Je pourrais m'arrêter au titre parce que tout est dit. Mais on va détailler un peu parce que y a toujours un truc qui m'échappe. Récemment, Ibrahim Maalouf a été écarté du jury du festival de Deauville parce que ce monsieur a une casserole au cul : il a été plus qu'ambigu avec une jeune fille de 14 ans. Si les versions ne concordent pas, Maalouf a tout de même qualifié sa propre attitude de nauséabonde. Avant de clamer partout que la justice avait prouvé son innocence alors qu'elle l'a juste relaxé en appel, "faute de preuve". Et évidemment, on a les Christian “Rohlala, c'est bon” qui débarquent pour sous-entendre que c'était consenti. Même si c'était le cas, j'ai envie de répondre “et alors ?”. Un adulte ne devrait pas entamer une liaison avec un enfant même si celui-ci semble en demande.
On n'est pas consentant à 14 ans
Discussion avec des amis cet été. Il y a eu rififi au collège de leur fille car un professeur a eu une love affair avec une élève et apparemment, l'affaire est en cours de traitement. “Lui, il dit que c'était consenti. Imagine, s'il est innocent…”. Moi “il est pas innocent puisqu'il y a eu liaison”. Les calculs sont simples. Un adulte ayant autorité sur une jeune personne : pas de relation. Même si elle est consentante. On peut déjà se questionner sur la nature du consentement. Je vous renvoie à Vanessa Springora. Les enfants cherchent l'attention de l'adulte, surtout un incarnant l'autorité. Relisez Lolita. Vraiment, hein, pas juste en pensant que c'est un roman pédophile. Lolita est dans un rapport de séduction avec Humbert Humbert mais un rapport de séduction enfantin. C'est-à-dire que quand Humbert Humbert lui impose un rapport sexuel, elle pleure. Parce qu'elle ne savait pas ce qui l'attendait car c'est une enfant. Même s'il semble qu'elle ait joué à touche-pipi avec un camarade de colo, elle n'avait pas notion de ce qu'était la sexualité adulte.
Dire non aux désirs confus des enfants
L'un des meilleurs textes sur le sujet qu'il m'ait été donné de lire est un témoignage de Sophie Fontanel. Alors qu'elle avait 12 ans, elle était entrée dans un jeu de séduction avec un ami de son père et qu'elle avait profité d'une sieste collective pour l'enlacer. L'homme l'avait gentiment remise à sa place d'un simple mot. "Stop". Voilà. Simple, basique, comme on dit. Une enfant de 12 ans n'a pas la maturité de concevoir une relation adulte. Pas plus à 14 ans ni même à 17, surtout avec une personne qui a un lien d'autorité avec elle. Et oui, c'est pareil pour Brigitte et Manu, j'anticipe les comms merdeux.
Pourquoi te foutre gratos dans la merde ?
En vrai, c'est très simple : pourquoi se jeter dans une relation qui te foutra potentiellement dans la merde ? Il n'y a aucune règle dans l'univers qui t'oblige à ça. Pourquoi tout le monde semble convaincu qu'il faut concrétiser toutes les relations ? Quitte à prendre un air pincé ensuite en mode “j’ai pas pu résister”. On parle pas d’un bout de gâteau au chocolat. Vous savez, dans votre vie, je suis à peu près persuadée qu’on a tous dans nos placards des tas de relations qui ne se sont jamais concrétisées. Parce que vous n’avez pas capté la possibilité, parce que l’un de vous n’était pas disponible, parce que vous n’avez pas tenté. Et c’est pas grave. Pour ma part, il y a eu des situations où je me suis demandée si y avait moyen de moyenner mais j’ai jamais eu la réponse. Sur ces relations potentielles, mon seul regret aujourd’hui est de ne juste pas savoir. Même si, au fond, je sais pas bien ce que je ferais de cette information.
“Hé, tu m’as désirée y a dix ans ?
- Ouais.
