Je déteste le purisme militant. Je le déteste quand il n’a pas de fondations solides et qu’il sert de posture. En mode “alors pardon mais je suis beaucoup plus féministe que toi”. Vous pouvez remplacer féminisme parce que vous voulez parce que ça marche avec tout. Et en ce moment, la cible préférée des “vraies” féministes, c’est Barbie. Le film. Parce que franchement, c’est pas si féministe que ça, hein. Nous, on sait. Alors autant je suis la première à dire que c’était du féminisme très gentillet, autant on va redescendre un peu.
Une idée un peu bizarre ?
Si je devais résumer le brouhaha médiatique autour de Barbie, je le poserais en trois étapes. Avant la sortie : blagues sur Barbenheimer, Margot Robbie en rose bonbon, promesse d’un film féministe. Ce qui m’intriguait pas mal parce que ma première réaction quand j’ai vu la première bande annonce qui avait mis tous les putters sur “la vie rêvée de Barbie”, c’était vraiment : c’est quoi cette merde ? Puis y a eu la deuxième bande-annonce et j’ai cru à une sorte de film nihiliste qui me faisait grave envie, l’épopée de Barbie dépressive au pays du Bling-bling. Ah, non plus. Et finalement, j’ai eu affaire à un film très feel good à base de recherche d’identité, sororité et un soupçon de moquerie sur les stéréotypes de genre. On n’était pas loin d’un Sex and the city dont on aurait enlevé le sexe pour le remplacer par encore plus de fashion.
Girls wanna have fun
Puis on est passé sur la phase 2 qui mêlait retours enthousiastes, bonne humeur et chiffres record. Mais voici que vient la phase 3 que j’appellerai “les vraies féministes viennent expliquer que Barbie, c’est pas féministe, pfff”. Alors dans l’absolu, pourquoi pas profiter du film pour prendre la parole sur certains sujets mais pourquoi ça sonne toujours comme un “moi, je sais ce qu’est le féminisme, pas vous”. Surtout quand ça part sur l’orientation sexuelle de Barbie. Mon mec m’a montré un article où une féministe expliquait que Mattel n’aurait pas supporté une Barbie lesbienne. Un casting varié incluant une actrice trans oui, mais pas une Barbie homosexuelle. Non, non. Alors je suis gênée car… il n’y a pas vraiment de couple dans Barbie. Sauf dans l’arc patriarcal, justement. On le voit par exemple avec la sirène qui est seule la plupart du temps sauf quand le patriarcat dirige Barbie Land et qu’elle se retrouve affublée d’un espèce de Poséidon. Les Barbie en temps normal veulent surtout passer du temps entre elles. En vrai, Barbie, c’est juste “Girls wanna have fun, le film”. Elles n’ont pas de Ken attitré, d’où la scène des sérénades musicales, d’ailleurs. Et à la fin, Barbie refuse le couple hétérosexuel car elle n’y voit pas son bonheur. Du coup, je suis pas certaine de comprendre ce point.
Du pinkwashing ?
On pourrait se questionner sur la volonté pink washing de Mattel en positionnant leur poupée comme un modèle d’émancipation pour les femmes. Mais pour le coup, ça dépasse ce simple film puisque c’est un discours qui court depuis des années, avec la volonté de développer des Barbies astrophysiciennes et ne correspondant pas 100% aux canons de beauté. En gros, ils ont fait des Barbies colorées et certaines ont des hanches. Mais toujours le même visage très beauté classique. Après, je vous avoue que j’ai longtemps hésité à m’acheter la Barbie “cheveux bleus un tout petit peu dodue” parce que je la trouvais trop belle et que je voulais m’en faire des dioramas. En lui cousant des petites fringues et tout.
On est obligé de toujours bouder ?
Mais surtout, est-ce qu’on peut pas juste se réjouir ? Oui, Barbie, c’est du girl power bien plus que du féminisme, j’ai aucun souci à le dire. c’est gentillet et la colère des mascus contre ce film est à minima stupide. Après, je pense que les attaques les plus virulentes viennent de mecs qui n’ont, de toute façon, pas vu le film. Comme si ne pas connaître un sujet les avait déjà empêché d’en parler. Mais pour une fois qu’on a un film divertissant, réalisé par une femme, qui passe le test de Bechdel easy peasy, qui ne glorifie pas le couple hétérosexuel comme seule happy end acceptable… est-ce qu’on peut pas juste s’en réjouir ? Et le voir exploser au box office en faisant totalement rager les mascus, non ? Moi, ça me réjouit totalement surtout qu’il est sorti le même jour qu’un film de Nolan, un cinéaste qu’adorent ce genre d’individus car ils sont intelligents et si t’as pas aimé le film, c’est que tu l’as pas compris. Ils s’en moquent, d’ailleurs dans une scène de Barbie.
Plus féministe que Barbie
Alors quoi ? Vous êtes plus féministe que Barbie ? Euh bah, bravo ? Alors oui, c’est un film de divertissement et de par sa nature, je ne vois pas trop ce besoin de théoriser sur son féminisme light. Je veux dire, vous vous attendiez à quoi ? Et si on en profitait pour parler des différents sujets présents dans le film, invitant les spectateurices qui ne connaissent pas certains sujets mais qui s’y intéresseraient à découvrir d’autres ressources. Faire du fact checking avec des chiffres… On peut le faire sans être méprisant, en fait. Sans un “et vous appelez ça du féminisme ? Pfff !” Calme-toi… Je suis à peu près persuadée que tout ce que vous reprochez à Barbie, ça se retrouve quasi mot pour mot pour Sex and the city, par exemple. Alors, oui, Sex and the city est cringe sur certains sujets, notamment sur le comportement du prince charmant de service. Le lesbianisme consigné à une simple expérience de Samantha. Et qui semble prendre corps dans la nouvelle série avec Miranda, incarnée par Cynthia Nixon… elle-même en couple avec une femme. Mais c'est quand même une série qui a propulsé la sexualité féminine en avant. Et démocratisé les sextoys.
C'est un jalon et c'est déjà pas mal
Alors remettons les choses à leur place. Oui, Barbie n’est pas une oeuvre fondamentalement féministe. Sex and the city reste à critiquer sur certains sujets. Comme Friends qui est super maladroit sur certains sujets (le prince charmant de service, l’arc du père de Chandler, la grossophobie avec le fatsuit de Monica) mais qui s’est montré progressiste sur d’autres. Comme le couple marié et homoparental Susan-Carol, la grossesse de la célibataire Rachel… Les représentations, ça compte. Même si c’est léger. Et perso, j’ai envie de voir des films “girls wanna have fun” ou la sororité en socle de vie. J’aime voir des femmes qui assument leur destinée sans tomber dans le cliché de la patronne bossy dans une tenue limite SM. Et surtout : prendre les autres de haut ne vous rend ni meilleur·e ni légitime.