Ce qui fut étonnant chez Epicea, ce fut la hiérarchie. On était une trentaine de salariés au siège mais ça se déclinait fort en N++. J'ai jamais saisi la pyramide exacte mais je crois que M. Gamblois le pdg était genre mon N+4. Ridicule. Bref, peu après mon arrivée, j'apprends que le recrutement d'une directrice e-commerce allait être bouclé. Ok mais du coup, si y a une directrice e-commerce qui arrive, Claire, c'est qui exactement ? Ah, elle a tenu le rôle par interim mais ce poste n'était pas pour elle. Ok mais elle a pas l'air super au courant de ça, en fait. Ca sent encore la toxicité par ici ! Mais revenons à cette nouvelle directrice car ça va pas mal rebattre les cartes.
J'attendais le messie
Fin novembre, ça fait donc deux mois et demi que je suis arrivée et que je déteste farouchement la direction. Ma colère initiale contre Claire qui ne nous a pas défendu pour le confinement s'apaise un peu. Surtout qu'on travaille pas mal de concert et on forme un bon binôme. On s'apprend mutuellement des choses et ce sont des moments que j'apprécie particulièrement. L'équipe se délite un peu avec le fort télétravail et les inimitiés des uns et des autres. J'attends beaucoup de cette nouvelle directrice. De un qu'elle resoude tout ça et de deux, qu'elle s'impose un peu face à Gamblois. Les informations filtrent peu à peu, on apprend qu'elle vient d'un très grand groupe de luxe. Déjà, je fronce les sourcils ; qui quitte un tel groupe pour venir chez Epicea ? Elle travaillait sur une marque en particulier sur laquelle une ancienne agence avait beaucoup collaboré. Quand j'attrape enfin son nom, je demande à mes ex-collègues si ça leur parle : chou blanc. Ok, y a un loup.
Une première mauvaise impression
La veille de notre rencontre, Claire me lâche son prénom au détour d'une conversation. Antoinette. Claire était là pour son premier jour, je suis un peu le relais pour le second. A peine ai-je quitté la conversation Teams que je fonce sur LinkedIn trouver cette fameuse Antoinette et je dois avouer que sa tête ne me revient pas. Mais c'est nul de juger les gens sur le physique et l'équipe est en train de crever donc j'essaie de rester positive. Le lendemain matin, j'arrive sur place. Je m'offre toujours un petit tour du quartier histoire d'aller voir les fleurs pour me donner un peu de force. Je sais, c'est bizarre mais j'avais besoin de toute la plénitude du beau possible pour affronter cette boîte. Je passe par l'arrière du bâtiment et je vois une femme sortir du parking. C'est elle. Je sais que c'est elle mais elle ne sait pas qui je suis. Je ralentis pour passer derrière elle et observer un peu. Quand j'ai su que notre nouvelle directrice venait d'un grand groupe de luxe, j'ai eu quelques frayeurs. Je suis pas luxe du tout, moi. Mais elle non plus, en fait. Si je viens travailler habillée en "casual", elle, elle vient en pyjama... Et ça me rappelle une ex directrice d'une ex agence qui avait à peu près la même dégaine et était payée très cher pour faire très peu. Je sais qu'on doit pas juger sur le physique mais là, je le sens pas.
Un peu à côté de la plaque
J'arrive donc quelques minutes après elle, je me présente et je n'ai plus grand chose à raconter à ce niveau-là sur son arrivée. On a beaucoup de travail avec Black Friday, Noël et la sortie du nouveau site prévu pour janvier. Sortir un nouveau site en janvier, est-ce une idée à la con ? Bah si on considère que le site est sorti fin juin, finalement... Bref, on essaie de faire notre taf comme on peut et je sens qu'Antoinette ne va pas nous faciliter la tâche. Oh non. Elle pose des questions et c'est sain. Sauf que je la sens un peu à côté de la plaque. Genre elle s'obsède sur les réseaux sociaux qui sont faiblards et ça va pas. Alors oui sur les chiffres et l'engagement mais on n'est pas une marque affective, comme celle pour laquelle elle travaillait avant. Tu peux pas t'attendre aux mêmes résultats quand tu bosses pour Ferrari ou pour une trottinette non électrique, si je devais faire une comparaison. Et évidemment, qui dit réseaux sociaux dit "mais Nina, elle a bossé longtemps sur le sujet, elle pourrait reprendre". Ah mais ce truc, c'est comme un chewing gum sous ta semelle, faut s'accrocher pour faire partir.
Brasser de l'air en quantité faramineuse
Bref, elle arrive et commence à s'agiter beaucoup pour produire beaucoup mais alors beaucoup de vent. Les premières réunions sont lunaires. Elle propose des tas d'idées peu abouties. Des idées qui auraient pu me plaire. Il y avait notamment une idée de box qui, bien pensée et bien travaillée aurait pu être intéressante. Non parce que j'aime pas trop les boxes mensuelles parce que c'est du gaspillage neuf fois sur dix. Je vous dis pas tous les petits cosmétiques que j'ai jetés car je m'en servais pas. Mais une box pour un événement précis, là... Mais bon, cette idée de box, elle est partie comme elle est venue. Il faut faire ci. Non on va faire ça. Et les promos, on est sûrs ? On peut pas faire un truc un peu plus original pour Black Friday que juste Black Friday ? Ca, c'était le grand truc : trouver comment surfer sur les grandes périodes promotionnelles en faisant différent. Mais Joséphine, les gens s'en foutent de tes concepts, ils veulent juste du discount. Je suis pas certaine que les 11% qu'on avait fait pour une promo en novembre, ça les ait transcendés. Bref, beaucoup de temps perdu pour du vide. Et encore, quand le père Gamblois ne s'en mêlait pas parce que pour nous torpiller une promo et faire chuter les résultats, c'était le Roi. Mais c'était forcément ta faute.
Le début de la fin
Bref, mes espoirs d'un mieux retombent comme un soufflé. Cette meuf ne sert à rien, je comprends bien qu'elle ne pine rien en e-commerce et je doute qu'elle reste bien longtemps. Mais en plus de ne servir à rien, elle fait couler peu à peu Claire... Et ça, ça m'emmerde prodigieusement. A suivre.