Il y a des sujets qui sont des énigmes pour moi. Parce que certains mécanismes me paraissent évidents mais que ça a l'air de faire chier tout le monde de s'y mettre. Pourtant, j'y vois la voie royale pour une vie en société apaisée mais il semble que mon obsession d'un nous heureux ou, tout du moins, serein, semble totalement s'opposer à un "je" têtu, peu intéressé par le bien commun tant que son confort est assuré. Ou comment on refuse d'offrir le moindre sentiment de considération aux autres, nous crispant tous dans des attitudes parfois agressives alors que personne n'a envie de ça.
On s'en fout de l'ordre d'arrivée
Dimanche 01 octobre. Puisque l'été est toujours là, mon mec et moi nous offrons un petit aller-retour en train à Arcachon. On traîne à la plage, on se baigne un peu, on mange sur le front de mer et on met les voiles en début d'après-midi pour éviter la cohue de fin de journée. Prendre le TER est toujours une expérience empreinte d'incertitude. Déjà, à la gare de Bordeaux, le gros sport, c'est de deviner où va s'arrêter le train. Les quais sont longs, les TER ne le sont pas. Donc tu sais à quelle voie va arriver ton train mais est-ce que tu es bien placée ou vas-tu devoir courir ? Arriveras-tu à avoir une place assise ? Et encore, ce coup-ci, on n'a pas de vélo. Alors que nous attendions le train qui ne venait pas, le quai étant squatté par un tgv peu motivé à partir, je sentais une certaine fébrilité monter et je commençais à soupirer. De un, je ne comprends pas que tu n'indiques pas à quel niveau est le train. Ce n'est pas comme si y avait des indicateurs sur le quai, indicateurs utilisés pour tout train à place réservée. Mais surtout, je n'ai pas envie de me bagarrer avec les gens. A l'arrivée, ils avaient prévu le coup et on a eu suffisamment de place pour pouvoir s'asseoir. Ce qui change des TER tellement blindés que tu pars avec 30 minutes de retard car y a trop de vélo et que ce n'est pas gérable. Mais si on avait un comportement cohérent de "premier arrivé, premier servi", on ne serait pas temps sur les dents.
Prendre toute la place et tant pis pour les autres
Au retour, re belote. Cette fois-ci, un couple squatte un carré. Une famille passe et la mère lance "oui, on va se mettre là vu qu'il n'y a plus de carré disponible...". Etait-ce une remarque passive-agressive ? Je me suis demandée. Donc le couple empile ses valises sur un siège et sur l'autre... la demoiselle pose ses pieds nus. Alors ok, j'ai un souci avec les pieds. Je trouve ça moche. Mais les gens qui mettent leurs pieds nus partout, ça me fait vrilleeeeer. Respecte un peu les gens, t'es pas dans ton salon. Du coup, quand le siège réservé aux pieds a été pris par une meuf tandis que celle qui se croyait chez elle était partie aux toilettes, j'ai souri. Quand j'ai vu la gueule de la squatteuse quand elle a vu qu'elle ne pourrait plus s'étaler, ce fut une joie un peu méchante, la Shadenfreunde. En sortant du train, on commente vite fait cette histoire avec mon mec et je lui dis "c'est peut-être moi qui ai mauvais fond, mais..." Et lui de me dire "non, les règles sont les mêmes pour tout le monde. Tu achètes un billet, tu as droit à une place. T'en squattes pas deux par pur confort". Parce que quand une meuf te fait comprendre que ses pieds sont plus légitimes que toi à occuper un siège, on sent moyennement de la considération. Et on n'a pas du tout envie d'en rendre en retour.
Et en plus, faudrait être tolérant ?
Alors, évidemment, une fois que le train est parti, s'il n'y a personne, ça ne pose pas de problèmes de s'étaler. C'est vraiment une question de message envoyé. Quand tu montes dans un train, tu devrais envisager que tu ne seras pas seul·e. Que oui, tout le monde préfère avoir plein de places mais ce n'est pas possible en soi. Ou alors achète deux billets. A une époque, c'était mon grand jeu, dans le RER ou le métro. Repérer les sièges occupés par des sacs et aller demander de m'y asseoir. On peut parler d'un autre sujet où ça dégénère à chaque fois : le stationnement et surtout le stationnement gênant. Il y a peu de jours, je vais faire un tour sur Facebook et voit une photo d'une voiture taguée à la craie avec un message "les trottoirs sont faits pour les piétons, pas pour les gros cons", un truc du genre. Alors avant que ça ne chiale : les tags à craie partent à l'eau. Perso, j'ai testé les autocollants "garés comme une merde". Ca n'a pas marché. Les rayures de clé, par contre... C'est pas bien de rayer les voitures ? Je ne vois pas le souci. La voiture roule toujours. Et au pire, quand on ne veut pas voir ses affaires abîmées, on ne les laisse pas traîner n'importe où. Mais inévitablement, un mec vient plaider la cause de la voiture "faut être tolérant, un peu". Tolérant ? Tolérant avec une personne qui me fait clairement comprendre que son temps est plus précieux que le mien ? Que son temps est plus précieux que ma sécurité ? Parce qu'une voiture garée sur le trottoir, c'est purement ça. Soit quelqu'un qui a eu une flemme monumentale de prendre deux minutes pour chercher une place. Soit quelqu'un qui n'a pas considéré les autres usagers dudit trottoir et tant pis si il ou elle doit passer sur la route. Et je ne vais même pas lancer le couplet PMR ou poussette.
