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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Le rêve du job peinard

Publié le 6 Août 2024 par Nina in Le travail, le droit à la déconnexion, Pollution mentale

Dire que je n'ai plus aucune ambition, ça sonne mal dans certaines oreilles. Alors qu'avoir de l'ambition reste pour moi une giga arnaque : défonce-toi, tu auras une promotion. Tout ça pour que la part du gâteau revienne à ton collègue Jeremy. Énorme glandos mais qui ne rate aucun afterwork avec les N++. Bref, mon rêve est simple : un job qui s'arrête à 18h quoi qu'il arrive. Y compris, et surtout, mentalement. Et ça, ce n'est pas très bien vu. 

Fin de journée de travail

Mon job n'aide personne

Le hasard de la vie m'a menée vers un job qui n'a aucun impact positif sur la société. Si je voulais me raconter des fables, je pourrais me dire que grâce à mes actions, des e-commerçants prospèrent et peuvent payer des salaires. Sauf que dans un univers où on a compris que le capitalisme n'est qu'une course accélérée vers l'extinction de l'Humanité, la consommation ne serait plus un moteur. On revaloriserait les jobs vraiment utiles et les jobs comme les miens seraient mal payés et déconsidérés. Bref, toute l'énergie que j'investis dans mon travail n'est que peu utile à autrui. A peine les quelques dizaines d'euros filés à droite à gauche à des associations et médias alternatifs. Car oui, on ne va pas se mentir, on a beau rêver d'une société post-capitalisme, l'argent reste le nerf de la guerre. Et pour sortir de cette ère ultralibérale, autant utiliser les armes de l'ennemi.

Prends mon argent

Tu ne dois pas avoir une minute à toi

Bref, je travaille dans ce genre de boîte où il faut être occupée à 100%. Un nouveau client arrive ? Tu le prends. Mais ? De 2 choses l'une. Soit je suis vraiment à 100% de mes capacités et, tel un verre plein à rebord, je vais déborder. Soit je ne suis pas pleine à 100% mais il faut mentir. Ne pas être occupée, c'est mal. Alors que bon, je ne suis pas responsable de mon taux d'occupation vu que je ne suis pas en charge de la prospection client. Et quoi qu'il en soit, c'est débile d'attendre des salariés d'être à 100% vu que je ne passe pas 8h à travailler, même les jours où je carbure. Parce que mes collègues me parlent, par exemple. Ou parce que je vais faire une pause. Oui, j'ai beau avoir arrêté de fumer, j'ai besoin parfois d'aller remplir ma gourde. Et conséquemment de vider ma vessie. Et même, je commence à penser à des routines où je pourrais faire quelques pas toutes les heures. Mon patron n'est pas censé payer mes balades ? Certes mais le connaissant, ça va le faire encore plus chier de me payer un arrêt maladie parce que la sédentarité, c'est pas fou

Les maux de la sédentarité

Tu dois toujours être à fond et plus encore

Bref, je veux bien jouer le jeu à la base mais il ne faut pas qu'il soit absurde. Je me souviens de certaines journées si denses que je n'ai pas le temps de faire pipi. Ca m'est déjà arrivé, oui. Les recos finies aux petites heures de la nuit, les nuits courtes, les week-ends à bosser. Le burn-out insidieux. Ces jours où tu te lèves, angoissée par ta to-do list car ça a été littéralement ta première pensée. A l’époque de chez Sunlight, où mes journées étaient consacrées à des centaines de copier-coller d’annonces, je me réveillais avec la vision de Google Ads Manager devant les yeux. L’enfer. Parce que le monde du travail exige que tu en fasses plus pour absorber la charge de travail mais a du mal à accepter que tu sois en moins à d’autres moments. 100% sinon rien. 

Quand tu en fais trop

Justifie la moindre minute de ton temps

Alors que ça me saoule. La pression du timesheet où il faut tout justifier parce que faut pas faire perdre d’argent aux patrons. Patron qui bosse comme un fou mais qui a le temps de faire une slide sur les résultats des JO en mode “on a gagné X médailles aujourd’hui, soyons comme l’équipe de France”. Ah ben écoute, merci de me l’apprendre Robert. Je ne le savais pas car, moi, je bossais. Et oui, moi, je dois être à 100%... Et ce 100% me dérangerait sûrement moins s’il marchait dans les deux sens. 

regarder les JO en travaillant

On ne devrait jamais être staffé à 100%

Parce qu’elle est là, ma notion de job peinard. Déjà, me laisser un peu de temps. Parce qu’il y a des jours où le 100% va être compliqué. Parce que suite à une galère de transports, je vais arriver tard ou je dois partir tôt à cause d’un rendez-vous médical. J’ai une galère sur un fichier, un bug. Une fuite chez moi à régler. Un mal de tête, un mal de ventre. Vendredi, par exemple, j’avais plusieurs rendus à faire mais je galérais car mon corps a décidé de me rappeler que, n’étant pas ménopausée, je devais souffrir. Je n’étais pas en prise à une douleur violente mais suffisamment agaçante pour me déconcentrer régulièrement. Dans une boîte normalement constituée, on devrait tous avoir 20% d’inoccupé. Pour avoir de la marge pour monter à 100 en période d’appel d’offres, par exemple.

jauges

Droit à la déconnexion tous les soirs

Et surtout, je ne voudrais pas de pollution mentale. Qu’à partir du moment où je ferme l’ordinateur, mon cerveau se libère de ces sujets-là. Qu’il me reste assez d’énergie pour faire autre chose de ma vie. Parce que les soirées en PLS dans le canapé parce que j’ai plus de forces, c’est dans ces moments-là que je me dis que, ma vie, c’est pas une vie. Après tout, j’ai choisi le salariat, ce n’est pas pour ramener du travail à la maison. Et pourtant, là, vous le verriez, le ballet de ceux qui partent en vacances "non mais je resterai joignable de toute façon". Non, c'est bon, ça suffit. Ou dans mon ancien job où une meuf répondait à des conversations Teams à 3h du matin un samedi. Non mais c'est ça que vous attendez de vos salariés ? Qu'ils respirent pour votre boîte. Et bien, ne comptez pas sur moi. Surtout pour ce que ça me rapporte. D’ailleurs, va falloir ouvrir le dossier augmentations parce qu’avec le rachat, on va tous se faire enfler… et moi, je leur suis indispensable. 

 

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