Titre maladroit mais ça m’obsède, de plus en plus. Je parle ici régulièrement des épouvantails médiatiques que l’on nous brandit, tout ce qui est “les wokes tarés qui veulent nous empêcher de faire des blagues racistes”. A peu près. Le danger woke est surtraité par les médias alors que le danger réac, lui… Pourtant, aux Etats-Unis, ce ne sont pas les wokes qui ont fait faire un bond de 50 ans en arrière. Non. Et je me sens vraiment démunie face à ce backlash. Et ceux à venir.
Un arrière-goût amer au Metoo
L’Histoire n’est souvent qu’une suite d’avancées sociales puis de retours en arrière, j’avance, je recule, etc. Vision très schématique mais je suis pas là pour faire un cour d’Histoire étayée. Bref, après les années Metoo, on savait que le Backlash allait arriver. Le Back quoi ? En gros, le revers de bâton. La parole des femmes s’est libérée, les conservateurs étaient sur les dents. Ca donne la présidence Trump ou le sacrifice d’Amber Heard, par exemple. Et désormais le droit à l’avortement. Comment on a pu en arriver là, ça me donne le vertige. Je n’ai jamais eu une grande estime pour les Etats-Unis, pays que je trouve globalement bien trop imprégné de religion pour être réellement progressiste. Ah mais oui mais lui, il est dans le camp du bien donc on accepte. Après tout, un pays où le Président jure sur la Bible, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? Un pays où on reproche à un Président d’avoir menti mais pas d’avoir profité de son pouvoir pour coucher avec une jeune stagiaire… D’ailleurs, on en est où de Clinton qui prenait le Lolita Express d’Epstein ? Quoi ? Rien… ah ok. Bref, j’en viens à me dire que si Weinstein et Epstein sont tombés, c’est juste que ça arrangeait qu’on les dégage. Pendant ce temps, les Woody Allen, Roman Polanski, Kevin Spacey vont très bien merci. Et les carrières des actrices mises au ban par Weinstein de type Rose McGowan, Mira Sorvino, Linda Fiorentino… restent au point mort. En France, on peut citer Adèle Haenel qui a finalement décidé de mettre fin à sa carrière. L’arrière-goût du Metoo est bien amer.
Les ultra-conservateurs ont la voie royale
On se fait baiser par les ultra-conservateurs. Et en France, la moisson a été très bonne cette année. 89 députés RN. Quatre-vingt neuf. Quelle douche froide… Le pire, c’est que certains LREMo-droitards se régalent de voir les gauchistes faire la gueule. Mais les gars, ce sont vos droits autant que les miens qui sont menacés. L’odeur de merde, elle nous touche tous. Si l’élection de Trump nous a prouvé une chose, c’est que le fascisme arrive très facilement au pouvoir. Même avec un mec médiocre et relativement débile. On s’est bien amusés à se moquer de la mère Le Pen qui est archi-nulle en débat mais elle reste profondément dangereuse. Et ne croyez pas que le pire a une date de fin. Trump est parti il y a un peu plus d’un an et demi. Après, je le rappelle, une tentative de coup d’Etat. Un an et demi plus tard, les Américaines vont payer directement le prix de cet épisode fasciste et on est loin d’en avoir fini. La Bête est venue et a souillé.
Marine est sympa, Jean-Luc est méchant
Marine Le Pen, justement, parlons-en. Je ne vais pas m’étaler 107 ans sur le storytelling médiatique autour d’elle, on le connaît. Oh les chats, oh la pauvre empesée par l’héritage familial. Mais en vrai, elle est sympa, c’est Karine Lemarchand qui le dit. En parallèle, on a l’ogre Mélenchon, le méchant qui crie et mange des enfants. A peu près. Autant je suis saoulée par certaines fulgurances du monsieur, j’ai pas super kiffé la campagne “Mélenchon Premier Ministre” vu que je ne suis pas fana de la personnification du pouvoir. Mais je vois très facilement la différence du traitement entre les deux personnes. S’il le faut, Méluche aussi aime les chats. Peut-être qu’il est très sympa “en vrai”. Il est cultivé, passionné et je pense qu’il peut être très drôle. Mais non, les médias, ils ne veulent pas d’un Mélenchon sympa. Parce que la bourgeoisie dirigeante, dans son éternelle morgue, pense pouvoir composer avec une opposition RN, la canaliser. Le danger, c’est l’anarchisme de gauche, aaaaaah. Résultats : 89 députés RN. Oui parce qu’on a bien rigolé de la déroute Reconquête (moi la première) mais on avait juste oublié le RN qui s’est bien fait oublier le soir du Premier tour et plof. On n’oubliera pas de souligner la responsabilité de LREM qui a bien pris soin de ne pas appeler au barrage républicain. Le prochain qui me dit qu’il est de gauche et LREM, je lui vomis sur les pompes.
En France, l'interdiction n'arriverait jamais, enfin...
Depuis que la terrible nouvelle est tombée, je vois pas mal de tenants de l’extrême-centre se réjouir de vivre en France, pays formidable où jamais un tel retour en arrière pourrait arriver. J’enrage. Au nom de quoi ça n’arriverait pas, en fait ? Analysons froidement la situation. Votre champion a tout fait pour se retrouver face à la Le Pen au second tour pour bénéficier du barrage républicain. Barrage qui a été refusé aux candidats de la Nupes. Clairement, l’ennemi en France, actuellement, c’est la gauche. Et non, arrêtez avec le fantasme d’une extrême-gauche anarchiste et islamogauchiste ou je ne sais quoi. A part prouver votre inculture et votre forte capacité à répéter bêtement ce que vous avez (vaguement) entendu, ça n’avance à rien. La France dérape chaque jour un peu plus vers cet ultra-conservatisme. La boussole démocratique est rendue folle, les gens ne votent plus et on se retrouve avec 89 députés du RN. Et le parti du Président qui explique sans trembler qu’ils ne voient pas trop le souci à collaborer avec le RN. Alors que la Nupes, berk berk. Les rouages se mettent en place tous seuls, vous voyez ?
Je veux faire bouger les choses mais comment ?
Et je tremble de colère. Et de peur aussi, un peu. Pas tant pour moi. La fin de ma fertilité n’est plus si loin. Mais quel avenir pour mes nièces par exemple ? Je refuse de toute mon âme qu’elles aient moins de droits que moi parce que la gauche a été tellement ostracisée qu’on continue à courir à droite toute, jusqu’au pire. Je refuse qu’elles perdent des droits juste parce qu’on convainc les gens qu’ils sont cons et qu’ils ne comprendront jamais rien à la politique donc qu’ils votent comme on leur dit, c’est plus sûr. Comment on reprend la parole ? Comment on change la donne ? Et j’en reviens exactement au même point que 2017, finalement. Pour les mêmes raisons. Je ne veux pas être complice de ce glissement vers le pire par pure inaction. Je n’ai pas aimé mon expérience politique mais peut-être que via des associations ? Que faire de plus, que faire de mieux ?
Si vous avez la réponse...