solidarité masculo-cracra remonte automatiquement à la surface dès qu’on parle de ça, c’est fou. Mais oui, les hommes violent. Les hommes abusent. Et me répondez pas que les femmes aussi. Les femmes n’ont pas tout un système derrière elle qui vient automatiquement amoindrir les accusations parce que bon, on sait pas. Une femme n’a jamais le droit au doute, à votre fameuse “présomption d’innocence”. La preuve, vous n'avez aucun mal à sous-entendre que ce sont des menteuses...

En cas de doute : taisez-vous

Donc on résume : quand une femme a enfin le courage de parler d’une agression sexuelle ou psychologique dont elle a été victime, fermez-là. C’est déjà assez difficile comme ça. Chacune de vos paroles qui amoindrissent les faits voire les remettent en doute font que les victimes ou futures victimes se taisent. Et en plus, vous avez assez de culot pour leur reprocher ensuite de n’avoir rien dit. Le système protège les violeurs pour peu qu’ils ne ressemblent pas au violeur déséquilibré, pauvre et de couleur. Et si vous avez sorti un seul des arguments sus-nommé, vous en êtes un rouage zélé.