- Ah bah, c’était réciproque. Tant pis. Bonne continuation !”.
Toutes les relations n'ont pas vocation à exister
Toutes les relations n’ont pas forcément vocation à être concrétisées. C’est exactement ce qui m’horripile dans la drague de rue, ce sentiment d'urgence qui justifie tout. “Mais si j’avais pas tenté, j’aurais pas su”. Le fait que la personne que tu abordes marche rapidement, ne te calcule pas, voire évite ton regard, est carrément une réponse. Juste que tu ne veux pas l’entendre. Des personnes que je trouve belles et attirantes dans la rue, j’en croise régulièrement. Et ça en reste là. Déjà parce que je ne sais rien d’elles et que, s’il le faut, ce sont des êtres humains effroyables que je vais détester au bout de 10 minutes de conversation. Oui, ça peut paraître idiot mais j’ai pas forcément envie de me mélanger avec des mascus, suprémacistes, anti-LGBT ou je ne sais quoi. A un moment, on peut admettre que toutes les relations n’ont pas vocation à être explorées. Toutes les occasions à être saisies.
L'attraction physique est anecdotique
Respectez-vous un peu. Une attirance physique n’est, in fine, rien ou si peu de choses. Comprenez-moi bien : je ne suis pas en train de jouer les mères la Morale en mode “le sexe, c’est mal, abstenez-vous”. Je dis juste qu’à un moment, faut savoir jauger les circonstances. S’assurer que tout le monde est parfaitement consentant et conscient de ce qu’il va se passer. Et idéalement, on fait en sorte d’être certain·e que le consentement est là de bout en bout. Par exemple, mon propos pourrait sonner très “ne trompez pas votre conjoint·e juste parce qu’une personne vous titille le désir”. Non, dans l’absolu, je m’en fous de ce que vous faites et avec qui. Cependant, si vous vous lancez dans une relation adultérine avec une autre personne, assurez-vous bien qu’il n’y a pas de doutes, pas de promesses qui ne seront pas tenues. Le consentement, c’est pas juste une histoire de sexe, voyez. C’est bien de ne pas essayer d’arnaquer une personne pour lui faire écarter les cuisses.
Une relation déséquilibrée ? Fuis
C’est pareil sur des personnes sur qui vous avez un pouvoir, quel qu’il soit. Evidemment que, sur le papier, il est grisant d’être la favorite du Roi. J’utilise le féminin car la norme, ça reste quand même un homme de pouvoir ou d’influence et une jeune femme. Après tout, on apprend plus tôt aux filles à plaire aux adultes, à quémander leur reconnaissance, d’une façon ou d’une autre. Le syndrome de la bonne élève est quand même bien corrélé à un genre en particulier… Les jeunes garçons peuvent être victime d’adultes prédateurs, bien évidemment. Matzneff n’était pas regardant quant au genre de ses proies. Mais cette dynamique d’un adulte avec un ado concerne un peu plus les jeunes filles. Parce que syndrome de la bonne élève, parce que les filles doivent être plus matures que les garçons. Ca aussi, le chantage à la maturité est un gros levier des prédateurs. Bref, dans une relation entre un adulte et un ado, il est évident que les perceptions ne sont pas les memes et qu’il n’y en a qu’un des deux qui a suffisamment de vécu pour dire stop…
Arrêtez de dire que vous ne pouviez pas être raisonnable
Et ce serait bien de le faire. Parce que même si cette jeune fille de 14 ans a l’air de maîtriser la situation et sa séduction, rien n’est moins sûr. Et puis il existe suffisamment de personnes majeures, sans aucun lien hiérarchique ou rapport d’autorité, et parfaitement consentantes, pour éviter de s’embarquer dans une liaison qui vous mettra irrémédiablement dans la merde. Nul doute que vous le saviez mais que vous vous êtes cru intouchables. Mais arrêtez de raconter qu’il était impossible d’être la personne raisonnable de l’histoire...