Supplément insultes
Naturellement, quand vous vous retrouvez face à l'importun·e et que vous lui faites remarquer qu'iel n'a pas à se garer à cet endroit-là, ça part rapidement au pugilat. "Oh mais ça va, j'en ai pour trois minutes". Une fois de plus, ton temps est plus précieux que le mien ou ma sécurité. Insistez et ça va finir en "grognasse mal baisée" et autres amabilités du genre. Alors que bon, il me semble que le stationnement sur les trottoirs, t'apprends au 1er cours de code de la route que ça ne se fait pas. Que c'est une zone pour piétons. C'est encore pire sur les pistes cyclables avec en plus, cette tension bien entretenue des "les vélos sont des connards qui font chier et en plus, ils brûlent les feux". Oui, pour notre sécurité, la plupart du temps. Perso, y a un carrefour pas loin de chez moi, ça fait deux fois que je manque de me faire renverser par des voitures qui tournent à droite sans regarder. Alors oui, j'apprends à repérer quand ça passe au rouge dans la perpendiculaire pour pouvoir démarrer avant les voitures. La plupart des comportements que vous appelez "dangereux" en vélo, c'est surtout pour éviter les comportements dangereux des automobilistes et éviter de mourir, par exemple. Ca me tue toujours, quand tu fais remarquer à une personne qu'elle est en tort, qu'elle se la ramène en mode "non, c'est toi qui me casse les couilles". Mais je ? Je me pose toujours la question quant à ce que l'on doit faire dans ces cas-là. Je ne crois pas que la communication non-violente est une quelconque incidence sur la façon dont la conversation va se dérouler. Ne rien dire ? Ah oui, ça évitera la montée de tension sauf qu'à un moment... Ca finit en Pascal Praud qui raconte "ah bah mon instit, il fumait dans la classe et personne ne disait rien". Qui ne dit mot consent, paraît-il.
Et si on arrêtait de faire nawak
Le plus simple serait naturellement que tout le monde joue le jeu. Les voitures se garent là où elles sont censées se garer, les trottoirs restent une zone piétonne sur lesquels on ne gare rien d'autre. Quand on attend un transport, on respecte l'ordre d'arrivée et on ne prend qu'un siège, on ne privatise pas une zone importante sur soi par pure flemme de ranger ses valises ou autres. On n'utilise pas le strapontin aux heures de pointe. Non mais sincèrement, combien de disputes pour les strapontins vous avez pu voir à Paris ? C'est insensé. Tout ça parce qu'à un moment, une personne a considéré que son confort valait plus que le vôtre. Que vous attendrez le prochain métro car ils ne se lèveront pas pour vous faire un peu de place... Imaginez comme la vie serait plus sereine si on se débarrassait de ces conflits-là. Et on ne s'en débarrassera pas en espérant que les gens fassent des efforts. La pédagogie bute sur le "ouais mais tout le monde fait pareil". Et j'avoue que des fois, on se demande pourquoi on se fait ch*** à respecter les règles amies que personne ne le fait. Je me gare sur le trottoir, je laisse mes déchets dans le train puisque quelqu'un est payé pour nettoyer. Tant pis si mon vélo prend trop de place dans le train, tant pis si je prends trop de place en restant sur les strapontins. Les autres le font alors pourquoi pas moi ?
Ok mais on fait comment ?
Tout serait si simple avec plus de considération pour l'autre. Un exemple hyper prosaïque : une soirée dans un immeuble. Le voisin prévient ? Vous serez immédiatement plus tolérant. C'est mathématique. Seulement on en arrive à un point où jouer le jeu, tenter de ne créer aucun dérangement en considérant les autres devient presque un boulet au pied. Il serait si simple de lâcher… Mais non, on tient bon. Je ne sais comment mais on va essayer d'inculquer la considération à tous. Et peut-être qu'on mettra même pas de coup de clé.